Le journaliste Georges Pernoud est décédé à l'âge de 73 ans. Le mythique présentateur de "Thalassa", émission à la longévité exceptionnelle, a longtemps travaillé avec l'ancien directeur de France 3 Normandie, Erik Berg. Il nous parle de lui, avec tendresse et admiration.
Il est resté à la barre de "Thalassa" pendant 42 ans, valeureux capitaine d'un navire qui embarquait les téléspectateurs sur les mers et océans du monde entier. Georges Pernoud s'est éteint le 10 janvier 2021, à l'âge de 73 ans, "dans un hôpital de la région parisienne, des suites d'une longue maladie ", a précisé sa fille Fanny Pernoud à l'AFP.
Le journaliste à la voix reconnaissable entre toutes était le visage mythique de l'émission "Thalassa", le magazine de la mer" depuis 1980, émission à la longévité hors-norme qu'il avait lui-même créée en 1975. Il souhaitait partager sa passion de la vie maritime, sous toutes ses formes. Faire découvrir des archipels aux noms aussi exotiques qu'improbables, dévoiler les conditions de travail des pêcheurs, expliquer les tenants de la pêche au thon ou évoquer le sauvetage des migrants.
Erik Berg, ancien directeur de France 3 Normandie (aujourd'hui directeur de France 3 Hauts-de-France ) a partagé cette aventure avec lui durant quelques années. Il était rédacteur en chef de l'émission, jusqu'au départ de Georges Pernoud en 2017. Le présentateur, cette année-là, a préféré quitter le navire, suite à des changements de programmation qu'il déplorait. Il avait présenté son dernier numéro le 30 juin, en duplex de Saint-Malo.
Un homme "au regard bleu océan à jamais"
Ce jour-là, Erik Berg avait rendu un bel hommage, à son copain Georges, il avait "une pensée admirative pour un homme dont les rides semblent des vagues", un homme "au regard bleu océan, à jamais "
Pour Erik Berg, c'était un honneur de travailler avec Georges Pernoud " un monstre sacré" qu'il admirait déjà, enfant, depuis son canapé, quand la famille scrutait le petit écran carré chaque vendredi soir pour s'évader avec " Thalassa", sur France 3.
"Thalassa, c'est une vague qui remonte de l’enfance et contre ça on ne lutte pas" avait-il écrit à l'époque en soulignant combien l'aventure collective de Thalassa avait été incroyablement riche.
Je l'ai accompagné durant ses dernières années de "Thalassa", durant 4 ans environ. Tout de suite, nous avons été complices, puis amis. Paradoxalement, ce qui nous a lié au départ, ce n'était pas la mer, mais la montagne ! C'était notre point commun, nous étions tous les deux des "p'tits gars de la montagne". Peu de gens savaient que Georges était aussi animé par cette passion-là. Nous avons d'ailleurs randonné en Savoie tous les deux, lors d'un séjour mémorable.
Né en 1947 au Maroc, Georges Pernoud était en effet d'abord un amateur des montagnes. Il débute comme cadreur à l'ORTF en 1968 et participe à deux expéditions d'Haroun Tazieff au Congo et en Éthiopie. En 1973, il couvre sa première course à la voile autour du monde, la Whitbread.
Il découvre la mer. Une révélation. Erik Berg précise même : " Il était presque monomaniaque avec la mer. Il ne parlait que de ça...La mer représentait tout pour lui. Lorsque nous tournions près de la Seine, à Paris, souvent, il n'était pas vraiment là. De bon matin, je le voyais fixer l'horizon , il était ailleurs, au beau milieu de l'océan ou sur une île. C'est aussi ce qui nous a immédiatement lié. Nous parlions de nos voyages. Georges avait fait plusieurs fois le tour de France, et plusieurs fois le tour du monde. Il aimait les gens qui avaient parcouru le globe, qui possédaient un ADN de nomade, qui avaient le voyage ancré en eux. "
"Il voulait montrer les merveilles du monde pour mieux le protéger"
Depuis l'annonce de son décès, plusieurs voix s'élèvent pour souligner combien le combat de Georges Pernoud pour préserver l'environnement a compté. Erik Berg acquiesce mais précise :
Thalassa a pris sa part dans la préservation de l'environnement. Mais le combat était implicite. Georges Pernoud n'avait pas ce que l'on appelle " la fibre écolo", il n'était pas revendicatif comme pouvait l'être le commandant Cousteau.
"Il estimait qu'il fallait montrer les merveilles de la planète pour que les télespectateurs soient incités à la protéger, à respecter la nature et les océans. Il voulait que la prise de conscience naisse en observant simplement la beauté et la force de ce spectacle. L'un de mes plus beaux souvenirs avec lui, c'est d'ailleurs un reportage sur la mer d'Aral. une mer qui a disparu avant de renaître. Georges, en 40 ans, a vu littéralement les mers changer."
Une émission saluée par le public et la profession
"Thalassa" était solidement ancrée dans le paysage audiovisuel français. L'émission avait les faveurs du public. Georges Pernoud était populaire, et a également obtenu au fil des ans la reconnaissance de ses pairs. L'émission avait remporté quatre "7 d'or" et raflé deux prix Albert Londres.
Elle était aussi marquée au fer bleu par son premier générique, devenu lui aussi culte, grâce à un morfing hypnotisant qui accompagnera 1704 numéros. Sur un fond bleu océan, et une musique envoûtante, le célèbre générique dévoilait un poisson qui se métamorphose en voilier, puis en coquillage, avant de se transformer en boussole, en crabe et en scaphandrier.
Le secret de Thalassa : une belle image, de l'exigence et de la simplicité
Erik Berg poursuit : " Georges était exigeant sur le plan professionnel. Il voulait avoir les meilleurs cameramen, les meilleurs preneurs de sons. Il était intransigeant sur la qualité des reportages. Il avait débuté lui-même comme cameraman, il voulait de la " belle image".
Il a gardé quasiment la même équipe tout au long de ces années. C'était une famille. Avec ses histoires d'amours, d'amitiés, et ses turbulences.
Mais ce qu'il voulait par-dessus tout, c'était passer un message : la mer appartient à tout le monde. Et pour faire passer ce message, il n'était pas question de parler un langage maritime réservé aux initiés. Il refusait catégoriquement qu'on emploie dans nos reportages des termes de spécialiste. Il voulait que tout le monde comprenne les sujets, que l'univers maritime soit accessible à tous. "
Sur son compte facebook, Erik Berg partage quelques vidéos, où transpire joyeusement la complicité des deux hommes. "Thalassa prépare aux Canaries une émission très fruitée. La preuve avec ce selfie filmé", publie notre ancien directeur.
Et son public ?
"Georges Pernoud avait un public qui ne l'aimait pas comme une star, mais plutôt comme un membre de la famille. C'était l'oncle, le grand-père pour certains, à la fin... Quand on se baladait avec Georges, lors du Vendée Globe par exemple c'était très touchant. ce n'était pas des attroupements, mais juste des gens que l'on croisait, qui levaient la main pour l'interpeller: " Bonjour, Georges ! ".
Ils ne demandaient rien de spécial. La plupart du temps, ils voulaient juste lui dire : "Merci. Vraiment, merci"
Dernier "Thalassa" le 30 juin 2017
Hervé Colosio, Journaliste Reporter d'Images à la rédaction de France 3 Normandie, a lui aussi, bien connu Georges Pernoud avec qui il a collaboré durant 25 ans. Il était aux manettes, lors du dernier jour de tournage de Georges Pernoud à Saint-Malo. " C'était difficile...Il y avait beaucoup d'émotion", se souvient-il." On était sur la plage. On avait tracé un poisson dans le sable autour de Georges, il n'était pas au courant qu'on allait faire ce plateau-là. Moi je pilotais le drône à ce moment-là..."
Le journaliste se sent "très triste" et ajoute : " Georges,Pernoud adorait rencontrer les gens. C'était vraiment quelqu'un qui adorait les gens"