Après les pharmaciens, un supermarché de Caen se mobilise à son tour pour faciliter le témoignage des femmes battues, en cette période de confinement considérée comme très à risque par les associations de victimes de violences conjugales. Le Havre pourrait suivre en Normandie.
MISE A JOUR du 08/04/2020
3919 apparait désormais sur tous les tickets de caisse du Monoprix, dans le centre-ville de Caen. Ce numéro d'écoute national, gratuit, est destiné à toutes les femmes victimes de violence. La démarche a été faite sous l'impulsion d'Alexandras Destais, déléguée aux droits des femmes et à l'égalité, dans le Calvados.
Une campagne d'affichage est également visible à l'extérieur et à l'intérieur du magasin.
Mais surtout une pièce a été ouverte à l'étage pour permettre à tous d'appeler en cas de besoin, et en toute sécurité, une association locale ou le 3919. "Quelqu'un de l'équipe du magasin a proposé cela, et c'est du bon sens".
Le but est maintenant de mobiliser d'autres magasins de la chaîne dans le département, des contacts ont déjà été pris à Lisieux et Trouville.
En Seine-Maritime, c'est le Auchan du Havre qui a été contacté par la déléguée de ce département.
C'est encore plus dur de recueillir des témoignages dans les milieux notables du centre-ville
Libérer la parole dans le centre ville, c'est un enjeu important selon Jean-Luc Godet, président de l'association Itinéraires, qui oeuvre à Caen et Lisieux. Le public y est différent. "Pour une femme d'un milieu notable, ce n'est pas simple d'accepter de reconnaitre qu'on est victime de violence. Et encore plus dur de prendre la décision d'aller vers une structure."
Les structures actuelles sont déjà bien remplies dans le Calvados. Entre Lisieux, Bayeux et Caen, une centaine de logements sont mis à disposition des victimes. Et 10 appartements supplémentaires pour des mères avec enfants pendant le confinement. "En quelques jours, on y a déjà placé 3 familles.
Malheureusement actuellement il faut souvent qu'elles trouvent leur propre lieu, anonyme et protégé.
L'association voudrait maintenant offrir des logements différents. "Les structures qu'on a ne correspondent pas à certains besoins. On ne peut pas mettre certaines femmes, avec des personnes à troubles psychiques ou addictives. Malheureusement actuellement il faut souvent qu'elles trouvent leur propre lieu, anonyme et protégé."
Un dossier "innovant" de 30 places a d'ailleurs été déposé en ce sens auprès des pouvoirs publics, en réponse à un appel à projet. "On nous a demandé de boucler ça dans l'urgence, en un mois, pour mi-décembre. Que ca soit opérationnel pour le 1er trimestre 2020. Depuis on n'a pas de réponse", se désolé Jean-Luc Godet.
Récemment, le collectif féministe caennais Soeurcières a ouvert une chaîne YouTube pour recueillir et diffuser des témoignages de victimes de violences sexuelles et conjugales. Et libérer cette parole.
Malheureusement une autre vidéo a elle choqué la toile très récemment. Le champion du monde de boxe Billy Joe Sanders a publié sur sa page facebook un tuto de maintien en forme où il a plus que dérapé, donnant quelques conseils sur la façon de réagir "si votre bonne femme vient vers vous pour vous cracher son venin à la gueule". Un post retiré rapidement du net, mais qui prouve, s'il en était besoin, le danger accru par le confinement actuel lié au coronavirus.
Il est déconseillé de sortir, mais pas de fuir
Piégées dans le huis clos familial, les victimes de violences conjugales n'ont pas d'échappatoire. Le conjoint est toujours présent dans le foyer, ce qui rend bien plus difficile la possibilité d'appeler la police ou de donner l'alerte auprès d'un-e ami-e.
"Une femme n'est jamais responsable des violences qu'elle subit", rappelle le collectif "Nous Toutes". "Etre confiné avec un homme violent est dangereux. Il est déconseillé de sortir mais pas interdit de fuir."
Des chiffres malheureusement en hausse depuis le début du confinement
En une semaine de confinement, les chiffres du ministère de l'Intérieur sont alarmants :
-en zone gendarmerie, les interventions pour violences conjugales ont augmenté de 32 %
-en zone police à Paris, on a noté une augmentation de 36 %
Selon Pascal Prache, procureur de la République de Rouen interrogé par l'une de nos équipes, les faits de violences conjugales représentent une ou deux gardes à vue par jour au tribunal judiciaire de Rouen. Une situation qui n'a pas encore évolué depuis le confinement.
La plateforme d'écoute et d'accompagnement 3919, mise en place par les pouvoirs publics, enregistre à priori pour l'instant "une centaine d'appels par jour", 4 fois moins que d'habitude. A cause d'un mari trop proche ? D'horaires raccourcis (du lundi au samedi de 9 à 19h) ? "J'ai eu des retours de femmes qui m'expliquaient n'avoir pas réussi à joindre un interlocuteur", regrette Isabelle, membre du collectif Nous Toutes 76 Le Havre.
" Je voudrais des masques 19 "
Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur, a sollicité l'ordre des pharmaciens pour leur demander d'être un relai, le temps de la crise du coronavirus.
En se rendant dans une officine, la victime pourra s'adresser directement au pharmacien, ou bien de façon détournée en demandant "des masques 19". Une façon d'être discrète pour la victime, et de ne pas attirer l'attention de l'agresseur s'il l'accompagne. L'utilisation d'un code a déjà été testée en Espagne avec succès. "C'est une bonne idée", reconnaît Isabelle,"sauf que si les victimes ont pris connaissance de ce code, il y a des chances que les agresseurs aussi... En Espagne, en appelant ou en envoyant un sms, on est aussitôt géolocalisé, ce qui est précieux pour les policiers."
Pour l'instant les pharmaciens n'ont pas tous connaissance du dispositif, mais ceux que nous avons joints se disent prêts à participer à cette lutte contre les violences conjugales.
La secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, a aussi annoncé l’installation de points d’accompagnement éphémères, dans un entretien accordé au Parisien. Malheureusement, seule la région parisienne est pour l'instant citée en exemple.
En revanche, Marlène Schiappa promet un "fonds spécial financé par l’Etat d’un million d’euros pour aider les associations de terrain à s’adapter à la période". Elle fera financer aussi "jusqu’à 20.000 nuitées d’hôtel pour que les femmes puissent fuir l’homme violent".
Famille ou voisin, à chacun d'être attentif
L'AFFD Le Havre a recueilli deux femmes depuis le début du confinement. Cette association "Femmes et familles en difficulté" conseille à toute femme, dans l'urgence, de faire un maximum de bruit pour alerter les gens autour : crier, taper sur les murs...
"Tout le monde peut agir", rappelle Isabelle, "la famille, les voisins... Il faut rester en contact avec la personne, et si vous avez le moindre doute, ne pas hésiter à prévenir la police."
Le site internet arretonslesviolences.gouv.fr permet également d'alerter, en donnant toutes les informations du logement, adresse et code d'entrée.
Après, l'objectif est de pouvoir extraire la victime au plus vite.
Un plan d'urgence ?
Sur le Havre, l'antenne locale du collectif "Nous Toutes" a relayé une pétition destinée notamment à la Garde des Sceaux Nicole Belloubet.
Cette pétition réclame notamment plus de moyens humains pour intervenir rapidement en cas d'alerte. "Compte tenu que tous les policiers, y compris les brigades spécialisées dédiées aux violences faites aux femmes, sont réaffectés actuellement au respect du confinement, il nous faut absolument trouver d’autres solutions salutaires pour que l’extraction d’une femme battue se fasse rapidement."
Mais c'est une autre pétition, réclamant "un plan d'urgence", destinée, elle, directement au Président de la République, qui a déjà récolté près de 11.000 signatures.
Durant cette période, le 119 (Allô enfance en danger) reste aussi actif. Plusieurs demandes de placements d’adolescents auraient ainsi été faites la semaine dernière dans l'Eure.
Numéros utiles
https://arretonslesviolences.gouv.fr/ ou le 39 19Victimes ou témoins : Police Secours : le 17
- Dans l'agglomération de Rouen, le PAVIF: 02-35-71-26-01
- Dans l'agglomération d'Elbeuf, ASAE : 02-35-37-35-97
- Dans l'agglomération du Havre, l'AFFD : 02-35-24-82-48
- Dans l'agglomération de Dieppe, l'ONM : 02-35-84-65-62
- Dans l'agglomération de Caen, l'association Itinéraires : 02-31-35-64-80
- Dans l'agglomération de Cherbourg, La Belle Echappée : 06-68-53-10-06
- Dans l'Orne, le CIDFF : 02-33-64-38-92
- Dans l'Eure, le CIDFF : 02-32-33-44-56