La Croix Rouge a organisé un goûter de Noël ce mardi 2 janvier 2024 pour les Soudanais exilés à Ouistreham (Calvados). Sous un grand barnum planté à côté de leur camp, ils ont pu cuisiner avec les bénévoles, brancher leur téléphone portable et recevoir des vêtements d'hiver.
Un groupe d’adolescents soudanais se réchauffe autour d'un brasero de fortune, les mains tendues au-dessus du feu, quand trois camions de la Croix Rouge pénètrent le parking à l'entrée de leur campement, le long du chemin de halage de Ouistreham (Calvados).
Un goûter de fête
Les yeux irrités par les fumées, les jeunes migrants – ils sont moins d'une quarantaine ce mardi 2 janvier 2024 –, vêtus de ponchos imperméables noirs, attendent sous la pluie l'équipe de huit bénévoles mobilisés cet après-midi pour leur offrir un goûter de fête, une semaine après Noël.
Un atelier cuisine
Sous un grand barnum aux bâches rouges secouées par le vent, Said (son prénom a été modifié à sa demande), 20 ans, boit un smoothie à base de lait, de banane et de dattes, préparé sur place à partir des denrées apportées par l'association.
"Tout ça, la nourriture, les vêtements et les jeux, c'est bien", ose en français le jeune homme souriant, son gobelet en plastique à moitié vide à la main.
"L’idée vient de Mélanie, c'est une boisson qu'ils adorent. Puis de le faire eux-mêmes, ça va leur plaire, vous voyez", commente de bon cœur Catherine, bénévole à la retraite, derrière son stand de crêpes. À sa gauche, l'hyperactive Mélanie, large anorak fluorescent sur le dos, gère le petit attroupement formé autour de son mixeur électrique. "Allez les gars, c'est à votre tour maintenant", lance-t-elle en les désignant du doigt.
L'aide-soignante aux yeux bleus, âgée de 37 ans, responsable de l'action sociale à la Croix Rouge du Calvados, se charge des deux maraudes hebdomadaires sur le camp. "C'est la première fois qu'on vient un après-midi. On est sur un moment de détente convivial", témoigne Mélanie Ruel.
Créer du lien avec eux, ce n'est pas seulement leur apporter à manger.
Mélanie Ruel, responsable de l'action sociale à la Croix Rouge
Jusqu'à 250 personnes sur le camp
Cette boisson de fête – dont la recette a été transmise aux bénévoles par les premiers migrants du camp –, rappelle sûrement à Said et aux autres le Darfour, une région du Soudan qu'ils ont quittée à cause de la guerre. La population civile de ce pays de l'Afrique du nord-est subit depuis le mois d'avril les violents affrontements entre l'armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Dans leur fuite, les exilés soudanais ont atterri à Ouistreham, à l'embranchement de la Manche, où certains entrent au Royaume-Uni par ferry. À la mi-novembre, selon la Croix Rouge, ils ont été jusqu’à 250 personnes à loger sur le campement. Deux mois plus tard, ils ne sont plus qu'une centaine.
Hébergé provisoirement à Alençon (Orne), Said est revenu pour profiter de ce moment avec ses amis. Il n’a pas reçu de nouvelles de sa famille depuis trois semaines, le sud du Soudan dont il est originaire étant privé d’électricité. Ce soir, il s'endormira sur des palettes en bois humides, sous une bâche pour se protéger des intempéries.
Pallier la barrière de la langue
Du réconfort, c’est aussi ce que viennent chercher ces jeunes hommes, isolés par la barrière de la langue. Les bénévoles rivalisent d'inventivité pour se faire comprendre en articulant grossièrement en anglais, avec des gestes ou un simple regard.
Chloé a entamé une partie de jeu de société avec l'un d’eux. Catherine leur propose de faire des crêpes. Une autre volontaire leur serre les mains en souhaitant "une bonne année".
Une éclaircie fait vite oublier à tout le monde le temps maussade. Les jeunes glissent sur un skate récupéré qu'ils se prêtent tour à tour. D’autres s’abandonnent un instant, le sourire retrouvé, sur de la musique diffusée sur une enceinte portable.
Une dernière surprise les attend, dans le coffre d’un des véhicules utilitaires de la Croix Rouge. "Ces cadeaux ont été faits par des élèves de l'école de Ouistreham. Symboliquement, on les redonne aux personnes soudanaises. Ils n'attendent que ça et nous aussi, c'est trop beau", s'émeut Michel, les cheveux blancs au vent, voyant une file enthousiaste se former autour de lui.
Ils n'attendent que ça et nous aussi, c'est trop beau !
Michel, bénévole à la Croix Rouge
Des lettres, des gants et des chocolats
Bonnets, écharpes, boîtes de chocolats, livres ou produits d'hygiène : au total, 200 boîtes de Noël ont été préparées par les bénévoles de la Croix Rouge de Caen.
Colis dans les mains, chacun s'isole pour ouvrir ses cadeaux. L'un enfile son bonnet, un autre sent le déodorant qu'il vient de recevoir. Ces boîtes contiennent aussi des lettres manuscrites de vœux, rédigées en français par 16 classes d'enfants.
L'un des participants au goûter, assis sur le rebord d'un trottoir faisant face au canal, découvre cette écriture avec curiosité. Il l'observe longuement et demande à quelqu'un de la traduire : "Cher inconnu, je vous souhaite très sincèrement de belles fêtes de fin d'année. J'espère que ce colis vous permettra d'améliorer votre quotidien".
"Merci à vous", répond-il doucement en français, la carte serrée contre lui.