Route. Douze dos d'ânes sur un peu plus de 2 km et demi, les automobilistes à bout de nerfs

On est peut-être sur un record en France ! En l'espace de 2,5 km, une douzaine de dos d'âne jalonnent une route départementale du Calvados, près de Caen. Si les élus mettent en avant l'impératif de sécurité sur une route très empruntée, les voitures grincent et les automobilistes enragent.

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Dans le Calvados, la route départementale 214 est devenue ces dernières années un calvaire pour les automobilistes devant l'emprunter au quotidien. Qu'ils résident à Verson, Fontaine-Etoupefour, Baron-sur-Odon, et au-delà, tous sont confrontés aux secousses désagréables des dos d'ânes, des ralentisseurs de type trapézoïdal et des coussins berlinois. Sur les 5 km séparant les trois communes, 16 ralentisseurs surélevés ont été installés. On en dénombre même douze en l'espace de 2,5 km, soit un tous les 208 m !

"Je n'en peux plus, enrage Christian, habitant de Baron-sur-Odon. J'ai une voiture basse et je suis quasiment obligé de m'arrêter pour les prendre. Je ne suis pas un fou du volant, mais une fois que je me suis bouffé tous les dos d'âne, je n'ai qu'une envie, c'est d'accélérer sur les portions où il n'y en a pas. C'est contre-productif, et même punitif parce que la plupart d'entre eux ne sont même pas conformes"

Usure plus rapide des voitures, pollution accrue

Selon les normes Afnor en vigueur depuis 1994, les dispositifs censés ralentir les automobilistes sont strictement règlementés. Ils ne peuvent pas excéder 10 cm de hauteur, et doivent avoir un plateau d'une longueur de 2,50 m à 4 m maximum. Il n'est en outre pas possible de les installer sur une route dont la pente est supérieure à 4%. Or, dans les faits, ces obligations réglementaires ne sont pas souvent respectées. 

Quand bien même elles le sont, les passages répétés d'un véhicule sur des ralentisseurs génèrent une usure bien plus rapide que la normale. "Je trouve qu'ils sont un peu trop hauts, donc ça esquinte les voitures, déplore Eric, contraint de "regonfler ses pneus tous les mois". Amortisseurs, rotules, triangles, essieux : la liste des équipements automobiles souffrant des multiples passages sur ces ralentisseurs prononcés est longue.

Pour les usagers de ces routes, la facture du garagiste s'avère parfois salée. "J'ai une voiture en leasing, le garage n'a pas voulu prendre en charge les réparations du triangle de suspension, considérant que l'usure était anormale", se désole Stéphanie, contrainte de prendre chaque jour 18 dos d'âne pour rejoindre son commerce. Ceux qui le peuvent, comme Christian, finissent par dévier leur itinéraire, quitte à allonger le trajet et changer leurs habitudes. "Je ne vais plus dans les commerces de Fontaine-Etoupefour et Verson. Je préfère faire un détour, prendre la grande route et aller à Intermarché à Evrecy". 

Protéger les piétons, favoriser le partage de la route

S'ils comprennent le ras-le-bol des conducteurs, les élus soutiennent qu'il s'agit de la manière la plus efficace de réduire la vitesse sur des portions de routes proches d'habitations, et de lieux de rassemblement. "La RD214, c'est une route de transit, avec un flux important de véhicules, et une vitesse excessive, relève Claude Le Bourgeois, 1er adjoint chargé de l'espace public et du cadre de vie à Verson. Dans le secteur, au bord de la départementale, sa commune vient d'inaugurer Les Ateliers de l'Odon, nouvel espace associatif et culturel. Pour sécuriser l'endroit, un dos d'âne suivi d'un ralentisseur trapézoïdal de 150 m de plateau est en cours de création. Nous avons à Verson de très jeunes enfants et des seniors +, des piétons et des cyclistes. La route doit se partager. Ce qui nous importe c'est la sécurité, on n'a pas d'accident, on est content", conclut l'élu. 

Même son de cloche dans la commune limitrophe. "On n'est pas là pour embêter les gens, on est là pour les mettre en sécurité, clame Eric Burnel, 1er adjoint à Fontaine-Etoupefour. Il y a les conducteurs qui se plaignent, mais on a aussi des riverains qui font des pétitions parce que les gens roulent trop vite. On a même dû faire passer des flyers aux habitants pour les inciter à rouler à 50 et à transmettre le message à ceux qui se déplacent sur la commune"

Des règles de conduite de moins en moins lisibles pour les automobilistes

Un avis partagé par Bénédicte, maman d'un petit garçon de deux ans, interrogée alors qu'elle vient de franchir un passage piéton dans le bourg de Fontaine-Etoupefour. "Malgré la présence des ralentisseurs, les gens ont tendance à rouler trop vite, à ne pas respecter les 30 km/h."

L'arrivée des applications de circulation type Waze n'aide pas à inverser la tendance. Lorsque le périphérique est bouché, de nombreux automobilistes bifurquent par Fontaine-Etoupefour et Verson pour rejoindre l'autoroute A84. 

Délégué départemental de l'association 40 Millions d'Automobiliste, Francis Levavasseur comprend l'impératif de sécurité au regard "des cinglés qui ne respectent pas les limitations de vitesse. Selon lui, les ralentisseurs "ne sont pas mauvais, dans la mesure où ils sont faits correctement, mais encore faut-il ne pas en mettre trop. Il regrette toutefois que d'autres moyens de freiner les conducteurs, comme les chicanes, ne soient pas plus utilisés. 

En revanche, Francis Levavasseur peste contre la décentralisation des aménagements routiers. "Avant, l'Etat décidait, il y avait de la clarté. Mais les maires ont récupéré la gestion de leurs routes et prennent l'arsenal du code de la route comme une pochette surprise. On voit fleurir des stops en ligne droite, des marquages au sol jaunes, verts, bleus ou rouge... On trouve aussi maintenant des limitations de vitesse à 10, 30, 50, 60, 70, 80, 90, 100, 110 et 130 km/h... Les automobilistes n'y comprennent plus rien". Et encore, mieux ne vaut pas le lancer sur les constants changements de limitations à 80 ou 90 sur les départementales hors agglomération. 

En attendant, les usagers des routes du Sud-Ouest de Caen n'en ont pas fini de faire des bonds. De nouveaux ralentisseurs seront installés en 2024 à l'entrée de Fontaine-Etoupefour, afin que les automobilistes respectent enfin les 50 km/h une fois le panneau d'entrée de commune franchi. 

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