Confinement oblige, certaines plages du territoire sont fermées depuis la semaine dernière. Une situation qui rappelle, sur la côte normande, celle de la Seconde guerre mondiale pendant laquelle l’occupant allemand interdisait l’accès au front de mer.
Un peu partout en France, des arrêtés préfectoraux sont venus interdire l’accès aux plages pendant la période du confinement. Trop de monde avait profité du beau temps pour se rendre en bord de mer. En Normandie, les plages du Débarquement sont concernées par cette interdiction.Stéphane Simmonet est historien et directeur du musée du Débarquement d’Utah Beach, à Sainte-Marie-du-Mont. Le musée, comme tous les lieux accueillant du public, est fermé, mais son directeur continue de s’y rendre trois fois par semaine. Lorsqu’il part de Caen, où il habite, Stéphane Simonnet a toujours son attestation de déplacement avec lui.
Et lorsqu’il arrive à proximité de son lieu de travail, à chaque fois il voit "une zone complètement déserte. L’accès à la plage est bloqué par des barrières métalliques. Il n’y a pas un chat à part les agriculteurs dans leurs tracteurs. La fermeture de la plage rappelle la zone interdite de l’occupation. Sans l’ennemi Allemand, bien sûr."
Dès 1941, le littoral : une zone fortement réglementée
La dernière fois qu’une telle mesure de restriction de déplacement sur les plages avait été prise, c’était par les Allemands pendant la Seconde guerre mondiale.
A l’automne 1941 en effet, les Allemands avaient créé la zone côtière interdite. Elle s’étendait le long de la côte atlantique, de la frontière belge jusqu’à Hendaye, au Pays-basque, et sur 20 kilomètres à l’intérieur des terres. L’occupant y construisait le Mur de l’Atlantique : un système de fortifications destiné à empêcher tout débarquement ennemi.
Cette zone interdite était fortement réglementée. "Ses habitants ont le droit d’y rester et de se déplacer. Mais pour y entrer de l’extérieur, il faut un laisser-passer. Il y a des exceptions en cas de décès ou de maladie grave d’un membre de la famille, pour assister à un mariage ou à la naissance d’un proche", explique Jean Quellien, spécialiste de la Seconde guerre mondiale. Avec ce contrôle, les Allemands veulent éviter l’espionnage qui viendrait informer les Alliés de leur stratégie de défense.
A l'époque, "on n’avait pas envie de se balader"
Le soir, un couvre-feu était imposé. La journée, l’activité continuait, mais les habitants de la zone sortaient peu. Il était interdit d’aller sur les plages. Claude Quétel est né en 1939 à Bernières-sur-Mer, près de Juno Beach. Il était enfant à cette époque, mais se souvient du récit de ses parents : "Les conditions n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Personne n’était confiné, assigné à résidence, mais on n’avait pas envie de se balader non plus."
L’historien Emmanuel Thiébot, également responsable du mémorial des civils dans la guerre de Falaise, explique :
Mais Emmanuel Thiebot le souligne, les deux époques ne sont certainement pas comparables en tous points : "Jusqu’en 1944, l’ennemi allemand impose une contrainte de déplacement pour se protéger. Aujourd’hui c’est une contrainte qu’on nous impose pour nous protéger {face au virus}".Dans la zone interdite, quelqu’un qui habite Bayeux ne peut aller se promener sur la côte à Saint-Aubin-sur-Mer. C’était très réglementé. Cela fait un peu penser à notre confinement où le footing est autorisé à 1 kilomètre autour de chez soi.
Alors qu’habituellement à cette période de l’année la saison touristique redémarre dans la zone des plages du Débarquement, leur accès sera interdit toute la durée du confinement, soit au moins jusqu’au 15 avril.