Douze commerçantes normandes participent à une action culottée au niveau national. En tout, elles sont près de 200 en France à avoir envoyé des sous-vêtements au Premier ministre pour lui faire comprendre que leurs magasins de lingerie doivent être considérés comme essentiels.
"Monsieur le Premier ministre, vous trouverez ci-joint à ce courrier un élément de la vie quotidienne pourtant considérée comme non-essentiel par votre gouvernement : une petite culotte." C'est le genre de courrier auquel Matignon n'est sûrement pas habitué. "J'aurais aimé être une petite souris pour voir sa tête au moment où il ouvre mon enveloppe", sourit Claire Deraine, commerçante à Courseulles-sur-Mer (14).
Non, ce ne sont pas des admiratrices ou des fans de Jean Castex, plutôt le contraire. "J'ai envoyé un shorty en dentelle de Calais, une production bien française, et un boxer car j'espère qu'il en met le matin en se levant, comme tout le monde." C'est l'opération Action culottée, douze Normandes se sont prêtées au jeu.
Ce terme "non essentiel" nous divise, nous, commerçants, au lieu de nous rassembler.
L'affaire fait déjà parler au-delà des frontières françaises. "C'est dingue, ils en parlent en Belgique, et même sur CNN", se réjouit Aurélie Pautrel, gérante de trois boutiques de lingerie, dont une à Saint-Hilaire-du-Harcouët dans la Manche. Ses trois employées sont actuellement au chômage partiel, ses ventes se font par internet uniquement depuis la fermeture des magasins non essentiels. "Ce terme "non essentiel" nous divise, nous, commerçants, au lieu de nous rassembler. Pourtant entre la jauge limitée, les plexis et le gel, on avait fait tout ce qu'il fallait pour respecter les règles sanitaires. On nous dit qu'il faut patienter jusqu'au 15 mai, mais en est-on vraiment sûr ?"
Culottés mais pas résignés ! "La culotte c'est la première chose que l'on enfile quand on sort de la douche, alors...
Publiée par Colombine Lingerie • St-Hilaire sur Mardi 20 avril 2021
Lettre rédigée en commun, accompagnée d'un sous-vêtement
Au départ, c'est un collectif qui s'est lancé lors du premier confinement. Aujourd’hui, 480 commerçants indépendants en lingerie et bain en font partie, comme Christelle Jean à Torigni-sur-Vire (50). "J'ai été récemment dans une grande surface, et j'y ai vu une énorme publicité de lingerie, le rayon était totalement accessible, ils peuvent vendre à tout va, et nous non, on nous l'interdit. Ce n'est pas normal. Alors on s'est dit qu'il fallait interpeller les gens, même si je ne suis pas sûre qu'à Paris, ils prennent conscience du problème."
La décision a donc été prise de rédiger en commun une lettre type que chacun puisse envoyer avec une culotte. Gros succès, comme le montre cette carte de France des participants. Plus de 200 au dernier recensement.
La lingerie, ça s'essaye, et ça peut être un besoin urgent pour des femmes qui allaitent ou qui sortent d'opérations.
Si ces professionnelles voient ce combat comme commun à tous les petits commerces, elles en profitent aussi pour rappeler que les achats de sous-vêtements peuvent être aussi bien pour l'utilitaire que le plaisir. "J'ai conseillé la dernière fois une femme enceinte, dont la poitrine avait pris beaucoup de volume... Elle ne pouvait pas rester comme ça, il lui fallait un nouveau soutien-gorge rapidement", témoigne Claire Deraine. Sa consoeur de la Manche, Christelle Jean, aimerait bien que cette notion soit enfin entendue par le gouvernement. "La lingerie, ça s'essaye, et ça peut être un besoin urgent pour des femmes qui allaitent ou qui sortent d'opérations."
La survie du commerce de centre-ville
Au-delà de cette action humoristique, le problème est évidemment sérieux. "C'est une période très compliquée pour le commerce de proximité en général", alerte Eléonore Gall, installée à Granville (50). "On a été assez silencieux jusque-là, mais on accumule les stocks, le magasin en est rempli. il me reste encore des maillots de bain de l'an dernier, avec le 1er confinement, et malgré tout on doit repartir avec des nouveautés alors qu'on n'est même pas sûr de pouvoir ouvrir bientôt nos boutiques."
Un constat la frappe d'ailleurs à chaque fois qu'elle se rend en ville. "C'est désertique. Il fait pourtant beau, mais personne ne passe. Je plains même mes collègues commerçants qui sont ouverts, tellement ça doit être dûr à vivre. Une boutique ne peut pas continuer à travailler normalement quand ses voisins sont fermés, les gens ne se déplacent plus malheureusement. C'est la 3e fois en un an !"
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Publiée par Les Secrets de Claire sur Mardi 13 avril 2021
Le click and collect ou la livraison ne peuvent pas compenser le manque à gagner. "Ca ne représente même pas 5 % de mon chiffre d'affaire habituel", se désole Claire Deraine. "Je suis dans une cité balnéaire, il ne faudrait pas que en plus il faille rester fermé cet été."
"Action culottée" sollicite également le gouvernement sur les sujets suivants : le fond de solidarité, les frais fixes, la rémunération des travailleurs indépendants, les soldes... "La vérité est que nous sommes tous essentiels. Le commerce de proximité est précieux. Il contribue à l’économie locale et fait vivre nos communes. Il renforce le tissu social des villes comme des villages. Nous sommes les animateurs des centres villes, les confidents des personnes seules ou âgées, les distributeurs de bonheur de nos clients, la fierté de nos maires."