La discrimination capillaire : quand les cheveux crépus, les tresses, et les extensions sont mal vus au travail

Ne pas être embauché en raison de sa coiffure ou subir des remarques désobligeantes à cause de ses cheveux. C’est une réalité dans le monde professionnel. Le député Olivier Serva propose que la loi sanctionne pénalement la discrimination capillaire. Des coiffeuses normandes témoignent.

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La discrimination capillaire est une notion très claire pour Hannah Johnson. Elle travaille pour un salon de coiffure situé dans le quartier de la gare de Caen. "Bien sûr que cela concerne beaucoup de mes clientes ! Il m’est même arrivé personnellement en 2019 qu’on me demande de porter une perruque pour cacher mes cheveux tressés, j’étais alors à Paris. Plus récemment, j'ai coupé les dreadlocks d’une cliente venue à la demande de son employeur, cela ne collait pas à l'image de l'entreprise".

Ne pas être retenue lors d'un entretien d'embauche en raison de sa coiffure, c'est donc une réalité.

Adélaïde Le Moan s'est heurtée aussi à cette réalité. Aujourd'hui gérante du salon de coiffure Rastafari de Caen, elle explique : "j’ai postulé en 2011 dans un hôtel de Cabourg, et ils m’ont dit : "on n’accepte pas les choses comme ça, votre coiffure ça ne va pas du tout !". J’ai beaucoup de clientes qui travaillent dans l’hôtellerie, la restauration ou l’accueil du public et qui changent de coiffure. À cause de leurs dreadlocks et de leurs extensions, elles peuvent être recalées lors des entretiens, ou alors l'employeur leur demande de modifier ça."

Pour la gérante du salon, "de nombreuses personnes subissent cela, et pas que des gens de couleur. Parfois les cheveux s'ils sont roses ou bleus ne collent pas avec l’image de l’endroit où l’on travaille.

Faire accepter sa coiffure, une question d'équilibre ?

Trouver une parade dans le monde professionnel à ces discriminations liées à la couleur, la nature, la longueur des cheveux. C'est ce que vise le député de Guadeloupe Olivier Serva. Il a soumis devant l'assemblée nationale une proposition de loi qui les sanctionnerait au pénal. 

Lydie est gérante du salon Etnik-R à Rouen. La question de modifier sa coiffure selon son milieu professionnel est selon elle très complexe et son avis sur la question n'est pas tranché. "L'une de mes clientes qui a des cheveux métissés et bouclés travaille dans le commerce international, on lui a demandé d’avoir des cheveux lisses et raides. Cela ne l’a pas choquée. Mais une autre de mes clientes qui travaille dans une boutique de luxe a dû couper ses tresses collées, et elle n’a pas aimé devoir le faire. Moi je trouve que c’est une question d’équilibre, parfois il faut savoir s’adapter, intégrer les codes."

Dis-moi comment tu te coiffes, je te dirais qui tu es

Mais Lydie réfute l'idée de se plier totalement à ces codes : "si on affiche dès le début, au moment où on postule, une coiffure afro et si on est soignée, bien habillée et qu’on a de l’assurance, là on peut affirmer qu’on doit être choisie pour ses compétences et que ce n’est pas une question de coiffure. Il faut savoir affirmer qui on est direct et ne pas tricher. Le cheveu afro naturel est joli."

Mais selon elle, encore faut-il savoir coiffer les cheveux crépus. "Dans les CFA, on n’apprend pas aux coiffeurs à s’occuper des cheveux afros et à les sublimer. Il faudrait déjà commencer par ça : former les coiffeurs !"

 

Si on est soigné, il ne faut pas chercher à changer de tête et de coiffure, on ne change pas son identité.

Lydie, salon de coiffure Etnik-R

La gérante remet en perspective ce qui est accepté ou non aux yeux de la société dans laquelle les individus évoluent : "Aux Pays-Bas, les gens qui sortent du bureau ont parfois les cheveux verts pétants ou bleus. Là-bas, ça ne pose pas de problème, l’originalité est acceptée, tandis qu’en France, ça ne passe pas, on a peur. Une couleur de cheveu trop pétante, ça montre que tu n’es pas quelqu’un de facile", estime-t-elle.

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