Depuis plusieurs mois, les mutilations de chevaux se mutliplient en France. En Normandie, terre d'élevage, deux nouveaux cas ont été recensés la semaine dernière. Plusieurs pistes se présentent aux enquêteurs mais les résultats tardent pour les éleveurs. Un homme a été interpellé ce lundi.
Une quarantaine de gendarmes ont été déployés dans un élevage en Côte d'Or ce weekend pour tenter de retrouver deux individus. L'éleveur avait donné l'alerte après avoir consaté une blessure au niveau du flanc sur l'un de ses chevaux dans un pré. Les moyens mobilisés sont à la hauteur de la psychose qui sévit dans le monde équin depuis plusieurs semaines. Une vingtaine de départements français ont été le théâtre d'agressions et de mutilations d'équidés.
Combien de cas en Normandie ?
La fin de la semaine dernière a été marquée par deux nouveaux cas dans la région. Deux poulinières, ayant récemment mis bas, ont été blessées dans la nuit de jeudi à vendredi dans le sud Manche. "L'une a une plaie de 70 centimètres sur une cuisse. L'autre a une entaille d'une longueur identique sur une épaule", expliquait à notre équipe Alicia Colletti, du haras des Buissonières, près de Barenton. Le soir même, deux autres chevaux étaient agressés dans un haras près de Deauville. Une semaine, plus tôt, le club hippique de la station balnéaire au commissariat pour l'agression de deux chevaux.En Seine-Maritime, le parquet de Dieppe a ouvert une enquête cet été. Selon nos confrères de France Bleu, sept chevaux et ânes auraient été retrouvés tués et mutilés entre juin et août. Une enquête a également été ouverte le 1er septembre dernier par le parquet d'Evreux dans l'Eure après l'agression d'un équidé dans le secteur de Bernay. Difficile toutefois d'établir un recensement précis des faits avérés. Les signalements ne donnent pas toujours lieu à un dépôt de plainte. Ainsi, à Houlgate, la suspicion d'acte de cruauté sur un équidé a été levée par une expertise vétérinaire.
Carte diffusée par France Bleu
Une enquête complexe à mener autour des actes de cruauté contre les chevaux
L'affaire est prise au sérieux au plus haut niveau de l'Etat. Ce lundi 7 septembre, le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin et son homologue de l'agriculture, se rendent dans l'Oise, pour rencontrer notamment une éleveuse, à Plailly, qui a retrouvé en juillet dernier l'un de ses chevaux sans vie. Ils doivent également s'entretenir avec les représentants de la filière équine et les services mobilisés sur cette enquête.Face à la vague ignoble de mutilations de #chevaux, des enquêtes sont en cours. Ces sévices cruels sont intolérables.
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) August 25, 2020
Mon ministère est mobilisé avec la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires & phytosanitaires.
Propriétaires, suivez les recommandations de la @Gendarmerie ? pic.twitter.com/Hp8RQjKfSv
Le 27 août dernier, la gendarmerie de l'Yonne diffusait le portrait robot d'un homme suspecté d'avoir commis, avec un accolyte, des actes de cruauté sur des chevaux dans le département de l'Yonne. Les militaires invitaient toute personne disposant de renseignements à les contacter. Ce lundi 7 septembre, un homme a été interpellé la section de recherches de la gendarmerie de Dijon dans le Hau-Rhin, dans le cadre de cet appel à témoins.
Pour autant, l'implication de l'individu était circonscrite à une seule agression. Pas question, pour le moment, d'en faire l'agresseur en série qui terrorise tous les éleveurs de France.
Interviewé par l'AFP le 2 septembre dernier, le colonel Hubert Percie du Sert, coordinateur de la sous-direction de la police judiciaire de la gendarmerie, évoquait une "pluralité des auteurs et des modes opératoires". Un point de vue partagé ce lundi 7 septembre dans les colonnes de nos confrères de Libération par le général Jacques Diacono de l'Office de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP). Ce dernier estime même que "dans une bonne partie des cas, il n'y a pas eu d'action humaine." Cette dernière serait responsable de "20 à 25 % des cas".
Cause naturelle ?
Officiellement, aucune piste n'est écartée : du phénomène de copycat (les copieurs de tueurs en série) à l'action d'un groupe coordonné via les réseaux sociaux, en passant par le trafic international (certains actes démontreraient une bonne connaisance des équidés) ou le satanisme. Concernant ce dernier point, la Miviludes (la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a apporté son concours à l'enquête. Son expertise n'a pour l'heure pas permis de mettre en évidence des rites sataniques dans ces affaires.Si les enquêteurs estiment que la majorité des cas ne peut être imputée à la main de l'homme, c'est que plusieurs faits peuvent être attribués à des animaux, les équidés eux-mêmes mais aussi les charognards qui s'en prennent, notamment, aux oreilles ou aux parties génitales des animaux morts. Comme le rapportent nos confrères du Monde, la Suisse en 2005 et la Grande-Bretagne dans les années 80-90 ont été confrontées à un phénomène similaire à celui observé actuellement en France. Les enquêteurs ont conclu à une cause "naturelle" dans une écrasante majorité des cas.
Risque de dérapages
En parallèle de l'enquête, le services de l'Etat mènent un travail visant à rassurer les éleveurs : des conseils pour protéger les sites et les animaux mais aussi des patrouilles menées par la gendarmerie jour et nuit autour des élevages, comme c'est le cas dans le Pays d'Auge. Et ils invitent à composer le 17 pour signaler tout fait suspect.#chevauxmutiles
— Préfet du Calvados (@Prefet14) September 7, 2020
Face au phénomène de mutilations d'équidés partout en France, 1 seul réflexe pour signaler des faits ou comportements suspects ? 17
Suivez les recommandations de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique ⤵️ https://t.co/NOZEpck3Dv pic.twitter.com/AHStqRfewg
Car les éleveurs paniqués ont décidé de s'organiser par eux-mêmes. Plusieurs groupes ont vu le jour sur Facebook comme "Justice pour nos chevaux" qui rassemble plus de 20 000 membres ou "Surveillance équidés Basse-Normandie" qui compte à son actif plus de 1000 personnes. Sur le réseau social s'organisent des rondes, des patrouilles menées par des éleveurs mais aussi des signalements de véhicules ou d'individus supects. Avec les risques inhérents à ce type de pratiques. Une mère et sa fille seront jugées en janvier prochain à Quimper pour avoir contrôlé et menacé avec des armes deux automobilistes qu'elles suspectaient d'avoir agressé des chevaux. Elles risquent jusqu'à 5 ans d'emprisonnement.