Depuis le 16 avril, il est possible de se rendre dans un refuge pour adopter un animal. Des règles strictes ont été établies pendant le confinement pour offrir une nouvelle famille aux chiens et chats abandonnés. Reportage.
Maestro entame sa nouvelle vie
Avec sa chienne Gommette, Pascale attend tranquillement sur le parking du refuge de Verson, dans le Calvados. Toutes les trente minutes, des rencontres sont organisées entre futurs adoptants et futurs adoptés. Mesures barrières obligent, les adoptants ne se croisent pas. Elles ont rendez-vous à 14 heures 30 pour découvrir Maestro, un épagneul breton."J’ai toujours eu des chiens "ramassés", explique Pascale, "des chiens abandonnés, trouvés sur le bord d’une route, avant les vacances… et elle je l’ai eu dans un refuge" dit-elle en parlant de Gommette.
Pascale avait prévu d’adopter avant le confinement. Elle a perdu un de ses deux chiens et Gommette vit mal, elle aussi, de se trouver sans compagnon. "Elle a pris 6 kilos depuis la mort de Charlot". Alors peut-être qu’à partir d’aujourd’hui, elle ne sera plus seule.
Depuis ce jeudi 16 mars, les refuges pour animaux rouvrent un peu leurs portes, et ce malgré le confinement. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, a accordé samedi 11 avril "une tolérance dans les déplacements pour les personnes souhaitant adopter un animal en refuge".
"J’ai un peu peur que les gens viennent chercher un chien parce qu’ils se sentent seuls pendant le confinement, ou pour faire plaisir aux enfants" s'interroge Pascale "en même temps, c’est une période où on a plus de temps pour aider ces animaux à avoir de nouveaux repères".
Ce matin, après 4 semaines sans adoption, les refuges voient enfin leurs pensionnaires partir vers leur nouvelle vie. Valérie est bénévole au refuge de Verson. Comme elle siège au conseil d’administration, elle peut aider pendant le confinement. Les autres bénévoles, une quinzaine, n'y sont pas autorisés. Ils ne peuvent plus entrer dans le refuge depuis maintenant un mois et ne peuvent emmener les chiens dans leur balade quotidienne.
Avant d'emmener Pascale vers Maestro, Valérie raccompagne une dame et ses deux chiens vers leur voiture. L’un d'eux vient d’être adopté, lequel ? Difficile à dire… C'est plutôt bon signe, non ?
Direction le box numéro 7
C'est désormais au tour de Pascale et Gommette d'entrer au refuge. Elles se dirigent vers le box numéro 7 où les attend Maestro. L’épagneul s’agite. Sans doute sent-il que quelque chose d'important est sur le point d'arriver. Le chien est sorti de son enclos par le soigneur, et c’est parti pour une courte balade accompagnée de sa future maîtresse et de sa future copine. Les deux chiens s’ignorent royalement. Il paraît que c’est gagné pour eux…"Ca a l’air de plutôt bien se passer", commente Valérie, "Maestro reste à côté de la dame, il lui fait confiance. C’est un chien qui est là depuis un petit moment. On pense qu’il a pas eu une vie facile. Il est arrivé de la fourrière. Il a été trouvé errant et il était très, très, craintif quand il est arrivé."
"Les bénévoles ont fait un travail énorme avec lui", poursuit Valérie, "alors je sais qu’ils sont tous dégoutés de ne pas être là aujourd’hui. Ils s’en occupent à longueur de journée et ne pas pouvoir lui dire au-revoir, c’est compliqué aussi pour eux. Alors je fais des vidéos aujourd'hui et dès qu’il y a un départ, je leur fais un petit direct pour qu’ils voient comment ça se passe. "
Après la signature des papiers, ca y est, Maestro entre officiellement dans sa nouvelle famille.Il faudra nous donner des nouvelles, hein, c’était le chouchou et il va manquer aux bénévoles…
L'adoption au temps du confinement
Au moment du confinement, lorsque le refuge a fermé, il affichait déjà complet avec 42 pensionnaires. Depuis, les bénévoles n'ont plus le droit de venir sur le site. Les chiens sont uniquement sortis par les soigneurs, forcément, un peu moins longtemps. Ici, tout le monde est bien content que les animaux puissent retrouver de nouvelles familles adoptives.Alors comment se fier aux nouveaux adoptants "du confinement" ? Comment être sûr qu'ils sont dans une bonne démarche et pas seulement dans un blues du confinement ? Le chien est placé à vie chez l'adoptant. Certaines races de chiens ont une espérance de vie de 16 ans (et quelques animaux dépassent cet âge, au plus grand bonheur de leurs maîtres). Il faut que les adoptants en soient pleinement conscients.
"On discute par message avec les candidats à l’adoption puis par téléphone" explique Valérie. Les refuges amènent les futurs adoptants à bien réfléchir à leur mode de vie et à ce qu'ils pourront offrir à l'animal. "On leur demande si ils sont en maison ou appartement, si ils sont beaucoup absents ou non, s'ils ont des enfants, s’ils ont d’autres animaux, s’ils veulent faire une activité avec le chien".
Le mode de vie des personnes et les besoins du chien doivent être en adéquation. "Suivant la discussion, on se rend compte si les gens sont motivés ou non. Plusieurs fois par semaine, on refuse une adoption. Parfois les gens ne comprennent pas. On fait comme si c’était notre animal. Est-ce qu’on le donnerait à cette personne ? Il faut que l’animal corresponde à la personne et vice versa" estime Valérie, "Ca se passe dans les deux sens" .Ce qui est dur dans ce qu’on fait, c’est qu’il faut qu’on confie un animal à des gens qu’on ne connaît pas et à qui il faut qu’on fasse confiance en très peu de temps. Et ça mine de rien, c’est très compliqué.
Valérie, refuge de Verson
De nombreux appels téléphoniques à gérer avant l'adoption
"C’est le bonheur de les voir partir. C’est le but du jeu" savoure Florian, soigneur, au départ de Maestro, l'épagneul qui était arrivé au refuge en fin d'année dernière.Florian travaille ici depuis 9 ans. Aujourd'hui, il porte une blouse, un masque, des gants : contexte particulier, tenue particulière. En fin de semaine dernière, le refuge a commencé à s’organiser pour les visites du confinement. Et depuis jeudi matin, les visites s'enchaînent. Les appels ont démarré depuis une dizaine de jours, quand la SPA a fait la demande de dérogation pour adoption. "On a entendu qu’on allait pouvoir adopter, est-ce que c’est faisable ?" demandent les gens par téléphone.
Doute-t-il davantage de la sincérité des futurs adoptants pendant cette période confinée ? "On a toujours plus ou moins des doutes" explique Florian, "après, c’est pour ça qu’on les prend au téléphone. On les invite à se renseigner sur l’animal. On établit d’abord un premier contact par téléphone, on leur demande de nous confirmer ensuite leur demande par mail. Nous les rappelons derrière pour vraiment leur donner les informations dont nous disposons sur l’animal. On les invite à bien bien réfléchir et après on programme éventuellement une rencontre qui ne veut pas forcément dire adoption. L’objectif n’est pas de désengorger à tout prix. On passe une bonne demie heure avec les gens au téléphone au minimum avant de prendre rendez-vous.On a pas mal d’appels, toujours pour les mêmes animaux : les petits, les beaux bergers. Nos vieux cabossés n’ont pas toujours les touches qu’ils mériteraient…
Florian
"Quand on commence à expliquer aux gens que même après le confinement il faudra quand même faire faire une grosse balade au chien, qu’il va quand même falloir penser aux vacances. Qu’il y aura le budget alimentation, le budget vétérinaire, on sent un peu ceux qui ne sont pas prêts. Au fil de la discussion on arrive toujours à démêler les points forts, les points faibles."On est humain, on n’est pas infaillibles mais on commence à avoir l’habitude…
Dans un article du Monde, le budget annuel d'un propriétaire de chien était estimé de manière raisonnable à 400 € pour un petit chien sans problème de santé particulier, et à plus de 1000 € pour un grand chien. ". Sont compris : les frais de toilettage, d'entretien et d'éducation canine, l'alimentation et les visites obligatoires chez le vétérinaires (vaccins).
Certains chiens vivent au refuge depuis plusieurs mois. Ils sont arrivés bien avant le confinement. Les soigneurs s'attachent-ils davantage à ces animaux pendant cette période de confinement ? "Toute l’année, ca c’est toute l’année " avoue Florian, qui s'attache à tous les pensionnaires. Il a deux chiens chez lui, "capacité maximale atteinte" ajoute-t-il en riant.
De nouveaux adoptants arrivent. Florian et Valérie les guident vers leurs nouveaux amis. Le carnet de rendez-vous est plein sur une dizaine de jours. Plein de noms, d'espoirs et de promesses... qui ne demandent qu'à être tenues, à vie...