Télétravail et garde d'enfants: à Caen,les salariés d'Armatis contraints à la grève pour protéger les parents concernés

Télétravail et garde d'enfants ne sont pas toujours compatibles a affirmé la ministre du travail, Elisabeth Borne après l'annonce de la fermeture des écoles. Chez Armatis, à Caen, centre d'appels, seul un préavis de grève protège les salariés en ce premier jour d'école à la maison. 

"Quelle entreprise aurait intérêt à faire ça ?" s'interroge un inspecteur du travail que nous avons contacté mais qui préfère rester anonyme. "Le gouvernement a promis de prendre en charge 85% du salaire sans reste à charge pour l'employeur. Celui-ci ne peut donc pas s'opposer au chômage partiel !"

Tout paraît simple, en théorie. Dans le réel, c'est parfois plus compliqué.  Des discussions sont entamées dans toutes les entreprises depuis la prise de parole d'Emmanuel Macron à la télévision. Ecole à la maison et télétravail sont pour beaucoup incompatibles. Mais pas pour tous. 

La ministre du travail n'a pas voulu transiger sur la question. Elle l'a elle-même affirmé sur des plateaux de télévision et sur son compte personnel twitter : "Tous les salariés qui ne peuvent pas télétravailler, parce que leur poste ne le permet pas ou parce que cela n'est pas gérable avec les enfants à la maison, pourront bénéficier de l'activité partielle pour garder leurs enfants. Cela ne coûtera rien aux entreprises."

 

"Un tweet c'est pas un décret"

Toutes les directions n'ont pas "accepté" la nouvelle sans sourciller. Exemple à Caen (14) avec la société Armatis, centre d'appels, qui emploie environ 450 téléconseillers actuellement. En ce début Avril 2021, environ 80 % des salariés du site seraient en télétravail.

Mais depuis le milieu de la semaine dernière, les syndicats sont en pourparlers avec la direction pour obtenir un placement en chômage partiel des parents qui ne peuvent pas assurer emploi et garde d'enfants.

La direction s'oppose à placer les salariés en chômage partiel pour la garde d'enfants et l'école à la maison. On nous dit que le tweet de la ministre et son intervention à la télé, c'est pas un décret. Il n'y a aucun courrier du ministère du travail officiel, aucun décret, rien de valide qui ne leur est opposé. On a donc voulué anticiper et déposer un préavis de grève pour protéger les salariés qui en ont besoin.

Thibault Soulat, CGT-Armatis, à Caen

 

Déposer un préavis de grève reconductible dès ce lundi 6 avril a permis au syndicat de "protéger" ses salariés en ce premier jour d'école à la maison. "Ce n'est pas une solution, c'est certain, mais on voulait leur proposer quelque chose. Et ils (ou elles) perdent une journée de salaire, mais ils (ou elles) évitent les sanctions."

Et dans un deuxième temps, le préavis oblige aussi la direction à se mettre autour de la table avec les représentants du personnel pour en discuter.

"La situation n’est absolument pas claire et des informations juridiques et législatives de la part du gouvernement, afin de mettre en place une telle mesure, nous semblent indispensables. Le recours au chômage partiel doit en effet se justifier", explique la direction du site, qui de son côté essaie d'avancer. 

Parmi les solutions mises en avant par Mme Borne, il y a la pose de congés, la possibilité de décaler les congés déjà posés ou encore d’anticiper la prise de congés sur la période à venir. Sur 470 personnes, vendredi dernier seuls 7 salariés nous avaient contactés pour cela. Nous évaluons la situation avec chaque collaborateur et trouvons des solutions adaptées au cas par cas.

Frédéric Narasson, Directeur du site Armatis à Caen

"Les 30 minutes de pauses quotidiennes utilisées avant 11H"

Thibault Soulat est soulagé d'avoir anticipé cette première journée de télétravail et de garde d'enfants, avec un préavis de grève permettant aux salariés en difficulté de basculer sans "remontrances et pénalités au travail."

Ce matin, plusieurs parents m'ont contacté pour me raconter que les 30 minutes de pause légale fractionnées sur une journée de travail, étaient déjà toutes déjà prises à 11 heures, avec une prise de poste à 8H. Et oui, on fait quoi quand l'adolescent en 6ème ou 4ème ne peut pas se connecter à ENT parce que la plateforme de l'éducation nationale est en panne? On ne répond pas à un enfant de 8 ans qui demande de l'aide sur un exercice de mathématiques qu'il ne comprend pas ? Nous sommes au téléphone avec des clients pendant ce temps là, c'est ingérable. On n'a pas le choix, il faut se mettre en "pause".

Thibault Soulat, CGT-Armatis, Caen

Le téléconseiller ne stoppe pas son travail toutes les cinq minutes, c'est impossible pour lui. Et mettre l'ordinateur en pause, c'est tout aussi pénalisant : le logiciel est relié à celui des managers qui "surveillent" du siège les temps de connexion de chaque membre de son équipe. " On a en tout, 30 minutes de pause et une heure pour déjeuner. si on dépasse, c'est très rapidement une absence injustifiée qui peut devenir une faute grave pouvant conduire à un licenciement", explique Thibault Soulat.

 

Quel âge les enfants ? 

En attendant que les textes soient plus directifs et plus clairs pour la direction, une discussion a été engagée suite au préavis de grève déposé. "Ils veulent notamment qu'apparaisse officiellement  l'âge maximum de l'enfant. 8 ans ? 16 ans (comme l'a préconisé Elisabeth Borne?) ou 12 ?", précise Thibault Soulat.

La situation est d'ailleurs aussi compliquée pour les parents de bébés : les crèches sont fermées et les assitantes maternelles peuvent suspendre leur activité. 

La direction d'Armatis a demandé de traiter  les demandes au cas par cas. Ainsi, après discussion avec les syndicats, l'ensemble des salariés concernés par le télétravail et la garde d'enfant incompatibles pourront se faire connaître auprès de leur direction. Et des aménagements pourraient finalement être acceptés, au cas par cas.  "Mais plutôt que le chômage partiel, on nous demande de poser des congés payés anticipés, si besoin. Et ça n'est pas du tout pareil."

Les discussions se poursuivent donc chez Armatis alors que le préavis de grève reconductible n'est pas levé. Dans d'autres sociétés employant des téléconseillers, un âge maximum de 8 ans a été fixé. Ce qui peut s'avérer très juste. Un enfant de sixième (11 ans) est-il totalement autonome sur internet pour suivre ses cours à distance? Alors que la plateforme ENT de l'éducation nationale était en surcharge de connexions ce premier lundi d'école à la maison, aucun parent ne pourrait l'affirmer sereinement. 

 

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