C'est une question que se posent de nombreuses femmes en France. Le parcours pour pratiquer une Interruption Volontaire de Grossesse est déjà compliqué en temps normal. Avec le confinement, comment savoir vers qui se tourner ? Dans quels lieux et dans quelles conditions ? Explications.
Mise à jour du 3 avril 2020 :Par communiqué de presse le gouvernement explique se mobiliser " pour maintenir les droits des femmes en matière d’IVG"
"Olivier VERAN, ministre des Solidarités et de la Santé et Marlène SCHIAPPA, secrétaire d’État chargée de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes et de la Lutte contre les Discriminations prennent des dispositions pour assurer, dans le délai légal en vigueur, une réponse aux demandes d’IVG des femmes :
L’ensemble des consultations nécessaires aux IVG médicamenteuses pourront être réalisées sous forme de téléconsultations, si la femme le souhaite et le praticien l’estime possible :
- Une téléconsultation d’information et de remise des ordonnances ;
- Une consultation de prise du médicament qui arrête la grossesse (antiprogestérone) : en cas de téléconsultation, la femme pourra aller chercher le médicament en officine, en lien avec le médecin ou la sage-femme. Le 2e médicament (prostaglandine) devant être pris 36 à 48h après le premier ;
- une téléconsultation de contrôle dans les 14 à 21 jours qui suivent.
- Enfin, les Ministres encouragent l’ensemble des médecins en ville et les sages-femmes libérales à s’engager dans le maintien des IVG médicamenteuses et demandent aux établissements de santé d’assurer la continuité des IVG instrumentales.
L’avis de la HAS est attendu dès la semaine prochaine afin que l’ensemble de ces mesures rentrent en application dansles tout prochains jours, en liens avec les professionnels et acteurs concernés.
Vous pouvez appeler le planning familial ou le numéro vert
En France, selon le gouvernement, entre 215 000 et 230 000 avortements ont lieu chaque année. Ce sont des Interruptions Volontaires de Grossesses, appelées, IVG. Avec la fermeture des frontières, les blocs opératoires transformés en salles de réanimation, la diminution du nombre de personnels soignants disponibles et les difficultés de déplacement : l'accès à l'IVG s'est restreint.
La première étape pour les femmes (mineures ou non) qui souhaitent avoir recours à une IVG, c'est souvent de se rendre au planning familial le plus proche. Ce sont des lieux où elles peuvent, de façon anonyme, obtenir des informations sur cette intervention, mais également sur d'autres sujets comme les violences conjugales.
Avec le confinement, les consultations et permanences sur place ne sont plus assurées. Cependant, les conseillers et conseillères restent joignables par téléphone.Autrement, le numéro vert national est toujours actif : 0800 08 11 11Les femmes doivent savoir que cette situation ne change rien à nos activités (Marie Savary, conseillère conjugale au planning familial du Calvados)
Il existe également un site internet qui recense les lieux où ces femmes peuvent avoir recours à une IVG : www.ivglesadresses.org
Les centres de planification restent ouverts
La majorité des centres de planification français restent ouverts pendant le confinement. Ce sont les lieux où les femmes peuvent se rendre pour obtenir une consultation médicale liée à leur IVG.Par exemple, celui de Caen est ouvert tous les jours, avec les horaires d'ouverture habituels. Cependant, les consultations se font uniquement sur rendez-vous.
Le centre favorise la télémédecine. En clair, toutes les femmes qui souhaitent avorter peuvent appeler le centre. Un professionnel de santé leur prescrira un bilan sanguin et une échographie et lui donnera un rendez-vous pour la prise des médicaments. Pour une IVG par aspiration, c'est le même principe. Après avoir fait un bilan sanguin, la patiente devra prendre rendez-vous au CHU ou à la Polyclinique du Parc.
Dans le Calvados, seuls les centres de Caen, Bayeux et de Lisieux sont habilités à prescrire les IVG médicamenteuses à domicile.Pour l'instant, au centre de planification de Caen, nous ne rencontrons pas de problème de prise en charge
Docteure Helene Hugla, directrice du centre de planification de Caen
Deux semaines de plus pour avorter ?
C'est une demande qui a d'abord été adoptée par le Sénat... puis rejetée à l'issue d'une seconde délibération. En France, les femmes peuvent avorter jusqu'à la douzième semaine de grossesse, et non la quatorzième comme c'est le cas aux Pays-Bas par exemple. Avec le confinement, il est désormais impossible de pratiquer l'intervention dans un pays où les délais sont plus grands puisque les frontières sont fermées. Une situation dénoncée dans la tribune du Monde publiée ce mardi 31 mars : "Nous souhaitons pouvoir, à titre exceptionnel pendant la durée du confinement, réaliser des aspirations jusqu’à seize semaines d’aménorrhée, soit quatorze semaines de grossesse".
Il y a quelques semaines déjà, Laurence Rossignol, sénatrice de l'Oise, a demandé une dérogation (à défaut de voir la loi évoluer définitivement) à ce sujet auprès de ses confrères et consoeurs au Sénat. Selon elle, l'accès à l'IVG n'est pas un sujet considéré comme prioritaire.
Ce que j'ai ressenti très clairement c'est que je dérangeais avec mes histoires de "bonne femme" (Laurence Rossignol)
Elle rajoute : "J'ai ressenti ça, du genre, 'on va à l'armée, on va à la guerre (...) on fait du lourd et vous venez nous interpeller sur des femmes enceintes...'. On m'a clairement fait comprendre que j'étais pas au niveau".
Pourtant, pour les femmes qui souhaitent avoir recours à cette intervention, c'est une question de jours. Le but de l'allongement du délai est de permettre aux centres de planification de s'organiser pendant le confinement.
Car, oui, si le gouvernement ne prend pas le sujet en considération, les médecins qui ont signé la tribune précédemment citée expliquent être "prêt(e)s à se(nous) mettre hors la loi". Si l'initiative peut permettre à plusieurs femmes d'avoir recours à l'IVG après les délais légaux, cela ne sera pas le cas pour toutes. "Ça va être une loterie pour les femmes avec un risque d’IVG clandestins" déplore Laurence Rossignol.C’est une urgence pour les femmes et une nécessité pour les médecins pour qu’ils ne se mettent pas hors-la-loi
Laurence Rossignol
Autre demande des professionnels de l'IVG : autoriser l'IVG par voie médicamenteuse au domicile jusqu'à neuf semaines d'aménorrhée, soit sept semaines de grossesse. "Cette option est validée par l’OMS et ne présente pas de danger particulier" expliquent les médecins dans la tribune du Monde.
Une situation difficile pour les mineures qui souhaitent avorter
Avec le confinement, tout le monde doit se munir d'une "dérogation" pour sortir de chez soi. Les mineures, elles, doivent la faire signer par l'un de leurs parents. En cas d'absence de dialogue ou de conflit ouvert, comment les jeunes femmes, encore mineures, qui souhaitent recourir à l'avortement, peuvent-elles se rendre chez leur médecin ou au CHU ?Pour répondre à la problématique, dans la tribune publiée dans Le Monde, les professionnels de l'IVG demandent : "que les mineures puissent bénéficier d’une IVG dans la foulée de leur première consultation". Actuellement, elles doivent respecter un délai de 48h.Pour l'instant, nous n'avons reçu aucun appel de mineures, je pense que nous allons en payer les pots cassés plus tard Marie Savary, conseillère conjugale au planning familial du Calvados
Désormais, c'est au gouvernement de répondre à cet appel du corps médical.Du point de vue du Ministère de la santé ou du gouvernement ce sont sûrement des questions marginales, mais rapportées à chaque personne, ce sont des drames.
Laurence Rossignol