"J’ai laissé 30 enfants sur le parcours" : c'est l'enfer dans les bus scolaires

Ils sont en avance ou en retard, bondés ou ne passent carrément pas…Ce florilège présenté par les bus Nomad en cette rentrée 2023 empoisonne le quotidien des élèves normands et de leurs parents. Depuis début septembre, les manqués sont quotidiens dans le Calvados et l'Eure.

Autour de l'agglomération caennaise, certains élèves attendent 40 minutes un bus qui aurait dû passer. Mais ne passe finalement pas. Ou le véhicule est tellement plein dès les premiers arrêts qu’il ne peut plus accepter d’élèves sur le parcours.

La galère au quotidien

"Mercredi midi, j’ai réussi à monter dans le bus qui était déjà bondé, mais je suis resté debout pendant 15 kilomètres. La prochaine fois, on va repérer les arrêts pour aller chercher le bus plus haut sur la ligne et être sûr d’avoir de la place."

Clément, lycéen de Malherbe, doit élaborer cette année des stratégies pour voyager dans de bonnes conditions. Et encore est-il chanceux de pouvoir rentrer chez lui. Les témoignages de parents mécontents affluent, comme celui de Céline Gomez, une mère qui raconte la galère quotidienne de ses deux fils sur la ligne Caen - Aunay-sur-Odon.

40 minutes de retard en cours

"J’ai un fils en BTS à Caen et un deuxième au Cifac de Caen. Ni l’un ni l’autre n’a pu se rendre dans son établissement le jour de la rentrée scolaire, faute de bus. Depuis, il faut s’adapter ! Un seul bus passe le matin, pas le choix que de faire avec, mais ils arrivent en retard tous les matins en cours, environ 40 minutes. Même galère le soir… Très peu de bus… Mon fils est donc obligé de quitter les cours avant la fin pour être sûr de pouvoir rentrer! "   

La page de Car.nomad regorge ainsi de témoignages de dysfonctionnements, et les commentaires expriment toute la colère des usagers. 

Pénurie de conducteurs

Les familles qui ont payé l’abonnement de Keolis cet été ne s’attendaient pas à une telle désorganisation sur certaines lignes. La page d’accueil du prestataire affiche la couleur et explique le contexte : "Attention, en raison de la pénurie de conducteurs, certains services ne peuvent être effectués en ce moment. Les horaires présents sur cette page sont les horaires théoriques en dehors de cette situation exceptionnelle. Pensez à bien vérifier sur cette page la liste des circuits non effectués."

Pas de quoi apaiser les parents. En interne, un conducteur de bus, Mickaël Bureau (CFTC) , confirme.  

Sur la ligne Verson-Caen, j’ai laissé 30 jeunes sur le parcours, j’étais déjà complet avec 26 personnes debout dans le bus. Je ne pouvais pas en prendre plus.

Mickaël Bureau, conducteur de bus Nomad - CFTC

Pour lui, l’origine de cette désorganisation est à chercher du côté d’un changement qui a eu lieu en juin, "quand la Région a pris les rênes et a repris la main sur l’organisation des transports. Avant c’était une délégation de service public", explique-t-il. "Mais avec Keolis Pays Normand, ils ont voulu tirer les prix vers le bas. Avant, comme conducteur, on était embauché à 15 euros brut de l’heure, aujourd’hui c’est 12 euros, et on a perdu la prime vacances, la prime d’intéressement…"

Il manque 40 chauffeurs dans le Calvados pour assurer le service correctement.  

Salaire d'un conducteur de bus : 600 euros par mois

Les conducteurs de bus travaillent à temps partiel, pour 600 euros nets par mois complète Mickaël Bureau. "Pas de quoi vivre ! Alors allez trouver des volontaires !", assène le conducteur.

Face à cette situation et à la pénurie de conducteurs, le vice-président de la Région Normandie en charge des transports se positionne. Jean-Baptiste Gastinne a "convoqué les deux grands opérateurs Keolis Pays Normand et Transdev dans des réunions de crise pour leur demander de mobiliser le maximum de moyens et bâtir ces plans de transports adaptés et stabilisés et aller au plus vite vers un retour à la normale".

Quant à l'idée que la situation actuelle serait liée à l'appel d’offres que la Région Normandie a elle-même lancé avant l'été, Jean-Baptiste Gastinne répond clairement : "on est passé d’une délégation de service public à un marché public mais c’est à l’entreprise de réaliser le marché qu’on leur commande. La difficulté vient du fait que les conducteurs dans le cadre de ces nouveaux marchés sont passés de Keolis bus verts à Keolis Pays normand. C'est aux opérateurs de maintenir les conditions de travail normales pour les conducteurs afin de les fidéliser."

Le président de Région Hervé Morin a quant à lui laissé jusqu’au 22 septembre à Keolis pour amener des "améliorations sensibles avec un rétablissement progressif des services suspendus" et demande des "propositions quant au dédommagement des usagers ayant subi le désagrément de la suppression régulière d'un service Nomad Car.".

Justifier les retards des élèves

Pour les lycéens ou étudiants, l'urgence consisterait à justifier les absences et les retards liés aux perturbations de transport. Pour le moment, certains établissements ne font pas preuve de souplesse de ce côté-là. Céline Gomez explique que "ce mardi, l’unique bus passant pour Caen ici était tellement plein que le chauffeur a dû refuser les passagers, mon fils n’a donc pas été en cours encore ce jour-là ! Un vrai scandale ! J’espère sincèrement que cela ne va pas compromettre la validation de son diplôme." 

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