Ce lundi 20 mai, cinq jeunes réalisateurs, trois français, un italien et un britannique, ont débuté dans le Calvados le tournage de leurs courts-métrages autour du Débarquement. Les films doivent impérativement être prêts pour la grande projection organisée le 1er juin prochain au château de Caen.
Il fait, ce lundi 20 mai à Villiers-le-Sec, près de Creully, un temps qui n'a rien de normand. Un soleil radieux, pas un nuage à l'horizon. Comme un appel à la sieste en ce début d'après-midi. Mais au coeur de ce petit village de 300 habitants, un homme, lunettes de soleil et blouson militaire américain, mulitplie les allées et venues, le portable toujours à portée de main. Il faut s'assurer ici que les accessoires sont bien arrivés, là calmer une équipe dont les estomacs crient famine tout en tentant de négocier avec l'administration une autorisation de tournage sur une plage. Igor Futterer est en quelque sorte le général en chef du Kino D-Day.
Pour les cinq jeunes réalisateurs qui ont eu la chance de voir leurs scénarios retenus parmi la quarantaine soumise au jury, c'est le premier jour de tournage. Dans la petite église de Villiers-le-Sec, l'Italien Giulio Lucchini effectue les derniers réglages avec son chef opérateur et donne ses instructions aux trois acteurs, vêtus d'uniformes américains, avant de tourner une scène.
L'un des points communs des cinq courts-métrages en cours de réalisation, outre leur contexte historique, c'est une certaine dénonciation de l'absurdité de la guerre. "C'est l'histoire d'un soldat américain qui débarque et se retrouve seul dans une clairière. Il doit faire face à la solitude, abandonné en terre ennemie, et va affronter quelqu'un qui n'arrive pas à le considérer comme ennemi", résume le metteur en scène transalpin. Pour écrire son scénario, il s'est appuyé sur sa connaissance de la Normandie, et notamment de la Côte de Nacre qu'il a visitée à plusieurs reprises, mais aussi sur sa propre culture, puisant en partie son inspiration dans une chanson de Fabrizio De André, qu'on pourrait, très rapidement, qualifier de Georges Brassens italien.
On ne peut pas dire : il y a d'un côté les gentils, de l'autre les méchants
Deux cent mètres plus loin, dans l'enceinte de la ferme du manoir, le Lorrain Antoine Bouvren aide un des comédiens à accrocher une croix de fer à son uniforme. Bientôt, le capitaine allemand sera escorté par deux soldats américains et une résistante avant de subir un interrogatoire. "Ils vont se rendre compte que leur ennemi est d'origine américaine. Aux Etats-Unis, dans les années 30, il y avait une descendance allemande très importante, c'était la première nationalité d'immigration. Plusieurs Américains se sont engagés dans l'armée allemande. Mais pour la propagande du pays, il ne fallait surtout pas que la population sache que certains Américains se trouvaient du mauvais côté de la guerre", raconte le réalisateur, historien de formation, "je ne voulais pas qu'il y ait une dichotomie entre les deux camps. l'Allemagne nazie a un substrat terrible mais il y avait des Français nazis et des Français résistants. On ne peut pas dire : il y a d'un côté les gentils, de l'autre les méchants. Il faut trouver un juste milieu, quelque chose qui nous fasse réfléchir."
Amener un message de paix
Lancé pour la première fois lors du 70e anniversaire du Débarquement, le Kino D-day reste fidèle à sa ligne éditoriale pour ce qui sera probablement l'une des dernières grandes commémorations. "Ce qui me meut dans cette entreprise, c'est d'amener un message de paix au travers de films réalisés par des jeunes réalisateurs pour des jeunes (et des moins jeunes), pour l'avenir, dans une perspectives dde culture de paix", indique Igor Futterer, directeur artistique de Landing production. Le Kino D-day reste également fidèle à son mode de production, celui d'une véritable course contre la montre et d'un tournage en mode commando."En deux semaines, on doit trouver une équipe, s'organiser avec celle-ci, faire le tournage, le montage sonore, le montage vidéo, les effets, tout ce qu'il faut pour créer un court-métrage d'un quart d'heure", raconte Antoine Bouvren, au premier jour des six programmés sur le planning de tournage. Pour les metteurs en scène, le Kino D-day est vécu comme une expérience formatrice. "On apprend beaucoup", estime Giulio Lucchini, , "On doit faire très vite, on a plein de contraintes, plein de problèmes à régler. Si ça marche là, quand on aura davantage de temps et de moyens, ce sera plus simple."
Rendez-vous le 1er juin
Tout doit être prêt le 1er juin prochain, date de la grande projection en plein air qui sera organisée dans l'enceinte du château de Caen à partir de 22 h 30. Ces films seront ensuite projetés gratuitement dans toute la région, "de Cabourg jusqu'à Ranville, de Cherbourg jusqu'à Falaise", toujours en plein air, grâce au cinéma Lux, partenaire du Kino D-Day.Vous aussi participez au Kino D-day en devenant figurants ce week-end !
Outre le talent des jeunes réalisateurs sélectionnés, le projet Kino D-Day s'appuie également sur la participation de la population normande. "On fait quelque chose de collaboratif, il y a des gens qui nous ont prêté des TSF, des vêtements d'époque qui appartenaient à leurs grands-mères, des accessoires comme des lampes à pétrole, d'autres, comme Monsieur Boscher, qui mettent à notre disposition des lieux de tournage comme la Ferme du manoir. Ce sont des films qui s'élaborent avec un scénario "étranger" mais qui se développent au niveau local", souligne Igor Futterer, le directeur artistique de Landing Production.Ce weekend, les Normands auront l'opportunité de participer directement au Kino D-Day, en tant que figurant. "Nous lançons un appel à nous rejoindre au château ducal de Caen, les 25 et 26 mai, pour le tournage d'un grand plan-séquence. Nous demandons aux gens de venir costumés en civil ou militaire. Un réalisateur berlinois va organiser tout ça pour faire une grande phrase cinématographique populaire." Le tournage aura lieu ce samedi et ce dimanche de 14 h 30 à 16 h 30.