Frappées par la crise de la Covid-19, les entreprises de loisirs indoor menacées de s'écrouler sous le poids des loyers

Bowling, laser game, aire de jeux pour enfants, le secteur des loisirs indoor représente 5000 entreprises en France. Contraintes, une seconde fois cette année, à la fermeture, elles doivent s'acquitter de loyers très importants. Un syndicat demande l'aide de l'Etat.

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"En ce moment, je fais les petits trucs que je n'ai pas toujours le temps de faire en temps normal: des petites réparations ici, un peu de nettoyage là. Mais il y a un moment où on a fait le tour." Le temps passe lentement pour Guillaume Sautot, gérant de Girafou à Bénouville, dans le Calvados. Voilà plusieurs semaines que les rires des enfants n'ont pas résonné dans le vaste bâtiment de 1300 m2. Les journées sont d'autant plus longues que la fin du confinement pour la profession ne semble pas pour tout de suite. "De ce qu'on a pu entendre, à travers nos contacts avec les pouvoirs publics, il ne faut pas qu'on rêve d'ouvrir avant février, comme les restaurants."

Bowling, aire de jeux pour enfants, laser game ou réalité virtuelle, le secteur du loisir indoor représente une centaine d'établissements en Normandie. Guillaume, lui, s'est lancé en 2006, à la sortie de ses études. "A la base, je suis informaticien. Quand j'étais étudiant, je travaillais dans une aire de jeux. Mon diplôme en poche, je me suis rendu compte finalement que l'informatique ne me plaisait pas tant que ça. Et puis, j'avais un goût pour l'entreprenariat. A l'époque, c'était le début des aires de jeux. Je me suis lancé. On était les premiers en Normandie." On en recense aujourd'hui 450 en France.

80% de chiffre d'affaire en moins

Voilà donc 14 ans que Girafou a ouvert ses portes. Une chance à l'époque actuelle. "On a ouvert depuis longtemps, on a de la trésorerie et une gestion saine ce qui nous permet de tenir." Car selon le Space, le syndicat professional dont il est le réprésentant dans la région, les 2000 entreprises du secteur ont subi une baisse de 80% de leur chiffre d'affaire par rapport à l'an dernier. Sur une année normale, la société de Guillamume Sautot réalise 400 000 euros de chiffre d'affaire. "Je devrais être aujourd'hui à plus de 200 000 et je suis à peine à 70 000", indique le chef d'entreprise. "Ma perte réelle de trésorerie est de 70 000 euros depuis le mois de mars."

Après le premier confinement, l'aire de jeux indoor de Bénouville n'a obtenu le droit de rouvrir qu'au tout début juillet. Dans le secteur du loisir d'intérieur, l'été n'est pas forcément la saison la plus lucrative. "Là, on est en train de louper la bonne saison. Les jours de mauvais temps, on est censé faire le plein", regrette Adama Chéré, gérant de deux Laser game dans l'agglomération caennaise. Avec le tourisme (et sa météo), la Normandie limite la casse durant les mois de juillet et août. Mais pas cette année. "Les gens avaient peur de se rendre dans un endroit clos, de se mélanger, on a eu 50% de fréquentation en moins que d'habitude. Et le mois de septembre a été pire", indique Guillaume Sautot.

Grande surface, gros loyer

Dans ce secteur très saisonnier, le personnel n'est pas forcément la charge la plus lourde. "Le problème, c'est le loyer", explique Adama Chéré. Selon le Space, ce poste représente "entre 25 et 30% des coûts fixes". Car pour se développer, une activité de loisir indoor a besoin d'espace et de surface : 1000 m2 en moyenne pour des aires de jeux destinées aux enfants par exemple. "Moi, j'ai la chance d'être propriétaire de mes murs sur un de mes sites et d'avoir un bailleur arrangeant sur l'autre. Ainsi qu'un banquier sympa. Mais j'ai des collègues de Laser game qui coulent parce qu'ils ont 16 000 euros de loyers."

A Bénouville, Guillaume Sautot est également propriétaire mais il doit chaque mois rembourser 8000 euros pour le crédit contracté auprès de sa banque, un "loyer" dans la moyenne pour le secteur qu'il arrive à payer compte tenu de son ancienneté. "Des collègues vont fermer, certains ont déjà mis la clé sous la porte", assure le gérant de Girafou. "Moi, je ne me verse pas de salaire depuis six mois", raconte Adama Chéré, "Mais un gars qui n'est ouvert que depuis trois ans, il ne peut pas se le permettre, il a des crédits à rembourser." Pour les plus grosses entreprises du secteur, les sites multi-activités, les loyers peuvent s'envoler jusqu'à 30 000 euros pour 6000 m2 de surface.

Une rallonge pour survivre

Le Space estime le loyer moyen des loisirs indoor à 10 000 euros. Soit le montant accordé chaque mois par l'Etat depuis le second confinement dans certaines conditions (fermeture adminsitrative ou chiffre d'affaire inférieur à 50% d'une année normale) dans le cadre du fond de solidarité. Or le loyer ne constitue pas la seule charge de ces entreprises. En ajoutant salaires et investissements en termes d'équipement, l'addition s'élèverait en moyenne à 17 000 euros par mois. L'organisation professionnelle demande donc d'abonder le fond de soldiarité des 7000 euros manquant et ce pendant une période de 10 mois, une aide estimée à 140 millions d'euros pour aider des entreprises qui "ne peuvent pas survivre avec les aides actuelles.

La survie, pour Adama Chéré, elle passe avant tout par la réouverture. Le gérant propriétaire de deux laser games dans l'agglomération caennaise décrit cette période de crise sanitaire et économique comme "une bonne claque mais une belle claque". Le chef d'entreprise a profité de ces mois d'inactivité pour tout remettre à plat. Jadis franchisé, il a décidé de se lancer en indépendant : un investissement au départ mais 4000 euros d'économie mensuelle au final.

Préparer la réouverture

"On a éliminé les charges qui ne servent à rien. Un euro est un euro. Ça l'a toujours été mais ça l'est encore plus en ce moment", s'amuse Adama Chéré. "Je suis dans l'après, je prépare mes équipes pour la réouverture. J'ai compris que rien n'est acquis. J'ai profité de tout ce temps-là pour me former - en anglais, sur le matériel laser, sur ce qui se fait dans les autres centres laser - et avancer.  Le plus important c'est de prendre du recul pour trouver des  idées. On n'a pas le choix, on se retrousse les manches !" Mais d'ajouter : "Il ne faudrait pas que ça dure encore six mois."



 
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