Pourquoi la Normande Marion Joffle a été stoppée à 50 mètres d'un exploit inédit dans les eaux glacées de l'Arctique ?

Plonger dans une mer à -1 degré au Nord de la Norvège pour réaliser le Ice Mile, c'était le défi fou de Marion Joffle, sans combinaison, juste avec un maillot de bain. La jeune Lexovienne a parcouru 1550 m avant d'être sortie de l'eau, à seulement 59 mètres de la ligne d'arrivée. Récit d'une aventure qui ne pourra pas vous laisser froid.

Ses yeux rougis traduisent toute son émotion et sa fatigue au moment de son direct Facebook avec ses fidèles abonnés. En quelques minutes, le "pingouin souriant" comme elle se surnomme laisse échapper un mélange de fierté et de frustration à la sortie de ce challenge extrême : le Ice Mile en Arctique, 1609 mètres dans une eau glacée.

Rien que de voir ce lieu, on frissonne. Bienvenue dans le nord de la Norvège, dans l'archipel du Spitzberg. Longyearbyen, c'est tout simplement la ville la plus au nord du monde ! Ici, 2 000 habitants cohabitent avec les rennes sauvages, on s'y déplace en motoneige ou tiré par des chiens. Un petit paradis de nature pour ses habitants. À perte de vue, des montagnes glacées balayées par les vents de l'Arctique. L'hiver,  les températures descendent jusqu'à moins 30 degrés. En ce moment, c'est plutôt "doux" avec -11 (-17 degrés en ressenti avec le vent...).

C'est là que la nageuse normande Marion Joffle a voulu se jeter à l'eau. Elle, l'habituée des eaux froides, la spécialiste même, multimédaillée en février dernier pour les championnats du monde de nage en eau glacée. En Pologne, l'eau était à 3 degrés. En Norvège, le thermomètre descend un peu plus : 0 voire -1 degré dans l'eau. Une petite différence aux grosses conséquences, car le corps se fatigue beaucoup plus vite.

L'eau glacée, c'est une espèce de vampire qui pompe votre chaleur très rapidement.

Dr Alexandre Fuzeau, médecin généraliste et champion de nage en eaux glacées

Pour lutter contre l'hypothermie, il faut beaucoup d'entraînement mais aussi des aptitudes innées. Marion est un petit bout de femme, "pas assez grosse, mais très courageuse" dit d'elle Alexandre Fuzeau, un autre champion normand de la discipline, médecin généraliste dans l'Eure. "Il faut du gras pour affronter le froid. L'eau glacée, c'est une espèce de vampire qui pompe votre chaleur très rapidement."

Se préparer au froid extrême

Du gras, la Normande n'en avait pas vraiment à revendre après avoir été touchée par une infection bactérienne à l'estomac il y a quelques semaines, comme elle en témoignait avant de partir pour la Norvège. "Cela m'a provoquée une insuffisance rénale donc je ne mangeais rien. La reprise a été difficile parce que j'avais perdu pas mal de poids. D'abord de la masse graisseuse dont j'ai besoin pour nager en eau froide et surtout du muscle."

Elle est revenue petit à petit à son poids de forme, tout en s'offrant des passages de plus en plus longs dans l'eau froide.

"Le défi le plus dur de ma vie arrive et je suis prête à tout donner", annonçait-elle trois heures avant le grand plongeon : 8 tours de 200 mètres dans le port. "Le mental sera le plus important et je suis prête à tout donner." Il neige alors à gros flocons...

Nager dans un tel endroit idyllique, c'est incroyable

Marion Joffle

Nageuse de l'extrême

Le premier kilomètre se passe très bien. "J'étais heureuse d'être dans l'eau, d'ailleurs je souriais tout le temps. Ca prouve que j'adore l'ice swimming." Sauf que petit à petit le froid l'a pénétrée de plus en plus. "Echouer c'est fréquent à cette température", témoigne son homologue de l'Eure. "Moi 40 minutes, c'est un peu le maximum que je peux faire. A partir de 20-25 minutes, tout s'accélère... Avec l'hypothermie, on devient obnubilé, on ne réfléchit plus très bien. Les membres fonctionnent au ralenti, et on risque la noyade. Le ice mile, c'est extrême à la fois mentalement et physiquement, on atteint les limites de la physiologie humaine." 

Avec l'hypothermie, on devient obnubilé, on ne réfléchit plus très bien. Les membres fonctionnent au ralenti, et on risque la noyade.

Alexandre Fuzeau

Finalement, Marion Joffle s'arrête après 1550 mètres... A "seulement" 59 mètres de son objectif. "Les 600 derniers mètres sont plus durs que les 1000 premiers, tellement le refroidissement est intense et rapide. Ce qu'elle a fait est déjà un exploit. Si son équipe l'a arrêtée aussi près du but, c'est qu'elle était déjà en hypothermie sévère, à 30-33 degrés (de chaleur corporelle). Il faut au moins deux heures après ça pour retrouver une température décente."

Annabel Médard reste pour l'instant la seule française à avoir bouclé un Ice Mile Zero, c'était aux Pays-Bas, le 13 février 2021 dans un lac à 0,76 degré.

Le temps de se réchauffer, Marion se reconnectait alors au monde en témoignant toute son émotion sur les réseaux sociaux dans une vidéo touchante. "Je n'ai pas réussi, mais j'en suis tout tout proche. C'est vraiment une victoire sur moi-même, c'est incroyable, je ne pensais pas faire autant dans des conditions si extrêmes."

Des regrets ? Sûrement un peu, mais les sanglots font déjà place à l'envie d'y retourner. "Y'aura d'autres épreuves et je réussirai ! La magie de l'épreuve, de pouvoir nager dans un tel endroit idyllique, c'est incroyable. Je retenterai l'expérience avec grande joie. Maintenant place au repos."

Un repos tout relatif car le lendemain de son formidable challenge, la jeune femme originaire de Lisieux s'offrait une sortie chiens de traineau... "Vivez vos rêves, vivez vos aventures, parce que moi ce que je vis alors que je n'ai que 23 ans, c'est juste incroyable. Y'a encore plein de choses à vivre, maintenant je vais me focaliser sur la traversée de la Manche." Ce sera alors un tout autre type de défi, dans une eau moins glaciale, mais pour un effort beaucoup plus long !

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