Déconfinement : Pourquoi les enfants ne seront pas tous de retour à l'école le 12 mai

En théorie tous les enfants reprendront le chemin de l'école le 12 mai, sur la base du volontariat. Mais en pratique, chaque commune dessine sa rentrée en faisant du "sur-mesure". De la Manche au Calvados, de la grande ville à la petite commune, les schémas se suivent mais ne se ressemblent pas. 

La rectrice de l'académie de Normandie, Christine Gavini-Chevet, a dévoilé ce jeudi le cadre général de la rentrée et le calendrier : 
 

  • Le 11 mai : rentrée pour les équipes pédagogiques en maternelle et élémentaire
 
  • Le 12 mai : les écoles élémentaires ouvrent le bal. Priorité donnée aux grandes sections de maternelle, CP et CM2 "C'est à titre indicatif', prévient la rectrice. Tout dépendra des situations locales"
 
  • Le 18 mai : Les collégiens de 6 ème et 5ème entrent dans la danse
 
  • Fin mai : un premier bilan va être effectué et "nous adapterons notre dispositif pour ouvrir les autres niveaux"
 


En ce moment, les mairies, les directions d'établissements et les inspecteurs d'académie élaborent leur plan de retour en classe et tentent de résoudre l'équation suivante : Compte tenu du protocole sanitaire (cf lien) - pas plus de quinze élèves par classe - et des locaux, comment faire pour accueillir les élèves ? 
 

On va avoir des situations très contrastées et adaptées à la situation locale, en prenant en compte le bâti scolaire. Dans les écoles, où les locaux sont importants, nous pourrons bien séparer les niveaux et faire des petits groupes. Dans de plus petits établissements, ce sera plus compliqué. Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Normandie
 

Et effet, d'une ville à l'autre, les schémas diffèrent et beaucoup n'ont pas encore été arrêtés. "On navigue à vue", reconnaît un directeur de cabinet. 

Tout dépendra des réponses aux questionnaires que les collectivités envoient en ce moment aux familles, leur demandant si elles souhaitent ramener leurs enfants à l'école ou pas. Les premiers retours sont attendus à la fin de la semaine et à priori, dès mardi ou mercredi, les collectivités y verront plus clair et communiqueront alors leurs décisions. 

 

Priorité aux classes charnières et aux élèves en difficulté


Dans le Calvados, beaucoup de communes prennent l'option d'un retour en classe pour les grandes sections de maternelle, les CP et les CM2, dès le 12 mai, comme Jean-Michel Blanquer, le Ministre de l'Education nationale l'avait annoncé le 21 avril dernier. La rentrée sera donc échelonnée pour les autres niveaux.
 


C'est le cas à Hérouville-Saint-Clair où le projet est déjà bien avancé. Dans les dix écoles de la ville, rentreront donc, le 12 mai, les élèves de grande section de maternelle, les CP, les CM2 et les classes dédoublées de CP/CE1 en REP ainsi que les ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire).
 
  • Comment l'enseignement va-t-il s'organiser à Hérouville-Saint-Clair ?

Prenons l'exemple concret d'une classe de 25 élèves de CP. Admettons que 18 enfants souhaitent revenir. Parmi eux, 3 n'ont pas pu suivre l'enseignement à distance, pendant le confinement, ils seront donc prioritaires et devront être en classe tous les jours. Les autres enfants seront répartis en groupe. Le groupe A (12 élèves max) les rejoindront en classe le lundi, et le groupe B, le mardi.

Pour le groupe B, celui qui ne sera pas admis en classe, faute de places, la ville d'Hérouville-Saint-Clair a décidé de "proposer un service d'accueil gratuit pour aider les familles". 

La rentrée se fait sur la base du volontariat, mais la continuité pédagogique doit se poursuivre. Donc pour les 7 élèves qui resteront à la maison, l'enseignement à distance est maintenu et entretenu par un autre professeur. Pas forcément celui de votre enfant, mais par un collègue qui n'était pas présent en classe.

Encore une fois, tout sera affiné en fonction des effectifs, d'où l'importance de remplir le questionnaire que votre école vous a envoyé dans les délais. A Hérouville, c'est le 5 mai. 

A partir du 25 mai, tous les niveaux en élémentaire seront invités à retourner à l'école. Là encore, les familles vont devoir s'adapter. Le matin, les arrivées risquent d'être échelonnées de 8H30 à 9H30 par exemple pour diluer les flux.

Les parents ne seront pas autorisés à rentrer dans les classes. La cantine est maintenue mais la pause méridienne va être allongée et il y aura plusieurs services, dès 11h30. 
 


Et la garderie ? Recherche "espace" rapidement

Et c'est là que le casse-tête commence pour les collectivités, comme Hérouville-Saint-Clair, notamment pour son service de garderie.

Tous les agents et animateurs seront protégés avec des masques et des visières, pas de problème de ce côté-là assure la mairie, mais il leur faut trouver des locaux.

Il y a encore deux mois, les enfants, tout niveaux confondus, étaient gardés dans les mêmes espaces. Demain, ce sera limité à quinze. Alors, la ville réfléchit et recense tous les espaces qui pourraient mis à disposition.
 

 

L'enjeu ? Raccrocher les élèves fragiles 


A tous les étages du rectorat ou des collectivités, la priorité, ce sont les enfants qui n'ont pas pu suivre les cours à distance pour des raisons techniques ou autres.

Mariannick Lefranc aurait dû partir à la retraite, le 30 avril, après quarante deux ans de bons et loyaux services. Mais au lieu de faire ses cartons, la directrice des affaires scolaires d'Hérouville-Saint-Clair reste sur le pont pour organiser cette deuxième rentrée, en pensant, avant tout, à ces élèves :

"Ma crainte ? C'est que les familles n'osent pas ramener leurs enfants à l'école, alors qu'ils connaissent de grandes difficultés. J'espère sincérement qu'ils reviendront". 
 


Pendant tout le confinement, les enseignants se sont efforcés de maintenir le lien, même pendant les vacances. Mais c'est vrai, les inégalités scolaires se sont creusées. En Normandie, on estime qu'entre 2 et 4% des élèves ont "décroché."
 

Nos professeurs ont fait un gros travail pour aller chercher ces élèves fragiles qui se sont peu connectés ou pas du tout. Parfois, ils n'ont pas réussi à établir un contact. Nous devons continuer et convaincre les familles de reprendre le chemin de l'école. Christine Gavini-Chevet, rectrice de l'académie de Normandie


La sociologue de l'Education, Agnès Van Zanten, explique bien dans Télérama qu'à la maison, l'enfant est seul face à son échec, ce qui peut accélérer le décrochage.


Le fossé à combler risque d'être important. Même avec une remise à niveau à la reprise des cours, on peut craindre des effets durables, notamment pour des élèves de fin de collège ou de lycée, avec des conséquences sur leur orientation.
 

A l'autre bout du département, tout le monde reprend ?


D'autres municipalités ont la capacité d'accueillir tous les niveaux. Cette piste est à l'étude à Caen, notamment, qui peaufine son plan de reprise et le révélera le 7 mai.
 


Dans le Cotentin, à Fermanville, commune d'un peu plus de 1000 habitants, la maire Nicole Belliot est en train de préciser cette rentrée, en concertation avec les équipes pédagogiques. L'école accueille habituellement 107 élèves, répartis dans cinq classes et tous sont invités à revenir.  

"Il y a deux scénarios. 1- Si nous avons plus de quinze enfants par classe, les enseignants envisageraient de les répartir en deux groupes. C'est un exemple, mais on peut imaginer que les grandes sections de maternelle, CP, CE1 viendront le lundi et mardi. Et les CE2, CM1 et CM2, le jeudi et vendredi.

Deuxième option, nous n'avons que 75 élèves (15 élèves par classe), et là pas de problème, ils seront accueillis tous les jours,
explique Nicole Belliot. Mais vous savez, ça évolue en permanence. On attend le retour des parents d'ici la fin de la semaine pour affiner."
 


Et pour le repas ? Problème de bras 

La difficulté dans ces petites communes, va consister à trouver le personnel pour assurer la garderie et la cantine. "Clairement, je n'ai pas suffisamment d'agents". La mairie va donc demander aux familles de fournir le pique-nique pour que les enfants puissent manger sur place. "C'est beaucoup plus simple pour tout le monde. Et puis, c'est jouable jusqu'aux vacances d'été."

Les trois écoles du canton devraient suivre le même modèle. C'est en tout cas le souhait. Les maires ont en effet prévu de se rencontrer lundi pour accorder leurs violons et prendre une décision commune.  
 


Dans l'agglomération voisine, à Cherbourg, la mairie indique finaliser son plan de reprise : 

"Tous ne reprendront pas le chemin de l’école dès mardi matin puisqu’ils auront classe en alternance - le rythme n’est pas encore défini - par demi-groupes. Ainsi, les familles seront informées du jour auquel leur enfant est attendu à l’école, en milieu de semaine prochaine."


Et les lycéens de Normandie : rentreront-ils ? 


On peut en effet se poser la question. Ce sont les régions qui gèrent les lycées et le président Hervé Morin ne cache pas ses doutes sur l'opportunité d'ouvrir leurs portes. 

Dans les médias, il répète à tout-va : 

J'ai fait le calcul, on va dépenser une énergie incroyable pour ouvrir les établissements pour trois jours effectifs par élève, seulement. Est-ce bien raisonnable de prendre le risque de relancer l'épidémie pour si peu ? Est-ce que ça en vaut vraiment la chandelle ? 
 

L'intégralité de son interview : 

 

 
Dans le corps enseignant, aussi, certains se montrent perplexes. Droit de réserve oblige, il le disent à mots couverts : "Comment allons-nous faire en maternelle pour faire respecter les gestes barrières à des petits qui touchent tout et machouillent leurs feutres ?" 
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