La saison est définitivement terminée pour les clubs professionnels normands de Ligue 2. Décision annoncée mardi par le Premier ministre Edouard Philippe. Entre les droits TV non payés, la baisse de valeur de joueurs, et le manque à gagner à la billetterie, le football français est dans le rouge !
Finalement, ils n'iront pas au bout de ce championnat 2019/2020 de Ligue 2. Sportivement, c'est presque sans regret, car ni le Havre (6e), ni Caen (13e) ne paraissaient en mesure d'obtenir la montée dans l'élite.
Sauf qu'avant de rêver de retrouver un jour peut-être la Ligue 1, les deux clubs normands vont devoir assurer le présent et il s'annonce très compliqué financièrement, comme pour tout le football français professionnel.
C'est comme si on s'était pris une porte dans la figure.
Ce n'est clairement pas le scénario qu'avait imaginé Fabrice Clément, le président du Stade Malherbe de Caen qui s'est confié à nos confrères de France Bleu Normandie : "On avait imaginé une reprise de la compétition mi-juin, on voyait la lumière au bout du tunnel, et là c'est comme si on s'était pris une porte dans la figure."
Il nous confirme aujourd'hui cette inquiétude : "C'est l'inconnue totale, on n'a aucune visibilité sportive... et il y a tout le volet économique qui va avec. Qu'est-ce qu'on va dire par exemple à nos partenaires ?"
1/3 des droits TV seulement
Très concrètement, avec 28 matchs joués au lieu de 38, Canal + et beIN sports ne vont pas payer les factures prévues pour les retransmissions des matchs.
La chaîne cryptée devait encore s'acquitter de 110 millions d'euros, le montant a finalement été négocié à 43 millions lors d'une négociation. Et 15 millions pour le groupe qatari, qui devait en régler 42 millions. C'est presque trois fois moins que les rentrées attendues par les 40 clubs de Ligue 1 et Ligue 2.
Et encore, le journal sportif l'Equipe a annoncé lundi "des ristournes" finalement accordées par la Ligue de football professionnelle. Il ne s'agirait plus que de 37 millions d'euros et 10,6 respectivement...
On ne sait pas non plus si le diffuseur espagnol de la saison prochaine, Mediapro, jouera la montre pour aligner les 9 millions d'euros promis à la Ligue 2, pour le premier de ses versements, sans savoir si elle reprendra effectivement en août.
La Ligue française de football l'espère, en proposant d'organiser les matchs à huis clos.
Des stades vides
Le second problème d'argent tient à l'annulation a priori donc des 5 rencontres qui devaient encore se jouer cette saison à domicile pour le HAC comme pour le Stade Malherbe. La moitié des matchs restants.Et là, le SMC paraît le plus impacté puisque le club caennais affichait la 3ème affluence du championnat, avec 10.212 spectateurs de moyenne au stade d'Ornano (dont 7.000 abonnés), loin derrière le 26.000 de Lens mais devant le stade Océane des ciel et marine, 8ème avec 7.860 (dont 5.000 abonnés).
Comme vous êtes des amoureux de ce club, et comme moi je suis sûr que vous ne le laisserez pas tomber dans une crise dont on a pas besoin.
Quid d'ailleurs des abonnés ? La question reste encore en suspens. A l'époque de l'annonce des huis clos début mars, Clément Calvez, directeur du développement du club, avait précisé que le Havre AC reviendrait vers ses partenaires et abonnés "une fois la levée du dispositif", afin d’évoquer le mode de remboursement ou de compensation. Sachant que pour chaque match à huis clos, c'était "une perte sèche de 100.000 euros" pour le club.
Certains supporters de Malherbe ont eux déjà clamé sur les réseaux sociaux qu'ils ne demanderaient rien, comme Vincent : "comme vous êtes des amoureux de ce club, et comme moi je suis sûr que vous ne le laisserez pas tomber dans une crise dont on a pas besoin."
Le Havre soulagé d'avoir vendu Kadewere pour 12 millions d'euros
En janvier, le club doyen avait accepté de céder son meilleur buteur, le zimbabwéen Tino Kadewere à l'Olympique Lyonnais, tout en le gardant jusqu'à l'été, pour 12 millions d'euros + 2 millions de bonus au maximum. A l'époque, certains avaient estimé que le HAC aurait peut-être pû en tirer plus en fin de saison si l'attaquant continuait sur son extraordinaire lancée (18 buts en 20 matchs de championnat).
C'était avant le coronavirus... "Nous savons qu’aujourd'hui nous avons assuré la pérennité du club", s'est félicité Pierre Wantiez, le directeur général havrais sur le site internet officiel du club. "Si nous devions vendre Tino actuellement, nous serions probablement sur des montants inférieurs de 30 à 50% . Nous n’imaginions alors pas du tout le risque lié au Covid-19, mais nous savions qu’anticiper était une option raisonnable."
Avec quand même un bémol. "Ceci ne nous empêche pas d’avoir, à court terme, les mêmes difficultés économiques que tous les autres clubs : sans entrer dans les détails, un transfert de ce montant et de cette nature ne se paie pas en une seule fois."
Si nous devions vendre Tino actuellement, nous serions probablement sur des montants inférieurs de 30 à 50%
Par contre, deux jeunes pépites vont partir libres en juin : le milieu de terrain Pape Gueye (Watford ?), dont la valeur est estimé à 1,6 million d'euros par le site Transfertmarkt, et le défenseur Loïc Badé, stagiaire mais titulaire en Ligue 2 pendant l'hiver.
A Caen, on n'a pas de rentrée financière assurée, loin de là. Pendant le confinement, la valeur de tous les footballeurs professionnels a baissé, inactivée oblige. Alors déjà que les Malherbistes ne faisaient pas une saison de rêve...
Selon le même site Transfertmarkt, sur les 28 joueurs recensés en ce moment, 21 ont vu leur prix estimé descendre. Et le plus cher, Jessy Deminguet, formé ici, n'atteint pas plus de 2,3 millions d'euros, pas de quoi sauver un club.
L'écosystème du foot pro est en danger
Pour l'ensemble du football français professionnel (Ligue, Ligue 2 et National), le trou lié au coronavirus est estimé à 1,2 millard d'euros. Oui, on parle de milliard...Un "scénario catastrophe", a expliqué Virgile Caillet, délégué général de l'Union sport et cycle et spécialiste en marketing sportif, à nos confrères de France Tv sport. "Cette crise va les mettre à l'agonie. Certains clubs pourraient se retrouver en cessation de paiements dans les prochains mois."
Cette situation est plus à même de toucher les clubs de Ligue 2 que ceux de Ligue 1. En attendant d'éventuels dépôts de bilan, la santé financière des différents clubs suite à cette crise sera donc à suivre de près.
Cet expert voit deux possibilités pour les clubs : "Soit un actionnaire principal permet de passer l'orage en couvrant les dettes, et le club partira avec des budgets plus prudents et trois ou quatre années seront nécessaires pour absorber cette dette. Soit les clubs vont devoir baisser leurs charges, en vendant des joueurs par exemple. Mais encore faudra-t-il trouver des acheteurs."
Il va falloir revenir à du bon sens (sur les salaires) parce qu'on n'aura pas le choix
Inquiet, le président caennnais l'est forcément, même s'il peut tenir à court terme. "On est comme toutes les entreprises aujourd'hui qui sont fermées avec aucune visibilité de reprise d'activité."
Alors tant qu'à être au bord du gouffre, autant tenter quelque chose. "Parfois de ces crises graves, il ressort une opportunité pour finalement changer les choses... On entend beaucoup, et je partage cette analyse, sur les niveaux de rémunérations notamment en Ligue 1, qui sont parfois très exagérés. Il va falloir revenir à un moment donné à du bon sens parce qu'on n'aura pas le choix !"