Au lendemain de la longue garde à vue des cinq membres de la SNSM intervenus sur le naufrage du Breiz, le parquet du Havre invoque des "discordances" entre les premières déclarations des secouristes et l'exploitation des données techniques du navire. Le grand-père d'une victime dénonce, quant à lui, des "zones d'ombre" et invite les bénévoles à "prendre leurs responsabilités"
Après 36 heures de garde à vue à la gendarmerie de Caen, les cinq sauveteurs en mer de la SNSM intervenus sur le chavirage du Breiz en janvier 2021 sont ressortis libres, mercredi soir. En les convoquant dans le cadre d'une enquête pour homicide involontaire, la volonté du Tribunal judiciaire du Havre était "d'éclaircir certaines discordances entre les premières déclarations des marins de la SNSM de Ouistreham qui participaient au remorquage du navire et l'exploitation de certaines données techniques du chalutier".
La vitesse du navire, la longueur de la remorque, les changements de cap et le délai de prise en compte de l'appel de détresse ont été les principaux points abordés par les enquêteurs. Avant de se prononcer sur d'éventuelles poursuites ou un classement sans suite de l'affaire, ceux-ci vont s'atteler à vérifier d'autres aspects du dossier, comme l'état du navire, le permis de navigation et les diplômes détenus par le capitaine du Breiz. Ce n'est qu'une fois toutes ces investigations réalisées que la justice décidera des suites à donner ou non à l'affaire.
"Il faut savoir reconnaître ses erreurs"
Si la garde à vue des sauveteurs bénévoles a soulevé une vague d'émotion dans l'univers marin, au sein de la SNSM mais aussi dans le cercle des pêcheurs, elle a aussi remué des souvenirs douloureux chez les familles de victimes. A Saint-Vaast-la-Hougue, Daniel Martin n'arrive pas à ôter de ses pensées cette nuit tragique du 14 janvier 2021, lors de laquelle son petit-fils Quentin Varin a péri en mer.
A 27 ans, il était le capitaine du Breiz et une grande fierté dans cette famille de marins. Son père était lui-même patron-pêcheur, et Daniel, son grand-père donc, membre de la SNSM, où il officiait à Granville et Saint-Vaast. Aujourd'hui, cet aïeul ne s'en prend pas à l'institution, mais aux sauveteurs à titre individuel.
L'ancien marin le concède, le Breiz était un bateau en mauvais état, "mais il avait eu un contrôle peu de temps avant par les affaires maritimes". En revanche, il dénonce des "zones d'ombre" et des dysfonctionnements dans la prise en charge des naufragés. "A la SNSM, la première chose que l'on fait quand on va secourir un bateau, c'est de mettre les passagers du navire en difficulté en sécurité dans le bateau remorqueur. Ensuite, on met un membre de la SNSM dans le bateau à remorquer. Le patron du canot aurait dû exiger que les marins ailent sur le bateau de sauvetage".
"J'ai été trop longtemps à la SNSM pour qu'on lui reproche quoi que ce soit. C'est aux hommes qui sont intervenus que je demande des comptes. Chacun doit prendre ses responsabilités, il faut savoir reconnaître ses erreurs, mais c'est difficile d'obtenir ça"
Daniel Martin, grand-père de Quentin Varin
Par ailleurs, Daniel Martin est interloqué par la longueur de la remorque utilisée par les sauveteurs. Plus les conditions de mer sont mauvaises, plus le câble reliant le remorqueur au navire avarié doit être long. Et cette nuit-là, la mer était démontée. "Dans le rapport, on lit qu'il y avait 190 m de remorque, on n'en a repêché que 40 m. Où sont passés les 150 m restant ? Ont-ils vraiment existé ?", se demande-t-il.
Cependant, même s'il considère que le remorquage a été mal fait, aucune plainte ne devrait être déposée contre la SNSM. D'ailleurs, à la suite du décès de Quentin, la famille avait reçu des dons, par la suite reversés à la structure bénévole de sauvetage en mer.