Depuis un an, l'association Au fil des arts organise des marchés d'artisans caritatifs dans le Calvados. Des exposants reprochent aux organisateurs de leur avoir surfacturé la location des stands et d'avoir ensuite manqué de remettre aux associations partenaires les sommes promises. Deux plaintes ont été déposées contre l'association.
Cette fois, le marché de Noël n'a pas fait que des heureux. Dimanche 19 novembre, de retour d'un voyage à Paris, Bernard Broisin-Doutaz se rend dans la salle polyvalente de Glos, commune calvadosienne de 900 habitants dont il est le maire depuis quinze ans.
Pendant tout un week-end, sa commune a laissé gratuitement le lieu à disposition de l'association Au fil des arts, qui y organise un marché d'artisans pour Noël. Les exposants sont au nombre de 22 et viennent de partout dans la région, certains ayant fait le déplacement depuis Cherbourg. "Il y aura une buvette et du vin chaud", avait annoncé Corine Dahan, la présidente d'Au fil des arts, en amont de l'évènement. Le marché accueille aussi une tombola dont les recettes doivent être reversées à des œuvres caritatives.
En entrant dans la salle, l'édile s'attend donc à rejoindre une ambiance festive et bon enfant. "Je venais y faire quelques photos et rencontrer les exposants", se rappelle l'élu de 83 ans.
Mais à l'intérieur, Bernard Broisin-Doutaz découvre que le marché a tourné à l'aigre. "Il n'y avait pas grand monde. Pas mal d'exposants n'étaient pas très contents. Une exposante a même refusé de poser sur les photos, elle refusait d'être associée à l'évènement", évoque le maire.
Deux plaintes déposées
Un mois plus tard, l'humeur ne s'est pas arrangée. Deux plaintes ont même été déposées contre l'association organisatrice : l'une par une exposante pour "escroquerie", l'autre pour "abus de confiance" par le parrain de l'évènement, la vedette de téléréalité Pedro Gonçalves, ancien candidat de l'émission Mariés au premier regard sur M6.
Les artisans reprochent à l'association de leur avoir surfacturé la location des stands sur le marché. Chaque artisan a dû payer 110 euros par jour alors que le lieu était mis à disposition gratuitement par la mairie. "Dans les autres marchés du genre, c'est plutôt 35 euros pour deux jours", affirme une exposante. Alors que plus de 1 600 visiteurs étaient promis par les organisateurs, seulement 600 environ sont venus. Les artistes exposants déplorent une communication insuffisante.
"Il y a pourtant eu pas mal de pub de faite", se défend Sébastien Schmitt, le vice-président d'Au fil des arts. De fait, la présidente avait bien donné plusieurs interviews dans la presse locale annonçant l'évènement, comme dans Le Pays d'Auge et Ouest-France.
On n'est pas responsables si les gens ne font pas de vente.
Sébastien Schmitt, vice-président d'Au fil des artsà France 3 Normandie
"Soi-disant, les stands étaient trop chers. Mais on n'est pas responsables si les gens ne font pas de vente", exprime Sébastien Schmitt. Pour calmer le jeu, l'association indique avoir remboursé en entier la location du stand à plusieurs artisans ayant porté réclamation, "alors qu'on n'était pas obligés de le faire", fait savoir Sébastien Schmitt.
"C'est un peu voler les gens"
Des doutes ont aussi été émis par les participants sur les sommes effectivement reversées aux associations caritatives. Elisabeth Martin, déléguée calvadosienne de l'association Cassandra, qui lutte contre les cancers pédiatriques, assure s'être vue promettre par Corine Dahan le versement d'une partie de la recette du marché pour son association. "On n'a rien reçu du tout", affirme-t-elle. Selon Ouest-France, une autre association qui devait recevoir la totalité de la recette d'une tombola n'a finalement reçu que 150 euros. "C'est un peu voler les gens", déplore Elisabeth Martin.
Si bien que Pedro Gonçalves, qui pensait mettre sa notoriété au service d'une bonne cause, s'est agacé et a porté plainte. "Je n’ai pas apprécié que l’on fasse ainsi commerce de mon image", a-t-il expliqué dans les colonnes de Ouest-France. Elisabeth Martin et Pedro Gonçalves informent avoir mis fin à toute collaboration avec Au fil des arts.
Deux autres marchés créatifs organisés par la même association à Deauville et Lisieux en novembre et décembre sont en cause. D'après Elisabeth Martin, une tombola caritative promise lors de ces marchés n'a finalement jamais eu lieu. À Deauville, 25 exposants se sont réunis les 16 et 17 décembre, réservant chacun un stand à 250 euros, et rapportant plus de 6 000 euros à l'association. La location de la salle a coûté 2 060 euros, informe la mairie de Deauville. Des participants s'interrogent sur la possible réalisation d'un bénéfice caché.
"On réinvestit tout"
Créée en 2022 à Pont-l'Évêque dans le Calvados, l'association a pour objet de "faire revivre les métiers de l'artisanat et des créateurs". En tant qu'association de loi 1901, Au fil des arts ne peut pas avoir une vocation lucrative. La réalisation de bénéfices au profit de ses membres serait illégale.
On ne touche rien dans la caisse. Au contraire, on réinvestit tout dans l'association.
Sébastien Schmitt, vice-président d'Au fil des artsà France 3 Normandie
Les recettes des marchés de Glos, Lisieux et Deauville ont donc été employés en frais d'organisation et de transport, assure l'association. "On doit racheter des boissons, un percolateur, des rallonges électriques", énumère Sébastien Schmitt. "Ils pensent qu'on a une caisse noire. Mais on ne touche rien dans la caisse. Au contraire, on réinvestit tout dans l'association", promet-il.
Se disant très affectée par la situation, la présidente Corine Dahan ne souhaite plus répondre aux médias. L'association Au fil des arts envisage de porter plainte pour diffamation.