Une belle aventure humaine initiée par l’association du Calvados "Pompiers Missions Humanitaires" : elle a acheminé un camion et des tenues de pompiers jusque dans un petit village de Roumanie, à 2 000 km de Caen. 6 bénévoles de l'association sont allés former les soldats du feu roumains.
A Olari, village de 2000 habitants au Nord-Ouest de la Roumanie, le 6 octobre 2021 restera gravé dans les mémoires. C’est jour de fête : un camion de pompiers arrive tout droit de France. Il a parcouru 2 000 kilomètres depuis Caen sur un porte-char. Pour l’accueillir, le maire, le responsable de la police locale, le prêtre, et bien sûr tous les pompiers volontaires de la caserne. Des enfants en tenue traditionnelle bouclent le cortège, prêts à offrir la brioche, le sel et l’alcool de prune aux hôtes du village.
Six pompiers français sont arrivés la veille au soir par avion : ils font tous partie de l’association « Pompiers Missions Humanitaires ». Créée en 2015 par le pompier normand Mickaël Richomme, elle s’est donnée pour objectif de réaliser deux types de missions humanitaires : celles d’urgence (un séisme comme celui d’août dernier en Haïti), et celles de développement : fournir du matériel et des formations à des populations qui en ont besoin.
Une vieille camionnette et une bassine d’eau pour éteindre les feux
Et à Olari, on avait bien besoin de ce fourgon pompe tonne (camion d’incendie équipé d’un réservoir d’eau et d’une pompe). Les 17 pompiers volontaires utilisaient jusqu’à maintenant une camionnette, fruit d’un don d’une association autrichienne il y a une vingtaine d’années, à l’intérieur de laquelle ils avaient fixé tant bien que mal une citerne d’un mètre cube d’eau. Ils essayaient ainsi d’éteindre les feux sans lance et en faisant des allers retours au point d’eau pour se ravitailler.
Ce véhicule, les pompiers d’Olari ne le dénigrent pas. « On faisait ce qu’on pouvait. On a toujours fait notre maximum avec les moyens qu’on avait » explique Joan Juliu Kunosy, pompier volontaire à Olari depuis de nombreuses années. Mais ils voulaient faire davantage. Et un jour, le jeune Andréi Cusmoiu, pompier volontaire qui deviendra chef par la suite, décide qu’il est temps de passer à autre chose.
Olari : Un appel à l’aide sur les réseaux sociaux
Le 30 avril 2019, Andréi va voir le prêtre orthodoxe de la paroisse d’Olari, Calin Dragos, pour lui demander de lancer un appel à l’aide sur les réseaux sociaux. Il le filme dans son église et envoie cette vidéo via les réseaux sociaux, telle une bouteille à la mer, pour tenter d’atteindre une association humanitaire.
Vous pourrez voir un extrait de cette vidéo dans le premier épisode de notre feuilleton consacrée à cette belle aventure humaine.
Quelle idée me direz –vous ? Ils n’en sont pas à leur coup d’essai, les paroissiens d’Olari. Chez eux, les hommes d’Eglise se démènent. Déjà il y a 20 ans, c’est le prêtre protestant qui avait trouvé une association autrichienne pour faire don d’un véhicule pour les pompiers d’Olari.
Alors quand Andréi vient le voir, le prêtre orthodoxe se sent investi d’une mission : « Je savais que c’était à mon tour de faire quelque chose pour ma communauté ». Il y a quelques années, Calin Dragos avait déjà réalisé une vidéo. Cette fois c’est une association allemande qui avait volé au secours d’Olari pour aider à construire la salle de fêtes paroissiale.
La vidéo réalisée en avril 2019 est arrivée dans la messagerie de l’association « Pompiers Missions Humanitaires » avec ce titre « Regardez cette vidéo, vous pouvez peut-être les aider »
C’est Raphaël Vaudorne, pompier professionnel et bénévole au sein de l’association, qui tombe dessus. « Je me suis dit peut-être qu’on pourrait effectivement les aider, et organiser notre première mission de développement ! ». En 2019, l’association n’existe que depuis quatre ans et n’a réalisé jusqu’ici que des missions d’urgence.
C’était une mission réalisable. On pouvait acheter un camion aux enchères, ou faire une demande de don auprès d’un SDIS.
Don d’un camion à Olari : le Covid a tout retardé
Les membres de l’association s’adressent immédiatement au SDIS du Calvados. Mais le conseil d’administration est déjà en lien avec une autre association pour un don de véhicule pour 2019. Alors l’an prochain ce sera leur tour… Mais avec 2020 arrive aussi le coronavirus et ses confinements. Le projet est retardé, mais l’engagement du SDIS est tenu et un fourgon pompe tonne réservé. Il a servi pendant 20 ans dans le Calvados, a terminé son service à la caserne d’Amfreville, et n’a que 49 000 km au compteur quand il est réformé. Autant dire qu’il a encore de belles années devant lui.
A l’automne 2020, juste avant le dernier confinement, une poignée de bénévoles de l’association, sous l’impulsion du président Mickaël Richomme, saisit une opportunité pour aller à Olari évaluer les besoins des pompiers roumains.
C’est là qu’ils découvrent le véhicule obsolète. Et confirment leur venue, dès que possible, avec un vrai camion de pompiers.
Le projet aura donc mis deux ans et demie à aboutir. Ils ont douté, parfois, les Roumains. Mais ils avaient foi en leur nouveau chef. Andréi Cosmoiu y tenait à ce camion. Il l’a eu, et son équipe lui en est vraiment reconnaissante. Une ténacité qui lui a valu sa nomination en tant que responsable de la caserne par le maire d’Olari.
Des communes roumaines en manque de moyens
Si les grosses casernes sont gérées par les militaires en Roumanie, ce sont les mairies qui sont responsables des pompiers volontaires. C’était le cas en France pour les pompiers communaux jusqu’en 1996, date de la loi de départementalisation des services d’incendie et de secours. Et qui dit petite commune, dit petits moyens. Or dans cette région rurale de la Roumanie, les petites mairies dotées de petits budgets sont nombreuses.
A quelques kilomètres au Nord d’Olari, il y a Hasmas : petite commune entre montagne et forêt. 10 pompiers volontaires. Pas de véhicule. Plus au Sud, il y a Zimandu Nou. 4 600 habitants. 19 pompiers volontaires. Aucun véhicule. Les pompiers n’ont même pas de tenues anti-feu.
C’est la première fois que je vois une caserne de pompiers sans camion
Un camion chargé telle une hotte
Avant leur départ pour la Roumanie, les bénévoles français ont également récupéré des dizaines de vêtements de pompiers : polos, pulls, pantalons, cagoules, rangers, parkas, … tout pour habiller des dizaines d’hommes et de femmes, et notamment pour aller combattre le feu. Les tenues, neuves et encore sous plastique, ne répondent plus aux normes françaises.
Avant son départ de la caserne d’Ifs, les bénévoles ont rempli la citerne, les sièges, le camion tout entier débordait de panoplies de pompiers.
Il y avait de quoi habiller chaque pompier d’Olari en 2 ou 3 exemplaires, et bien plus encore. Mais en chargeant le camion, les Français savaient qu’ils trouveraient preneurs. Alors Mickaël Richomme s'est transformé en représentant de tenues vestimentaires et est allé proposer aux mairies voisines les pulls et autres parkas. La mairie de Macea l'a chaleureusement accueilli :
Pour le guider et surtout assurer la traduction, Mickaël Richomme est accompagné du prêtre à l’origine de cette histoire, qui parle très bien français.
Les pompiers français ont donc fait des dizaines d’heureux en Roumanie avec leurs vêtements. Mais de camion, il n’y en avait qu’un.
La prochaine mission en Roumanie déjà amorcée ?
Lorsque Mickaël Richomme se rend à Zimand Nou pour proposer ses tenues de pompiers, il est accueilli à bras ouverts par le maire et son adjoint. Au bout d’un quart d’heure de remerciements et de discussion, l’adjoint au maire tente sa chance : « sans vouloir vous mettre la pression, vous ne pourriez pas aussi avoir un camion pour nous ? ». Touché, Mickaël Richomme ne promet rien. « Un autre don du SDIS deux années de suite, ça n’est pas possible » explique le Président de l’association.
Mais la petite commune roumaine peut mettre la main à la poche, et devrait disposer de quelques milliers d’euros pour équiper sa caserne l’année prochaine. Les pompiers français peuvent alors les aider à trouver le camion qui leur conviendrait, lors d’une vente aux enchères. Des véhicules réformés sont ainsi mis en vente sur Internet deux fois par an. Les bénévoles de « Pompiers Missions Humanitaires » ont pris les coordonnées des responsables municipaux de Zimand Nou, ainsi que d’une habitante francophone (pour assurer la traduction !) pour aider d’autres Roumains à trouver chaussure à leur pied. Quand ils auront trouvé le camion, des bénévoles iront assurer des formations pour apprendre à l’utiliser, tout comme ils l’ont fait pendant une semaine, avec les pompiers d’Olari... Laissant de formidables souvenirs derrière eux, comme l'écrit sur Facebook leur chef Andréi Cusmoiu:
Quant à l’ancien véhicule d’Olari, véritable pièce de collection, elle va faire un heureux dans le Calvados. David Brasseur, collectionneur de camions de pompiers, l’attendait lui aussi avec impatience.
Il a assuré le transport du camion jusqu’à Olari sur un porte-char, en échange de cette pièce ancienne, qui viendra agrémenter sa collection personnelle, et pourra être prêtée lors d’expositions ponctuelles de véhicules de pompiers.