Des cris de singe, un faux compte TikTok qui diffuse des propos racistes : au lycée Bréquigny de Rennes, les enseignants dénoncent un climat délétère. Après avoir défendu une élève victime de racisme, l'un d'eux se retrouve pris pour cible sur le net. Les personnels réclament des mesures fermes.
Les agissements ont commencé à la rentrée. Une élève de seconde du lycée Bréquigny (Rennes), subit des remarques racistes répétées dans sa classe. "On imitait des cris de singe, on se moquait de sa couleur de peau. Elle vivait un enfer", rapporte un enseignant sous couvert d’anonymat.
Fin novembre, les tensions prennent une autre tournure. Sur le réseau social TikTok, un faux compte est créé au nom d’un enseignant. Les publications, à caractère raciste, visent à discréditer ce professeur qui, dans sa classe, a pris la défense de l'élève discriminée. "Voir son nom associé à de telles horreurs, cela a été pour lui dévastateur", confie un collègue.
Une sanction jugée trop clémente
La réaction des enseignants ne se fait pas attendre. Le conseil de discipline se réunit, et la décision tombe le 11 décembre : l’élève coupable de cette usurpation d’identité est exclu… avec sursis. Une sanction qui permet son retour en classe la semaine suivante.
"Nous étions consternés", témoigne un professeur. "C’est une gifle pour la victime et un message désastreux pour le reste de la communauté scolaire."
Rappeler que le racisme n’est pas une opinion
Dès le lendemain, plus de 120 enseignants et personnels se mobilisent. Un appel à suspendre les cours est lancé et un texte fort est lu dans tout l’établissement : "Nous refusons le racisme et sa banalisation", martèle-t-il. Un texte qui rappelle aussi que le racisme constitue un délit. "On entendait une sorte de silence absolu dans chaque couloir. C’était glaçant et nécessaire", décrit un agent administratif.
Dans la foulée, le chef d’établissement du Lycée Bréquigny fait appel de cette sanction jugée trop clémente. En attendant, l’élève incriminé a été temporairement éloigné de l’établissement, “pour toute la semaine” selon nos informations.
Un faux compte pour accuser un enseignant de racisme
Au cœur de cette affaire, une élève, donc. D'origine africaine, elle avait alerté les enseignants sur les comportements racistes de certains camarades. "Elle a écrit une lettre aux enseignants. Elle décrivait ce qu’elle vivait", raconte un professeur, ému.
L’enseignant qui est devenu la cible d’une campagne calomnieuse pour avoir pris sa défense est son professeur principal. Accusé à tort de racisme, il a dû déposer plainte. "C’est lui qui était attaqué, mais c’est toute l’équipe pédagogique qui s’est sentie touchée. Nous ne pouvions pas laisser passer ça", explique un enseignant.
D'ailleurs, les représentants enseignants au conseil d’administration ont démissionné collectivement. "Il est clair que le problème dépasse notre lycée", affirme un professeur.
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De son côté, “L’élève responsable de l’usurpation d’identité a fait de la garde à vue” souligne un enseignant du lycée. Une information confirmée par la police de Rennes, qui a ouvert une enquête.
La réponse du rectorat
Par courrier, le rectorat a tenu à préciser plusieurs points au sujet de cette affaire. "Il apparaît que certains enseignants du lycée Bréquigny contestent la décision d’un conseil de discipline, actant l’exclusion avec sursis d’un élève qui a utilisé l’image de l’un de ses professeurs sur un compte à connotations racistes sur le réseau TikTok."
Le rectorat explique que "le sursis signifie que ce lycéen a été autorisé à reprendre les cours, dans une autre classe, à condition d’avoir un comportement exemplaire. Le principe étant que s’il récidive, l’exclusion sera automatique et définitive."
Il rappelle également que "le conseil de discipline est une instance paritaire et démocratique, déclenchée suite à un manquement grave au règlement intérieur. Il prend des décisions à travers un vote motivé par des échanges et des éléments de contexte. Seul le chef d’établissement peut faire appel d’une décision. C’est ce qu’a fait le proviseur du lycée dans ce cas précis. C’est donc le conseil de discipline académique qui statuera au sujet de cet élève."
Enfin, le rectorat a souligné que, "comme dans l’ensemble des établissements scolaires, les actes et propos racistes ne sont pas tolérés au lycée Bréquigny. Ils sont toujours sanctionnés et des temps d’échanges et de sensibilisation sont également proposés aux élèves à divers moments de l’année, sur l’ensemble des thématiques liées aux discriminations."
"Un combat pour tous"
Le lycée Bréquigny s’interroge sur l’ampleur des actes racistes en son sein. "Ce n’est pas un cas isolé", assure un enseignant. "Il y a des élèves qui normalisent ces comportements. Il faut une prise de conscience collective."
Entre colère et détermination, la communauté éducative reste mobilisée. "Nous devons tous être solidaires, pour nos élèves et nos collègues. Ce combat, c’est celui de toute une société", conclut un enseignant.
À Vannes des élèves exclus après des insultes sur les réseaux
Cette affaire rappelle un autre incident récent, à Vannes. La direction du lycée Notre-Dame Le Ménimur, a découvert le lundi 2 décembre l'existence d'un groupe d'élèves impliqués dans des insultes et menaces à l'encontre de membres du personnel et d'enseignants, diffusées sur les réseaux sociaux.
Deux des victimes ont déposé plainte. Dans le cadre d’une procédure disciplinaire interne, trois élèves de première ont été définitivement exclus de l’établissement, tandis que trois autres ont reçu une exclusion avec sursis, assortie d’une obligation d’inscription au Service national universel.