Olivier Lidec va s'attaquer début septembre à l'Enduroman, une épreuve en solitaire aux distances dantesques : 140 km à pied entre Londres et Douvres, 34 km à la nage pour traverser la Manche, puis 290 km de Calais jusqu'à Paris. Rencontre avec un homme en quête de dépassement et de rencontres.
Ses limites ? Il ne s'en fixe pas. Avec le temps, Olivier Lidec a appris à connaitre son corps, à l'écouter, mais cela ne l'empêche pas de se lancer des défis toujours plus impressionnants. "Avec l'âge, on se dit qu'il faut se reposer entre deux maintenant, mais y'a toujours des projets, c'est sympa de se projeter."
Et dire qu'il n'y a même pas 10 ans, il finissait un 30 km sur les genoux, en pensant être allé au bout de lui-même. "C'était ma première, la plus belle, et ça reste un moment à part, je l'avais fait pour ma fille." Depuis, Pyrrhocorax Cambremerius a épinglé des dossards de courses prestigieuses à son tableau de chasse d'abord en France (Ultra-trail du Mont-Blanc, Pierra Menta en Savoie), puis en Europe (Swisspeaks en Suisse, Celtman en Ecosse).
L'Enduroman, un triathlon de géant
Cette fois-ci, le défi est un peu différent car Olivier Lidec sera seul face à lui-même dans l'Enduroman. Créé en 2003, ce triathlon s'appelle aussi Arch to Arc, car il part de Marble Arch à Londres pour relier l'Arc de Triomphe à Paris.
Les distances sont impressionnantes : 140 km à pied entre Londres et Douvres, au moins 34 à la nage pour traverser la Manche, puis 290 km de Calais jusqu'à Paris. Et c'est l'épreuve de nage qu'Olivier Lidec redoute le plus : "ce sera le juge de paix et la grande inconnue". On peut l'imaginer... Avec tous ces immenses porte-conteneurs qui empruntent ce passage étroit entre la France et l'Angleterre, il y a de quoi se sentir tout petit.
Cette année, ils sont 8 à se lancer dans cette compétition en solitaire extrème : 3 Français, 3 Anglais, un Belge et un Indien. Mais ils ne sont que 46 au monde à l'avoir terminée en presque vingt ans. C'est dire la difficulté du défi.
Pour suivre l'évolution du coureur, une équipe de l'organisation le suit en temps réel sur la route, comme en mer, prête à l'aider et évidemment à le nourrir. Les athlètes ont aussi le droit de dormir, mais le temps de sommeil entre en compte dans le temps final. "Peut-être je me reposerai un peu, c'est pas impossible", sourit notre Normand.
Le record est 49 heures et 24 minutes.
Tout au long du parcours, je n'ai pas de doute, on va croiser des gens qui ne vous connaissent ni d'Eve, ni d'Adam, mais qui vous encouragent, vous donnent une énergie...
Il faut voir ces images surprenantes de départ à Londres ou d'arrivée sur les Champs Elysées, dans un anonymat quasiment complet, en dehors de la famille ou des amis proches. On est là très loin des ambiances populaires d'un tour de France ou même d'un marathon de Paris... Et pourtant l'effort de l'enduroman n'a rien à envier à ces épreuves mythiques. "Certaines courses restent relativement intimistes. c'est des choses qu'on partage avec un cercle relativement fermé, même si tout au long du parcours, je n'ai pas de doute, on va croiser des gens qui ne vous connaissent ni d'Eve, ni d'Adam, mais qui vous encouragent, vous donnent une énergie... On retrouve du vrai relationnel, de l'humain."
Je me suis retrouvé face à des gens plongés dans leurs téléphones pour regarder leur classement, ou donner des nouvelles sur leur page Facebook. Du coup, il n'y a plus d'échange, c'est dommage.
Notre homme avoue avoir été surpris en participant à l'UTMB dans le Mont-Blanc par tous ces sportifs qui ne se parlent plus. "Avant sous les tentes ravitaillement, on discutait avec l'inconnu qui était en face, on refaisait le monde en sachant qu'on n'allait peut-être jamais se revoir. Des amitiés sont nées comme ça... Mais la dernière fois, je me suis retrouvé face à des gens plongés dans leurs téléphones pour regarder leur classement, ou donner des nouvelles sur leur page Facebook. Du coup, il n'y a plus d'échange, c'est dommage." Cela ne risque pas de lui arriver, il n'est pas sur les réseaux sociaux ! Olivier Lidec n'est pas là pour la notoriété, ou même pour établir un chrono. Il veut juste arriver au bout, se dépasser, encore une fois. Il en restera une vidéo toute en ambiance sur sa chaîne Youtube pour partager ses aventures
Le reportage de David Frotté et Carole Lefrançois
Cadre dans l'industrie mais homme de nature
L'entraînement n'est peut-être pas ce qu'il préfère, encore moins quand la Manche est à 13 degrés comme le jour de notre tournage. Mais son sourire ne l'a pas quitté de toute la journée. En mer, sur les routes ou les chemins, il est comme un poisson dans l'eau au milieu de la nature, à l'image de sa maison loin de la circulation, au calme, cachée à Cambremer dans le Pays d'Auge.
Ce qu'il préfère ? Enfiler une paire de baskets et se laisser guider par l'inspiration du moment. "Je me laisse guider par le dénivelé, par ce que je trouve, un chemin que je n'ai jamais fait, quelqu'un qui passe devant moi et qui va par là... Je me dis "Tiens je ne suis pas allé"... J'essaye de ne pas planifier, parce qu'on planifie beaucoup de choses aujourd'hui dans la vie, même les imprévus. Bah non, il y a un moment où il y a une part d'imprévu et faut savoir l'apprécier !" La sagesse avant même la cinquantaine.