Des produits chimiques dangereux ont été retrouvés dans la station de pompage abandonnée du Pont neuf à Vire-Normandie. L'usine a été fermée en 2014 mais laissée comme telle, sans nettoyage ni dépollution. La mairie et la préfecture se veulent rassurants mais sous-évalueraient les risques.
Sacs de sulfate d'aluminium, pastilles de phénol, bidons de détergent surpuissant : de nombreux produits chimiques gisent à même le sol dans l'ancienne station de traitement d'eau du Pont neuf à Vire-Normandie. L'ex-station de pompage a alimenté le bassin virois en eau potable durant près de 50 ans. Remplacée par un établissement neuf en 2011, mise hors-service en 2014, elle a été abandonnée en l'état. Pas de rangement, ni de nettoyage, ni de dépollution du site n'a été effectué. Aujourd'hui, le bâtiment est d'une grande insalubrité, et des questions se posent sur la dangerosité des produits laissés sur place.
Normalement, le site aurait dû être dépollué. Les techniciens de l'époque n'ont pas fait ce qu'ils auraient dû faire normalement quand on ferme un site industriel comme celui-ci. Evidemment que c'est une préoccupation. Il y a des produits qui peuvent se mélanger et un cours d'eau juste à côté.
Jugée urgente, la dépollution du site devrait débuter dans les prochaines semaines, pour un coût estimé à plusieurs centaines de milliers d'euros. L'alerte quant à ce lieu potentiellement dangereux a été lancé par Serge Couasnon, conseiller municipal d'opposition. En septembre, l'ancienne usine était accessible, il a pu se promener à l'intérieur et y découvrir de nombreux produits potentiellement dangereux. "Il y en a qui provoquent des graves lésions occulaires, des irritations ou des brûlures de la peau. Il y a des plaquettes de produits à base de phénol, de cyanure".
Cyanure ou acide cyanurique ?
Cyanure, le mot peut effrayer. Mais en fait, il s'agit d'acide cyanurique explique la Préfecture. Selon Pierre-Emmanuel Simon, sous-préfet de Vire, les produits incriminés ont été identifiés par des professionnels comme étant "des pastilles qui permettent de vérifier le traitement des eaux. Selon le représentant de l'Etat, cela équivaut aux pastilles que l'on met dans une piscine pour vérifier la qualité de l'eau". Sur ce point, le sous-préfet a raison. Les cachets d'acide cyanurique servent à stabiliser la quantité de chlore dans l'eau. Il ne s'agit pas du cyanure dangereux assimilé à du poison. En cas d'ingestion d'acide cyanurique, le corps humain le rejette à plus de 98% dans l'urine et, au plus tard, 24 heures après ingestion. Pour ce qui est du cyanure, sa durée de vie dans l'air est de moins de deux ans, et dans l'eau, de moins de 15 jours, mais sa présence dans l'usine abandonnée n'a pas été prouvée.
Le phénol, hautement toxique
En revanche, les sacs de sulfate d'aluminium et les pastilles de phénol sont, eux, très dangereux.
Le phénol est un produit extrêmement caustique, très corrosif et cancérigène qu'on n'a même plus le droit d'utiliser en laboratoire de recherche. C'est un produit très, très dangereux qui ne devrait pas se trouver là. Un acte malveillant, quelqu'un qui ouvre ces pastilles et qui les met dans la rivière à côté, ça donne une catastrophe écologique parce que le phénol est terriblement toxique. Pour un enfant qui vient jouer et qui considère que ce sont des bonbons, c'est tout simplement mortel.
A qui la faute ?
L'important à l'heure actuelle, c'est que le site a été rendu inaccessible par les services communaux. Pour autant, il a été laissé ouvert à tous pendant près de huit ans, régulièrement visité par des amateurs d'urbex (pratique consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l'homme), et parfois squatté par des marginaux. Heureusement, aucun incident majeur ayant pour théâtre l'ancienne station de traitement d'eau n'a été recensé. Reste à établir la ou les fautes dans cette affaire où la mairie et la préfecture se renvoient la balle. Il se pourrait aussi que l'ancien exploitant du site n'ait pas souscrit à ses obligations. Pour rappel, l'abandon de déchets est un délit passable de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.