Léon Gautier s'est éteint ce lundi 3 juillet 2023 à l'âge de 100 ans. Il était le dernier survivant des 177 fusiliers marins français ayant débarqué le 6 juin 1944 à Ouistreham. De nombreuses personnalités saluent sa mémoire.
"La guerre, c'est tuer des gens. Et tuer des gens, ce n'est pas un plaisir. Moi, quand ils se rendaient, j'étais content." Léon Gautier n'aimait pas qu'on dise de lui qu'il était un héros. Il estimait simplement avoir fait son devoir. Le 6 juin 1944, il fut l'un des 177 fusiliers marins français à débarquer en Normandie sous les ordres du capitaine de corvette Philippe Kieffer. Le dernier survivant du commando s'est éteint ce lundi 3 juillet à l'âge de 100 ans. Et c'est bel et bien un héros que saluent les hommages qui affluent de toutes parts ces dernières heures. À commencer par celui rendu par le monde militaire. "Aujourd'hui, la Marine nationale rend hommage à Léon Gautier, héros de la Libération. Il ne sera jamais oublié"
"La reconnaissance, elle est venue tardivement pour tous les engagés de la France Libre", nous expliquait il y a quelques années Léon Gautier, "Le général de Gaulle préférait évoquer le Débarquement en Provence plutôt que sur les côtes normandes. Je crois qu'il ne digérait pas de ne pas avoir été averti." Longtemps oubliée, la contribution du commando Kieffer a été progressivement remise en lumière. Et Léon Gautier, dernier survivant "des 177 valeureux qui ont permis à la France de libérer la France", selon les mots du président de la République, en perpétuait la mémoire. Emmanuel Macron avait tenu à le distinguer, tout comme Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, lors du 81e anniversaire de l'appel du 18 juin 1940. Pour lui rendre hommage, le chef de l'Etat rapporte une citation de Léon Gautier : "Nous ne sommes pas des héros, nous n'avons fait que notre devoir."
Les politiques normands unanimes
C'est au début des années 90 que Léon Gautier a retrouvé Ouistreham, là où il avait débarqué avec ses frères d'armes en 1944, pour y couler une retraite paisible aux côtés de son épouse. " Avec toutes les invitations aux cérémonies du D-Day, ma femme m’a dit que ça serait bien d’habiter sur place", avait-il raconté à nos confrères de Liberté. Ce lundi 3 juillet, le maire de Ouistreham a très rapidement rendu hommage à cet habitant un peu particulier de sa commune, "profondément attaché à Ouistreham et au devoir de mémoire".
De toutes les couleurs et les générations, la classe politique normande rend un hommage unanime à l'un des libérateurs de notre région. "Longtemps nos plages et nos bocages se souviendront de ses exploits. Chacun se souviendra également de son engagement constant dans l'indispensable devoir de mémoire afin de donner aux jeunes générations, tous les témoignages et toutes les clés de compréhension de cette période du Débarquement et de la Bataille de Normandie", déclare Jean-Léonce Dupont, le président centriste du Département du Calvados.
Une "magnifique incarnation de l’esprit de résistance et témoin infatigable de cette époque terrible où l’honneur de la France a été relevé par une poignée de femmes et d’hommes.
Philippe Duron
L'ancien député-maire (PS) de Caen Philippe Duron salue une "magnifique incarnation de l’esprit de résistance et témoin infatigable de cette époque terrible où l’honneur de la France a été relevé par une poignée de femmes et d’hommes". Pour le député communiste de Seine-Maritime Sébastien Jumel, "une page d’histoire écrite à l’encre du courage et de l’attachement à la Liberté se tourne avec le décès de Léon Gautier".
Joël Bruneau, maire de Caen, a aussi rendu hommage au dernier survivant des Commandos Kieffer :
« La France a perdu ce matin l’un de ses grands héros. Léon Gautier, dernier représentant du Commando Kieffer qui a débarqué sur la plage de Sword Beach le 6 juin 1944, nous a quittés ce matin à 100 ans. Engagé en 1940 alors qu’il n’avait pas 18 ans, il répond à l’Appel du Général de Gaulle et rejoint, en 1943, le Commando Kieffer alors en constitution. Il foule le sol de son pays occupé aux côtés des 176 braves qui ont rendu à la France son honneur et sa Liberté ».
Le dernier visage de l’engagement de ces 177 hommes qui sont devenus quasiment un mythe grâce à leur courage.
Marc Pottier
De son côté, Marc Pottier, maire de Colombelles et historien, ajoute : "C’est un personnage emblématique et charismatique du Commando Kieffer qui nous a quittés. Le dernier visage de l’engagement de ces 177 hommes qui sont devenus quasiment un mythe grâce à leur courage. Ça me fait un petit peu penser à la mort du dernier poilu, Lazare Ponticelli, en 2008. Ils sont les derniers acteurs et témoins directs de ces événements, de ces événements.
"Ennemis d'hier, amis de toujours"
Un des hommages les plus émouvants et sans doute le plus personnel est celui rendu ce lundi par Sophie Börner, conseillère municipale d'opposition à Ouistreham. Le 6 juin 2014, l'accolade entre son père, Johannes Börner, ancien soldat de l'armée allemande, et Léon Gautier avait profondément marqué les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement. Les deux vétérans avaient tous deux élu domicile à Ouistreham et noué une solide amitié. "C'est un gentil garçon, honnête, droit", expliquait Léon Gautier au sujet de son ami, "il a été emmené dans la guerre, il a pas eu le choix. Alors que moi, j'ai eu le choix, je suis volontaire, c'est différent." Johannes Börner s'est éteint en 2018. Sa fille espère que les deux amis soient aujourd'hui réunis. "Je reste dans l'espérance que là-haut, deux anciens vétérans, ennemis d'hier puis amis de toujours, se retrouvent en paix."
Je reste dans l'espérance que là-haut, deux anciens vétérans, ennemis d'hier puis amis de toujours, se retrouvent en paix.
Sophie Börner
La nouvelle a bouleversé Mickaël Richomme, président de l’association Pompiers Missions Humanitaires dont Léon Gautier était membre d'honneur. Il était aussi son ami : "Je suis attristé. Je l'ai connu lorsque j'étais chef de centre à la caserne de Ouistreham. On a vite sympathisé. On se voyait régulièrement autour d'un café pour se donner des nouvelles, je lui racontais mes missions à l'étranger, il était toujours ravi de voir les photos que je lui montrais. Mon fils s'appelle Léon, et souvent, on allait prendre le goûter chez Léon ou bien, il venait dîner à la maison. Et, puis le papa de Léon était pompier, donc on en avait des choses à se raconter" nous confie ce dernier avec nostalgie.
L'émotion est vive également chez le journaliste et écrivain, spécialiste du D-Day et de la Bataille de Normandie, Frédéric Leterreux. Il a notamment écrit la biographie de Léon Gautier. Intitulé Mon Débarquement, ce livre, paru chez CityEditions en mai 2023, retrace la vie hors du commun du dernier survivant français du Jour-J. "C’est une immense tristesse. Léon, je le connaissais depuis 25 ans et je l’ai encore mieux connu quand je me suis attelé à écrire sa biographie. J’étais encore chez lui, trois jours avant son hospitalisation. J’ai tissé de forts liens, peut-être parce que j’ai fait trois ans dans la marine". L’écrivain nous confie aussi cette anecdote :
"Il était d’une immense gentillesse et simplicité. Souvent, il disait : « je n’étais pas un héros, les héros ce sont mes camarades tombés à mes côtés »"
Frédéric LettereuxBiographe de Léon Gautier
Jean Quétier, président du comité du Débarquement de Normandie (qui a coordonné plusieurs cérémonies et qui coordonnera le 80ᵉ anniversaire de l’événement), connaissait bien l’homme aussi : "Léon Gautier doit être un exemple pour les jeunes, celui d’un homme qui s’est engagé à 17 ans pour des valeurs qu’il a défendues toute sa vie".