De Cherbourg à Dieppe, c'est partout la même situation : les bateaux de pêche restent amarrés le long des quais. Depuis la fermeture des restaurants et la mise en place du confinement, la filière pêche est à l'arrêt.
A Dieppe, jeudi sur le marché aux poissons du quai Henri IV, seulement deux étals et de rares clients. "Je pense que demain je ne vais pas revenir, parce qu'on ne fait rien" soupire Marine Féron, devant ses bulots qui ne trouvent pas preneurs.
Le poisson ne se vend plus
Sur toute la côte de la Manche, la situation est identique. Le poisson ne se vend plus. Armateur et mareyeur, Michel Marguerie a déjà du mettre certains de ses employés en chômage partiel. En quelques jours, il a perdu entre 70 et 80% de son chiffre d'affaire.En cause, d'abord, la fermeture des restaurants. "Au moins 50% du volume vendu en France passe par la restauration. En plus, au niveau des supermarchés, les gens se sont rués sur les pâtes et les produits secs" explique Michel Marguerie, "le poisson ne passe pas en premier, loin de là, donc on s'est retrouvé avec des cours qui se sont littéralement effondrés. Pour les bateaux, ce n'est plus la peine d'aller en mer, ce n'est plus rentable ". Le patron a pris la décision de laisser ses deux navires à quai.
Dans les ports normands, beaucoup ont pris la même décision. Les prix sous criée ont diminué de moitié. Le prix de vente ne permet plus de couvrir les frais. En début de semaine, le nombre d'invendu était important. D'autant que la flottille hauturière normande a un talon d’Achille : sa pêche est très diversifiée. Les espèces nobles comme le bar, la sole et la coquille n'ont plus de débouchés. D'autant que les supermarchés recentrent leurs ventes sur des filets en barquette avec une gamme restreinte, peu compatible avec la pêche normande.reportage de G. Archiapati et J. Rousseau
Première conséquence, en début de semaine : le comité régional des pêches à fermé la pêche à la coquille Saint-Jacques en baie de Seine. Elle reste en revanche ouverte au delà. Mais peu de bateaux y sont repartis.
Les gestes barrières inapplicables sur un bateau
A cela s'ajoute les inquiétudes et la réticence des équipages à repartir en mer. Impossible d'appliquer les gestes barrières sur un bateau de pêche. Sur un chalutier ou sur un coquillard, les hommes sont forcément en contact. Même si le gouvernement demande aux pêcheurs d'assurer une continuité alimentaire, pas simple de décider à quel bateau demander de partir dans ces conditions.Face à cette crise, les pêcheurs se sentent désarmés. La profession va solliciter des aides auprès de l'Europe. La mesure 33 du Feamp, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, prévoit des indemnisations pour un arrêt temporaire d'activité. Elle est normalement prévue pour faire face aux mesures de gestion de la ressource mais la filière espère qu'une dérogation soit accodée pour faire face à ce cas de force majeur.