Cinq choses que vous ignoriez sur la chasse

Régulièrement décriée, la chasse attire encore plus d'un million d'amateurs chaque année, et 5 millions sont détenteurs du permis de chasser, selon la Fédération Nationale des chasseurs. Cinq choses que vous ignoriez sur ce loisir parfois tabou.

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Pourquoi pratique-t-on cette discipline ? Qui sont les chasseurs aujourd'hui ? Quels quotas de prélèvements doivent-ils respecter et quelles responsabilités pèsent sur leurs épaules ? Sans a priori, nous avons donc posé ces questions à José Doméné-Guérin, président de la Fédération départementale des chasseurs de Seine-Maritime.

Les chasseurs et les défenseurs de l'environnement ont des intérêts communs. Que veut le chasseur ? De la biodiversité. Dans les plans de gestion, on ne prélève que le bénéfice d'une population. Il faut donc qu'elle se porte le mieux possible !

José Doméné-Guérin, président de la Fédération de chasse de Seine-Maritime

à France 3 Normandie

La pratique de la chasse contribue à protéger la biodiversité

Difficile, pour certains, d'entendre que tuer un animal, quel qu'il soit, puisse protéger la faune. Pourtant, la chasse vise à assurer ce que l'Etat appelle "l'équilibre agro-sylvo-cynégétique" (combiner préservation de la faune et de la flore sauvage et maintien d'une activité agricole durable). C'est de lui dont dépend l'attribution de bracelets, payés par les chasseurs, qui leur permettent de "prélever" [d'abattre, ndlr] telle ou telle espèce. Le prix étant variable d'une espèce à l'autre.

"On évalue la densité de la population, le nombre de couples à la sortie de l'hiver, l'impact du gibier sur la flore, et on estime aux 100 hectares combien d'animaux on peut prélever", précise José Doméné-Guérin. Pour les cervidés, "on regarde ce que le gibier mange en priorité, l'indice kilométrique d'abondance et l'état sanitaire des jeunes. Pour les chevreuils, par exemple, si le poids des chevrillards baisse à date constante, c'est que la population est en déséquilibre et que les ressources en nourriture sont moindres, alors on augmente les attributions de bracelets."

On doit mettre en adéquation nos prélèvements pour que la forêt puisse se régénérer de façon naturelle et pour que les agriculteurs puissent poursuivre leur activité sans être trop importunés.

José Doméné-Guérin

Pour assurer l'équilibre des populations, les chasseurs sont encouragés à utiliser l'outil ChassAdapt : l'appli mobile développée par la Fédération nationale des chasseurs permet d'évaluer plus précisément le nombre de sujets par espèce en déclarant individuellement chaque prélèvement.

Les fédérations, quant à elles, ont un rôle de veille sanitaire, face à l'arrivée en France de certaines maladies (peste porcine africaine, grippe aviaire...). Ils doivent collecter tout animal mort de façon suspecte afin de le faire analyser par le réseau SAGIR (réseau de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres). "On a une forte pression de l'Etat. Dès qu'il y a un cas de grippe aviaire dans un coin, la DDPP (Direction départementale de la Protection des populations) nous mobilise."

En forêt de Brotonne, par exemple, la population de cerfs a été éradiquée par la tuberculose, il y a une quinzaine d'années... Le lapin de garenne, lui aussi, a disparu. "On a perdu un maillon essentiel de la chaîne alimentaire. Les renards et les fouines s'en nourrissaient. Tous ces carnivores se sont reportés sur d'autres espèces qu'ils ont mises en danger, notamment les animaux d'élevage. Petit à petit, le chasseur lui-même s'est reporté sur d'autres chasses, jusqu'à ce que le gibier de base de la chasse devienne le sanglier."

À lire aussi : Chasse. Les règles de sécurité évoluent : qu'en pensent les chasseurs normands ?

José Doméné-Guérin l'assure, donc, la chasse est "une nécessité", même s'il se dit capable d'entendre les arguments des anti-chasse : "l'abolition poserait un problème de sécurité, d'équilibre agro-sylvo-cynégétique et un problème sanitaire. Les chevreuils en surpopulation tomberaient malades. Les sangliers auraient la peste porcine africaine, avec une implication économique importante. Les cultures seraient ravagées, et il y aurait moins à manger. Et les risques de collision d'animaux avec des voitures ou des trains seraient multipliés."

Le taux de réussite du permis de chasser s'élève à 70%

"C'est une épreuve qui tient la route", assure José Doméné-Guérin. Chaque année, 30% des candidats échouent au permis de chasser. Celui-ci comprend un volet pratique (manipulation et transport des armes, techniques de tir, sécurité et comportement lors d'une chasse) et un volet théorique (connaissance de la faune et de la flore, législation, protection de l'environnement).

Par ailleurs, un chasseur titulaire du permis a l'obligation de suivre des formations complémentaires tous les 10 ans. L'idée étant de se remettre à niveau, de prendre connaissance de nouvelles mesures de sécurité et d'éventuels changements dans la législation.

Tout en assurant la prévention des accidents de chasse (sur la saison 2022-2023, 78 accidents de chasse, dont 6 décès (tous chasseurs) ont été constatés, un chiffre historiquement bas selon l’Office français de la biodiversité, mais qui préoccupe forcément).

En 20 ans, les accidents ont baissé de 80%, notamment grâce aux formations. La chasse est très peu accidentogène, mais dès qu'un accident se produit, il fait la une des journaux.

José Doméné-Guérin

Les fédérations départementales organisent ainsi des formations variées, de la sécurité à l'organisation des chasses, de la venaison (reconnaissance d'éventuelles maladies sur le gibier chassé afin d'assurer la sécurité sanitaire de la viande transformée) à la connaissance de l'environnement et des spécificités du département.

La moyenne d'âge des chasseurs reste élevée... Mais de nouveaux profils changent la donne

Si le nombre de chasseurs à l'échelle nationale a été divisé par deux depuis la fin des années 1960, il tend à se maintenir depuis quelques années. En revanche, leur profil change.

"On forme beaucoup de jeunes, précise José Doméné-Guérin. Mais tous ne pratiquent pas après l'obtention du permis de chasser. Les raisons sont multiples : économies, centres d'intérêt, lieu de vie... Le public qui arrive ces dernières années est très différent des anciens, il est moins présent sur le terrain."

Moins présent sur le terrain, mais plus mixte : si parmi les chasseurs qui pratiquent régulièrement, on ne compte qu'environ 3% de femmes, elles représentent "20% des candidats au permis de chasser. Les mentalités ont évolué", se réjouit le président de la Fédération de chasse de Seine-Maritime, évoquant des chasses plus occasionnelles, parfois en couple, où les femmes sont de plus en plus présentes.

Indirectement, ce sont les chasseurs qui indemnisent les agriculteurs...

... En cas de dégâts sur les cultures, provoqués par un animal. Essentiellement financées par les chasseurs eux-mêmes, les fédérations doivent expertiser et rembourser les dommages causés par les sangliers ou les cervidés, par exemple. Cette indemnisation a un coût : sur les 3,4 millions d'euros de budget annuel de la Fédération départementale des chasseurs de Seine-Maritime, 1,4 million a été versé aux agriculteurs.

"Avant, les agriculteurs avaient le droit d'affût : celui qui était en bordure de forêt pouvait tuer un animal pour défendre sa culture. Il y avait très peu de grands gibiers, donc c'était dommageable. Ce droit a été supprimé et les fédérations de chasse ont été chargées de l'indemnisation, détaille José Doméné-Guérin. Dans les années 1970, on avait 2 millions de chasseurs et peu de dégâts. Mais en 50 ans, on a multiplié par 25 les populations de grands gibiers et on a divisé par deux le nombre de chasseurs. On se retrouve donc devant une inadéquation."

À lire aussi : Guerre en Ukraine. Augmentation des cours des céréales : des répercussions inégales pour les agriculteurs normands

Autre problème : les cours agricoles fluctuent, et le budget des fédérations se retrouve déséquilibré. L'année dernière, la guerre en Ukraine a fait s'envoler le prix du blé. "L'État nous a aidés de 271 000 euros, mais certaines cultures en Normandie, comme le lin ou la pomme de terre, sont à forte valeur ajoutée. Donc les dégâts se chiffrent rapidement", ajoute José Doméné-Guérin.

La chasse est rendue compliquée par l'étalement urbain et les dégâts se multiplient

La Normandie comme toute la France fait face à un accroissement particulièrement important des naissances de sangliers [cette année, 10 000 devraient être prélevés en Seine-Maritime, ndlr]. Et celui-ci peut s'expliquer par le réchauffement climatique. "On a une fructification forestière importante. L'année dernière, on a eu des tonnes et des tonnes de glands. Les laies ont produit beaucoup de marcassins, et avec des hivers de plus en plus courts, ces derniers ont survécu."

Il y a des changements agricoles aussi. Les parcelles sont de plus en plus grandes, et avec la mécanisation du travail agricole, on peut ne pas remarquer la présence de sangliers sur un terrain.

José Doméné-Guérin

L'étalement urbain "est un vrai sujet". "Il y a de plus en plus de zones non chassables. On chasse sur 70% du territoire chassable, sachant que l'on a, en Seine-Maritime, 400 000 hectares de plaines et 100 000 de bois chassables. Sur les 30% où l'on ne chasse pas, les basses falaises, les zones périurbaines, à proximité de certaines métropoles plus réfractaires ou encore certaines forêts privées, les populations de grands gibiers se multiplient..."

"Et l'on est tenu quand même de payer les dégâts aux agriculteurs", conclut José Doméné-Guérin.

Quels sont les arguments des anti-chasse ?

 Aujourd’hui, seuls 30% des Français disent se sentir en sécurité en cas de promenade dans la nature en période de chasse. Selon un sondage Ipsos, 53% d'entre eux se déclarent par ailleurs opposés à la chasse en 2023, dont 25% "tout à fait opposés".

Ces défenseurs de l'abolition de la pratique déplorent le risque d'accidents et remettent en question la question de la régulation des espèces dites "nuisibles", considérant cette discipline comme une forme cruelle de divertissement. 

Ils dénoncent également certaines pratiques, comme le lâcher de faisans ou de perdrix avant les battues ou l'agrainage des sangliers (un nourrissage artificiel destiné à les éloigner des cultures, mais qui contribuerait selon eux à leur prolifération) et s'inquiètent de l'impact sur l'environnement des cartouches de plomb abandonnées dans la nature.

Le débat sur la chasse est donc loin d'être clos.

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