Filière porcine en Normandie : la pénurie d'abattoirs menace le cochon de Bayeux

La Normandie compte une trentaine d'éleveurs de cochons de Bayeux. Parmi eux, Samantha Vandamme installée dans sa "Petite ferme" au Mesnil-Simon près de Lisieux. Elle élève des bovins, des volailles mais surtout ces porcs à grande réputation. Avec un cheptel de 70 bêtes, elle essaie de s'en sortir malgré une contrainte majeure : l'éloignement des abattoirs.

Agricultrice dans le Pays d'Auge au sud ouest de Lisieux, Samantha Vandamme a démarré l'élevage du porc de Bayeux avec son conjoint il y a quelques années. Il faisait à l'époque un peu de porc rose pour la famille. "Un ami nous a conseillé le porc de Bayeux car il est excellent, avec un goût persillé, dit-elle. "On a acheté les deux premières truies ; avec le mâle, on a démarré l'élevage".

Les abattoirs sous-dimensionnés pour le cochon de Bayeux

La race a failli disparaître, les effectifs ne sont pas très importants, aujourd'hui encore car ils sont longs à élever, 18 mois contre 6 pour le porc rose. Il y a aussi un problème de consanguinité qui ne favorise pas les naissances. Mais pour l'éleveuse, la difficulté principale est le manque d'abattoirs dans la région, dimensionnés à des bêtes qui ont 18 mois. "Aujourd'hui, les abattoirs ont des chaînes industrielles pour des porcs de 90 à 110 kilos de carcasse", indique l'éleveuse. "Les cochons de Bayeux sont trop longs, trop lourds et du coup, il faut faire beaucoup de kilomètres pour trouver un abattoir qui veuille bien nous les prendre". Le premier est à Carentan à une centaine de kilomètres, à trois heures et demie de route de sa ferme, aller et retours. 

C'est du stress... On part, il est trois heures du matin, on est toute seule sur la route, s'il se passe quelque chose il n'y a pas grand monde. Faire autant de kilomètres... Et puis, il y a la fatigue et de se dire au retour, c'est pareil !.. Il y a un risque de s'endormir au volant. A la fin, c'est un peu démoralisant. 

Samantha Vandamme, éleveuse de porcs de Bayeux dans le Pays d'Auge

Faire au moins deux heures de route minimum décourage beaucoup de monde. "Des collègues ont déjà abandonné l'exploitation de porcs de Bayeux, ils en avaient marre de faire les navettes, retourner deux jours après chercher les carcasses... La fatigue, le coût, pendant ce temps-là, on n'est pas dans l'exploitation à travailler. On est en train de perdre notre patrimoine, les éleveurs arrêtent à cause de ça. Nous, on est à 140 kilos la carcasse, et là, ça coince !" L'agricultrice doit faire attention au poids. Elle se dit préoccupée par un mâle et bientôt une femelle à réformer qu'elle ne pourra pas emmener à cause de son volume.

Investir dans un abattoir de proximité dans le Calvados ou dans l'Eure

Préoccupée aussi par l'aspect sanitaire de l'élevage, la jeune femme évoque les maladies qui peuvent frapper les animaux tous les six mois. De nouvelles infections qui apparaissent chez les bovins, les porcins, comme la grippe porcine ou la peste porcine. Les kilomètres pouvant aussi être vecteurs de contagion.   

Pour tenter de trouver une solution, solliciter l'agglomération de Lisieux, l'intercom de Bernay, les députés ont été sollicités. 

Je pense qu'il y aurait moyen de créer un petit abattoir communal dans le Pays d'Auge ou dans l'Eure qui puisse aussi recevoir les élevages d'ovins, de caprins, de porcins, ces petites espèces-là car dans le Pays d'Auge, en Normandie, il n'existe plus aucun abattoir.

Samantha Vandanme, éleveuse de cochons de Bayeux dans le Pays d'Auge

L'éleveuse fait ce trajet-là une fois tous les quinze jours. Cela fait 115 kilomètres l'aller. Deux jours plus tard, elle doit aller récupérer ses carcasses à Mondeville à côté de Caen, pour ensuite les livrer dans son atelier de transformation et aux restaurateurs qu'elle a pour clients.

"Cela fait du kilomètre, du temps sur la route, de la fatigue. Pendant ce temps-là, on n'est pas à la ferme pour travailler. J'ai essayé de réduire un peu les kilomètres mais ce n'est pas ça qui réduit les coûts", se désole l'éleveuse. "Pour le porc, il n'y a pas plus près, c'est minimum deux heures de route. Et si on veut emmener les animaux de réforme, c'est encore plus loin, c'est à au moins trois heures".

La jeune femme pratique la vente en directe, à la ferme et chez les restaurateurs. Elle avoue continuer par passion et pour le retour positif des clients. "Quand on nous dit que la viande est bonne avec un goût d'antan, ça fait plaisir, ça redonne le moral et l'envie de continuer à se battre pour cette viande en voie disparition", avance-t-elle. Et de caresser l'espoir d'avoir un jour des outils d'abattage plus proches pour s'économiser des trajets longs et fatigants et préserver une race à viande du patrimoine normand. 

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