Un mois après sa démission de Matignon, Elisabeth Borne fait son grand retour sur la scène publique, ce jeudi 8 février 2024, en tant que députée de la 6ᵉ circonscription du Calvados. À cette occasion, elle accorde à France 3 Normandie sa première interview exclusive.
C'est au cœur de sa circonscription, dans le restaurant Au Vrai Normand, à Villers Bocage que l'on rencontre Elisabeth Borne, devenue officiellement députée du Calvados.
À l'heure du déjeuner, au moment du coup de feu, elle répond, pour la première fois, sous ce nouveau mandat, aux questions de Franck Besnier dans Dimanche en Politique diffusé ce dimanche 11 février 2023 à 11h10 sur France 3 Normandie.
- Nous sommes dans un restaurant de Villers-Bocage. C'est une ambiance apaisée loin du tumulte de Matignon ?
Elisabeth Borne : C'est certainement plus calme, mais je vais rejoindre l'Assemblée Nationale la semaine prochaine puisque je reprends mon mandat de députée. Et ça me tenait à cœur, avant précisément de rejoindre l'hémicycle, de me rendre dans ma circonscription. C'est toujours ce que j'ai voulu faire depuis que je suis élue députée. Je suis venue, mais pas autant que je l'aurais souhaité avec mon agenda de Premier Ministre, à la fois chargé et avec beaucoup d'imprévus. Ça me fait plaisir de consacrer du temps à ma circonscription.
- Vous avez hâte de vous retrouver sur les bancs de l'Assemblée Nationale ? Ce n'est pas difficile de vous dire que vous allez vous retrouver de l'autre côté ?
E. Borne : C'est avec plaisir que je vais retrouver ces députés avec lesquels j'ai beaucoup travaillé depuis 2017 en tant que ministre. On travaille aussi avec les oppositions. Je suis heureuse de retrouver ces collègues et pouvoir continuer à échanger avec eux.
- Difficile de ne pas parler de votre passage à Matignon avec des textes importants comme la loi immigration ou les retraites. Qu'est-ce qui vous a marqué durant ces périodes ?
E. Borne : Ça a été à la fois passionnant et très intense ! Vous savez, on a découvert, on a dû inventer un mode de fonctionnement dans une assemblée en majorité relative. On a porté 70 textes qui ont été adoptés sur des sujets de préoccupation de tous les Français. On avait démarré sur un texte sur le pouvoir d'achat. Il y a eu la crise énergétique. Et puis effectivement, les projets de loi de finance, de budget de l'État, de la sécurité sociale et la réforme des retraites ont été adoptés par 49.3.
Elisabeth Borne : "Ça a été à la fois passionnant et très intense"
— France 3 Normandie (@f3normandie) February 8, 2024
Les recours au 49.3, son bilan à la tête du gouvernement, sa nouvelle vie de députée, son avenir : l'ex-Première ministre s'exprime pour la première fois depuis son départ de Matignon ⬇️https://t.co/1No2soDZhb pic.twitter.com/Nu3hED922l
- Si c'était à refaire, vous le referiez cette même politique en passant par le 49.3 qu'on vous a souvent reproché ?
E. Borne : Il y a eu deux textes budgétaires en 2022, deux textes budgétaires en 2023 et une réforme des retraites qui ont été adoptés par le 49.3 alors qu'il y a eu 70 textes au total. Ça veut dire que sur la quasi-totalité des textes, des majorités ont été construites avec évidemment la majorité présidentielle, mais aussi des oppositions. Je pense que c'est un nouveau mode de fonctionnement lié à cette majorité relative. Il faut avancer pour notre pays et faire voter des budgets comme le budget de la sécurité sociale.
Je n'ai jamais été fascinée par le pouvoir.
Elisabeth Borneà France 3 Normandie
- Vous revenez en Normandie en tant que députée. Il vous manque ce poste de Première ministre ?
E. Borne : Je n'ai jamais été fascinée par le pouvoir. Mais exercer des responsabilités, on peut le faire de différentes façons. Moi, je vais évidemment continuer à mettre beaucoup d'énergie dans mon engagement politique, dans mes convictions. Mais je souhaite maintenant m'impliquer et m'investir pleinement dans mon mandat de députée aux côtés des habitants, des élus, du monde associatif et des acteurs du territoire dans cette 6ᵉ circonscription du Calvados.
- Vous ne serez pas une députée fantôme ?
E. Borne : Quand j'ai une mission, une fonction, c'est dans mon ADN, si je puis dire, d'être à fond. Je pense qu'il y a une attente de voir comment je vais prendre à bras-le-corps les dossiers du territoire. Moi, je le redis, ça me tient à cœur. Je pense que c'est un territoire qui a à la fois beaucoup d'atouts et qui est confronté aussi à beaucoup de défis. J'y mettrai toute mon énergie.
- Justement, on sort de la crise agricole, comment porter l'agriculture de demain selon vous ?
E. Borne : La crise de ces dernières semaines est l'expression de la difficulté du métier de ces agriculteurs. Ils travaillent beaucoup avec des revenus souvent sans lien avec l'énergie qu'ils mettent dans leur travail.
La question de la transmission, c'est vraiment au cœur des discussions qu'on a depuis plusieurs semaines avec les représentants des agriculteurs, leur organisation professionnelle. Il y a beaucoup d'agriculteurs qui vont partir à la retraite, on a une nécessité à installer les jeunes.
Il faut améliorer la formation des jeunes et les attirer et aussi faciliter la reprise d'une exploitation. Il y a des annonces récentes sur les dispositions fiscales pour les transmissions d'exploitation. C'est un enjeu majeur sur lequel il faut avancer avec la profession pour que des jeunes veuillent aller vers ces métiers.
On ne peut pas opposer production et transition écologique.
Elisabeth Borne sur la crise agricole
- Les agriculteurs ont obtenu la mise en pause du plan éco-phyto (réduction des pesticides de 50% à l'horizon 2030) que vous aviez défendue quand vous étiez ministre de la Transition écologique, en tant que Première ministre aussi l'année dernière. C'est une erreur du gouvernement actuel de l'avoir suspendu ?
E. Borne : Je suis convaincue qu'on ne peut pas opposer la production, en particulier de l'agriculture, et la transition écologique. Les agriculteurs le savent, on a un certain nombre de molécules qui peuvent présenter des risques et qui vont probablement être interdits dans les années à venir. Réduire l'utilisation de pesticide, c'est bon pour la santé et bon pour l'environnement. Je pense qu'on est tous d'accord sur l'objectif !
J'avais eu l'occasion au Salon de l'Agriculture de dire aux agriculteurs que j'entends leur message. Il ne faut pas de concurrence déloyale. On ne peut pas nous imposer des contraintes en France et puis importer des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. On ne peut pas non plus interdire des produits sans trouver des solutions. Il faut trouver le chemin avec les agriculteurs.
- Nous sommes dans un bassin du désert médical. On estime que 10 000 patients à l'échelle du bocage virois n'ont pas de médecin traitant.
E. Borne : L'origine du problème, on la connaît. Pendant des années, on n'a pas formé de médecins. On a fait sauter ce fameux numerus clausus, mais ça prend du temps. Il faut apporter des réponses en urgence.
Ça va passer par une palette de solutions : former plus de médecins, permettre aux internes avec la 4ᵉ année d'internat en médecine générale de découvrir des territoires et leur donner envie de s'y installer, développer les maisons pluridisciplinaires de santé. Il faut aussi des délégations de tâches comme permettre aux pharmaciens de renouveler des ordonnances ou faire le test pour savoir si on a une angine.
- Des parents d'élèves et des professeurs se battent depuis près de deux ans pour maintenir le collège du Val de Vire ouvert. Le tribunal administratif a tranché. Il estime que sa fermeture est justifiée.
E. Borne : C'est une décision qui a été prise dans la douleur. J'avais eu l'occasion de rencontrer le collectif. J'ai pu constater la colère, le désarroi des parents d'élèves et professeurs sur cette décision du Conseil départemental qui a fait l'objet maintenant d'une décision du tribunal administratif. Ce qui est important maintenant, c'est de s'assurer que cette fusion se fasse dans de bonnes conditions. Je rencontrerai le collectif prochainement pour voir si on répond bien à leur attente.
Ce qui doit se mettre en place, c'est de ne plus avoir de décisions annoncées en fin d'année ou en début d'année pour la rentrée d'après. Il faut qu'il y ait des temps de dialogue et qu'on ait de la visibilité pour permettre à la communauté éducative de trouver les meilleures réponses comme, par exemple des classes avec des effectifs moins importants ou peut-être des regroupements pédagogiques. C'est quelque chose que mon gouvernement avait annoncé et je vais veiller à ce que ce soit bien mis en place. On ne peut pas mettre les parents et professeurs devant le fait accompli.
Je viendrai toutes les semaines dans ma circonscription.
Elisabeth Borne, députée de la 6e circonscription du Calvadosà France 3 Normandie
- Certains pensent que vous n'êtes que de passage ici et que vous partirez vers d'autres horizons. Vous leur répondez quoi ?
E. Borne : J'ai une certaine détermination, j'ai plutôt l'habitude d'aller au bout de mes engagements. J'ai voulu, avant d'être Première ministre, être élue dans cette 6ᵉ circonscription. J'ai à cœur de m'impliquer à fond dans ce mandat. Vous me verrez donc souvent dans ce territoire.
Retrouvez l'entretien complet ce dimanche 11 février à 11h10 dans Dimanche en Politique sur France 3 Normandie.
🔴@Elisabeth_Borne sera l'invitée exceptionnelle de Dimanche en politique, ce dimanche 11 février à 11h10.
— France 3 Normandie (@f3normandie) February 8, 2024
👉Elle a accordé son premier entretien TV à @frbesnier depuis Villers-Bocage.
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