Droit des femmes au travail : pourquoi le congé menstruel coince toujours

Douleur intense, fatigue, étourdissement... les symptômes provoqués par des règles invalidantes sont nombreux mais ne sont pas reconnus au travail. Quelques jours après l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, le droit au congé menstruel est toujours fermement attendu.

Quand Marie* pense à son quotidien, entre la douleur que lui cause son endométriose et ses débuts dans la vie active, l'image du funambule lui vient toujours en tête. "C'est un jeu d'équilibriste. Il faut prendre soin de soi, connaître les limites de son corps et en même gérer son agenda professionnel quand on peut travailler", témoigne l'étudiante en communication de 23 ans.

Diagnostiquée il y a deux ans et demi, Marie doit régulièrement consulter son médecin, aménage des temps de pause dans la journée et en cas de crise, elle doit s'absenter pour se rendre à l'hôpital : "Je n'y suis allée qu'une fois mais c'était suffisamment traumatisant pour que je m'en souvienne. J'ai eu le droit aux remarques de mes collègues, j'ai perdu deux jours de salaire sur ma paye d'alternante et puis il a fallu que je me justifie. C'était culpabilisant".

Un droit en question

Une expérience douloureuse que Marie aurait mieux vécue si elle avait disposé d'un congé menstruel. La proposition de loi formulée par les députés socialistes a été écartée le jeudi 15 février par le Sénat. Elle prévoyait la mise en place d'un arrêt de travail pour les cas de dysménorrhée – règles douloureuses –, comprenant l’endométriose, d’une durée de deux jours par mois. 

Il y a des peurs liées l'adoption du congé menstruel, comme l'augmentation de la discrimination à l'encontre des femmes au travail. 

Aline Boeuf, autrice du livre "Briser le tabou des règles"

Si le droit au congé menstruel coince toujours en France, il a été accordé en février 2023 pour les femmes en Espagne. "Le manque de connaissance des preneurs de décisions sur le sujet constitue un frein à la prise de décisions en faveur de personnes souffrant de règles invalidantes. Ils sont pour la majorité des hommes qui ne font pas l'expérience de la menstruation, explique Aline Boeuf, doctorante en sociologie à l'université de Génève et autrice du livre "Briser le tabou des règles".

Sur le territoire français, 35% des femmes salariées considèrent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail, selon un sondage Ifop. Le congé menstruel est expérimenté à l'initiative de certaines entreprises –  Carrefour par exemple – et de municipalités comme celles de Saints-Ouen en Seine-Saint-Denis, Lyon ou encore Chinon en Indre-et-Loire.

Quelques jours après l'inscription historique du droit à l'IVG dans la Constitution, les associations ne perdent pas espoir et continuent leur combat sur le terrain pour soutenir ces femmes et leurs proches, dont les difficultés sont peu entendues.

Les associations au premier plan

"Il s'agit encore d'un sujet tabou dans les entreprises. L'adoption du congé menstruel aurait marqué une première étape vers une meilleure compréhension de la pathologie : il faut en parler, délier les langues entre collègues et les sensibiliser", explique Lorène Faure, présidente et fondatrice de l'Association de soutien aux femmes atteintes d'endométriose (ASAFAE) basée au Havre, qui accompagne les femmes atteintes d'endométriose dans leur parcours de soins.

Aménagement des horaires et du poste de travail, mise en place systématique du télétravail, il y aurait pourtant beaucoup à faire selon elle pour améliorer le confort des femmes concernées au travail. "Les rendez-vous chez le médecin ou chez le gynécologue prennent du temps, il faut en être conscient", ajoute-t-elle.

Nous avons besoin d'aller aux toilettes régulièrement, sans parler des douleurs intenses dans le ventre, le dos ou les reins ; et de la fatigue chronique qui nous rendent moins productives.

Lorène Faure, présidente et fondatrice de l'association ASAFAE

La dysménorrhée secondaire et plus particulièrement l'endométriose ne sont pas inscrites sur la liste des affections de longue durée ouvrant le droit à une exonération financière par la sécurité sociale. En conséquence, les jours non travaillés en raison de la maladie reviennent à la charge des femmes - exceptées certaines formes rares de pathologies.

Signe d'un progrès, toutefois : la ministre du Travail Catherine Vautrain a annoncé sur TéléMatin ce jeudi 7 mars que la Sécurité sociale prendrait en charge en "janvier 2025" un test salivaire pour détecter l'endométriose pour "10 000 à 20 000 femmes".

Le prénom marqué d'un astérisque (*) a été modifié.

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