Affaire Morgane. "C'est complètement impossible de décrocher". Ados et réseaux sociaux, les liaisons dangereuses

80% des parents se disent inquiets de l'utilisation des réseaux sociaux par les adolescents. Un âge charnière où l'appartenance à un groupe est essentielle. Marie-Claude Bossière est pédopsychiatre et elle travaille sur la surexposition aux écrans. Elle nous livre son sentiment sur les dangers qui guettent les ados.

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L' "affaire Morgane" a relancé les interrogations autour de l'influence des réseaux sociaux sur les ados. Des réseaux sociaux qui se sont même retrouvés au cœur de l'enquête. Morgane, c'est cette adolescente de 13 ans disparue à Pabu (Côtes d'Armor) puis retrouvée vivante le 10 décembre, deux semaines après sa disparition dans un foyer de jeunes travailleurs de Coutances (Manche), avec un jeune homme de 21 ans.

Selon les déclarations du mis en cause, il a rencontré Morgane sur le réseau social Snapchat trois mois auparavant. C’est elle qui l’aurait contacté le dimanche 24 novembre, lui faisant part d'une altercation avec ses parents au sujet de son usage des réseaux sociaux et "d'intentions suicidaires".

Cette affaire pourrait-elle être celle d'une addiction aux réseaux sociaux, une "bulle" dans laquelle une relation virtuelle compterait plus que les amies du collège ou d'autres proches ?

"C'est une catastrophe"

Les spécialistes qui travaillent sur l'exposition aux écrans et les effets des réseaux sociaux ne mâchent pas leurs mots : "Il ne faut pas se mentir, les professionnels qui sont en contact avec les enfants et les adolescents sont tous extrêmement inquiets. C'est une catastrophe", commence par souligner Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre, engagée dans l'information sur les effets des écrans dans le développement des jeunes enfants. Elle fait partie du collectif CoSE (Collectif Surexposition Ecrans) qui étudie cette problématique. 

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L'Australie, pionnière

Une problématique planétaire : l'Australie a adopté le 28 novembre dernier, une loi interdisant les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. C'est une première mondiale. Le texte, fruit de longs débats, entrera en vigueur en novembre 2025. "Ce qui est intéressant, c'est que ça met les plateformes face à leurs responsabilités et que ça va être à elles de trouver des solutions techniques pour prouver qu'un utilisateur a plus de 16 ans", ajoute la pédopsychiatre. 

Par ailleurs, un récent rapport d'Amnesty International, paru le mois dernier, est très alarmant par rapport au réseau social TikTok. "Si on fait des publications en lien avec la tristesse sur TikTok, on peut recevoir des suggestions de vidéos qui montrent comment faire un nœud avec une corde, dans sa chambre... C'est effrayant !", rapporte la pédopsychiatre. 

Si on fait des publications en lien avec la tristesse sur TikTok, on peut recevoir des suggestions de vidéos qui montrent comment faire un nœud avec une corde, dans sa chambre... C'est effrayant !

Marie-Claude Bossière

Pédopsychiatre

En France, des parents ont décidé de franchir le pas et ont porté plainte contre TikTok devant le tribunal judiciaire de Créteil. Ils reprochent au réseau social d’avoir exposé leurs enfants à des contenus qui les ont mis en danger. Le but de ces sept familles réunies dans le collectif Algos Victima ? Faire reconnaître la responsabilité du réseau social dans la dégradation de l’état de santé mentale et physique de leurs enfants ; en l’espèce sept adolescentes, dont deux se sont suicidées alors qu’elles avaient 15 ans. Les parents de l’une d’entre elles, Marie, ont d’ailleurs déposé plainte l’an dernier au pénal. Quant aux autres jeunes filles, quatre ont tenté de mettre fin à leurs jours, et une dernière a rencontré des problèmes d’anorexie.

L'effet de groupe et l'immédiateté 

"L'adolescence, c'est la période de la fragilité. Sur les réseaux sociaux, qu'est-ce qui se joue ? L'effet de groupe, qui est fondamental à l'adolescence car il rassure, et l'immédiateté des échanges qui fait que ça ne s'arrête jamais et que c'est complètement impossible de décrocher", souligne Marie-Claude Bossière. "Donc tout est réuni pour rendre les ados addicts. Mais on l'est tous, il faut partir de ce postulat. La différence, c'est que nous, en tant qu'adultes, on a eu les réseaux sociaux tardivement, on s'est structurés autrement. Mais aujourd'hui, il devient urgent de protéger les plus jeunes", ajoute la pédopsychiatre.

"Quand on leur propose d'arrêter les réseaux sociaux, individuellement c'est non, mais si tout le groupe s'y met, alors là oui. Étonnamment, eux-mêmes se rendent compte de la dangerosité de ces réseaux, parce que quand on leur demande s'ils les conseilleraient à leurs petits frères ou petites sœurs, ils poussent des hauts cris. Donc ils en sont conscients", témoigne Marie-Claude Bossière.

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"Trop de réseaux sociaux, ça isole"

Paradoxalement, le réseau social n'a rien de social. "Trop de réseaux sociaux, ça isole", conclut Marie-Claude Bossière, qui rapporte les expérimentations menées dans plusieurs collèges français où les smartphones sont interdits dans l'enceinte de l'établissement, avec visiblement "des retours positifs de la part des élèves eux-mêmes qui recommencent à se parler dans la cour". Ou bien encore ce groupe d'étudiants américains qui a décidé de revenir au bon vieux téléphone à clapet, juste pour s'appeler et se donner rendez-vous... dans la vraie vie. 

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