EHPAD : face au coronavirus, comment s’organisent-ils en Normandie ?

Des décès, des hospitalisations : les EHPAD normands sont dans une situation très fragile à cause du Covid-19. La vaste opération de dépistage annoncée par le ministre de la santé est-elle réalisable, et va-elle résoudre le problème de la contamination dans ces établissements ?
 

Le Covid-19 a causé le décès de 31 personnes en EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) en Normandie depuis le début de l’épidémie. Il faut ajouter à ce chiffre 12 décès de résidents d’EHPAD transférés à l’hôpital (chiffres réactualisés par l'ARS ce 7 avril à 20 heures). 

EHPAD : le bilan s’alourdit dans le cluster de Flers

Mise à jour au 8 avril : L'EPHAD de Flers s'organise suite au décès d'un cinquième résident. Tout le personnel de l'établissement a été testé. 8 personnes ont été testées positives au COVID-19 dont la directrice de l'EPHAD et le médecin coordinateur. Parmi les patients, ceux qui ont développés quelques symptômes ont eux aussi été testé : 14 sont positifs au Covid-19. L'établissement s'est organisé en deux parties : l'une réservée aux malades COVID, l'autres aux personnes non touchées.

Sur les 380 EHPAD normands, 35 enregistrent des cas groupés. L'un de ces « clusters » a été mis en évidence le week-end dernier dans un EHPAD de Flers (Orne) , avec trois décès liés au Covid-19. Un quatrième résident a perdu la vie lundi. L’ensemble du personnel de cet établissement, soit une soixantaine de personnes, a été testé lundi matin : « 8 cas se sont révélés positifs au Covid-19. Ces salariés ont été placés en quatorzaine à domicile. » indique le maire de la commune, Yves Goasdoué.
Le médecin généraliste détaché sur place a ensuite effectué des tests pour « des cas qui lui paraissaient douteux parmi les résidents. Nous ne disposons pas encore de tous ces résultats et les familles sont averties dès que nous les obtenons. » explique le maire.

23 résidents sur 85 ont ainsi été testés. Les personnes asymptomatiques ou les cas évidents de Covid-19 n’ont pas été soumis à des tests. L’établissement n’a donc pas (encore) testé l’ensemble de ses résidents selon le principe édicté par le ministre de la santé lundi 6 avril au soir. 

 Le principe est de tester tous les résidents et tous les personnels à compter de l'apparition du premier cas confirmé de malade de coronavirus au sein de l'établissement. 
Olivier Véran, Ministre de la santé

 
 

EHPAD : des situations différentes


Sur le terrain, le souhait du ministre semble impossible à appliquer, du moins dès le lendemain de l’annonce.
Certains EHPAD font le choix de ne pas communiquer avec la presse. D’autres, comme à Flers, optent pour la transparence. C’est le cas également de la Mutualité Française, qui compte six EHPAD en Normandie (à Mondeville, Ifs, Colombelles et Epron dans le Calvados, ainsi qu’au Havre et à Canteleu en Seine-Maritime). Sylvain Meissonnier, le directeur général adjoint pour la Normandie explique que jusqu’à maintenant, « quelques tests ont été réalisés dans les résidences autonomie et les EHPAD, sur prescription d’un médecin traitant. Généralement une personne d’un laboratoire se déplace dans l’EHPAD pour effectuer le prélèvement. Notre personnel n’est pas formé pour réaliser ces tests. »
A ce jour, un seul cas de Covid-19 est confirmé au sein des EHPAD normands gérés par la Mutualité Française, qui comptent 800 résidents et 400 soignants.
 


Tests dans les EHPAD : « les mêmes erreurs qu’avec les masques »


Le ministre de la santé a complété son annonce de celle du doublement de la capacité française à réaliser des tests PCR ( un écouvillon enfoncé dans les fosses nasales et un résultat en quelques heures.)
 


« On est dans le même cas de figure qu’il y a un mois pour les masques, et les mêmes erreurs sont commises. » déplore Sylvain Meissonnier : « Le gouvernement fait une annonce pour le grand public, or sur le terrain nous n’avons aucune procédure à appliquer pour tester nos résidents, nous ne savons pas comment faire concrètement. »

Une situation qui rappelle la situation critique dans laquelle se trouvaient les établissements au début du confinement lorsque le port de masque est devenu indispensable pour le personnel des EHPAD. « Le gouvernement nous a annoncé l’arrivée de masques, ils ne sont jamais arrivés ! On est un pays sous-développé, la distribution se fait au compte-goutte. »

Après avoir poussé un cri d’alarme, la Mutualité Française a reçu des dons de masques et aujourd’hui le directeur général adjoint pour la Normandie affirme que 93% de son stock de masques provient de dons, 7% de l’Etat.
 
 

Tests en EHPAD : l’organisation va prendre quelques jours


Au lendemain de l’annonce du ministre de la santé, les EHPAD attendent les directives de l’ARS (Agence Régionale de Santé), qui affirme qu’elle est elle-même en train d’organiser le dépistage massif voulu par Olivier Véran.
Des tests "dès le premier cas", dans le but de réorganiser l’espace au sein de l’EHPAD afin de créer une « zone Covid » et une « zone non Covid ».

Cette organisation vient d’être mise en place dans l’EHPAD Jean Baptiste Lecornu de Flers. « Le bâtiment, sur deux étages, permet ce type de séparation : un peu moins d’un étage a été réservé aux personnes atteintes du Covid-19» explique le maire de la commune Yves Goasdoué. Pour remplacer le personnel mis en quatorzaine, du renfort vient de la fondation Normandie Génération, de l’ARS, des écoles d’infirmières.

 Je lance un appel car il manque encore des infirmières et des aides-soignantes, de jour et de nuit. L’EHPAD Lecornu a également besoin de surblouses.
Yves Goasdoué, maire de Flers


EHPAD : "la solitude peut tuer autant que le Covid-19"


S’agissant de la réorganisation de l’espace, la majorité des EHPAD confine déjà les résident positifs au Covid-19 dans leur chambre.
Mais le directeur général adjoint de la Mutualité Française met en garde par rapport à la souffrance des personnes âgées confinées : « La seule raison de vivre de certaines personnes âgées c’est d’offrir un lapin de Pâques à leurs petits-enfants. Les patients atteints d’Alzheimer ont quant à eux un besoin vital de déambuler et le confinement est quasiment impossible pour eux. Un changement comme le transfert dans une autre partie du bâtiment peut s’avérer très perturbant pour une personne âgée. »

D’après Sylvain Meissonnier, certaines personnes âgées vont se laisser mourir. Il craint qu’au final les mesures liées à l’épidémie de Covid-19, nécessaires pour préserver la vie des résidents, aient un effet pervers : « A la fin, nous compterons le nombre de décès en EHPAD liés au Covid-19, et ceux liés à la solitude. Je ne suis pas sûr que ceux imputables au Covid-19 soient plus nombreux. »
 
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