« Vous nous manquez » : à Rouen, anonymes et clients connus affichent leur soutien sur la façade des bars et restaurants

Alors que la réouverture des terrasses est prévue au plus tôt à la mi-mai, des mots d’affection, de solidarité et d’amour ornent depuis quelques semaines les vitrines et les rideaux baissés d'une dizaine d'établissements du centre-ville.

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C’était "il y a quinze jours, un lundi matin". Christian Comont, le gérant du Socrate, un bar-brasserie situé près du Palais de Justice et du lycée Camille Saint-Saëns, aperçoit trois bandelettes de papiers scotchés en haut à droite de l’entrée. "Toi aussi, tu comptes pour nous", est-il inscrit. Depuis, le "pour nous" s’est envolé. Mais l'esprit du message est resté. 

"Cela prouve qu'on nous aime! C'est super sympa, ça fait chaud au coeur. On manque à beaucoup de monde, vous savez", explique le patron qui fait de la vente à emporter de boissons chaudes, de burgers et de pâtes. 

Poésie, humour et nostalgie

A Rouen, les premiers messages sont apparus au début du printemps. Les suivants ont bourgeonné tout au long du mois d'avril. Couchés sur des post-it ou des morceaux de feuille A4, ils sont pour la plupart anonymes. Quelques-uns sont signés. Tantôt poétiques, tantôt humoristiques mais toujours bienveillants et nostalgiques. "C’est moins bien chez nous depuis qu’on ne va plus chez vous", "des mots sur les murs pour le droit à la biture", "on pense à toi qui aimerais travailler" ou plus prosaïquement "plein de bisous"

Cafés, bars et restaurants fermés depuis six mois déjà

Scotchés sur des devantures fermées, ces mots doux, souvent accompagnés de petits cœurs ou de dessins, disent beaucoup de la frustration ressentie par les clients réguliers ou occasionnels des bars, cafés et restaurants du centre-ville de Rouen. Ils sont aussi et surtout une marque de soutien aux gérants dont les établissements sont fermés depuis six mois au moins en raison de l’épidémie de COVID-19. 

Un mouvement initié par le monde de la culture

A l’origine de cette campagne d’affichage, le monde de la culture et plus particulièrement les membres du collectif "Cultures en luttes occupation Rouen". Ils sont travailleurs de la culture, de l’événementiel ou du tourisme. On compte aussi des enseignants et même des soignants. Depuis le 12 mars, ils occupent le Théâtre rouennais des Deux Rives en signe de protestation contre la fermeture des lieux culturels. Leurs revendications ont rapidement dépassé le simple cadre de la culture.

Nous avons choisi de faire fleurir de la poésie, de l'amour et de la revendication dans l'espace public

Ben Herbert Larue, artiste rouennais et membre du collectif "Cultures en luttes"

"Le théâtre que nous occupons est devenu un lieu de rencontres et d’inventions", explique Ben Herbert Larue, artiste rouennais et membre du collectif. "On souhaitait exprimer notre solidarité avec toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas travailler. Un projet créatif est né. Nous avons choisi de faire fleurir de la poésie, de l’amour et de la revendication dans l’espace public".

Dans la nuit du 23 au 24 mars, les premières affiches sont destinées aux bars et restaurants. "La réouverture des lieux de sociabilité fait partie de nos revendications. Nous les travailleurs de la culture, on est nombreux à exercer nos métiers dans ces lieux", souligne Amélie Chalmey, metteuse en scène et membre active du collectif « Cultures en luttes occupation Rouen». Et d’ajouter : "C’est une façon de briser l’isolement de ces professionnels. Ils nous manquent tous".

"Merci", disent les patrons

Les patrons de cafés, bars et restaurants apprécient le geste et remercient leurs auteurs sur les réseaux sociaux. "Merci tout simplement ", écrira sur Facebook le gérant du Son du Cor, célèbre troquet de la rue Eau de Robec, réputé pour son terrain de pétanque et sa grande terrasse. Sur la vitrine de l’établissement, ces mots doux apparus au petit matin :"Nos nuits sont tristes sans toi", "nous ne voulons plus du monde d’avant mais nous voulons les bars de Rouen". Certains gérants pourtant, ils sont rares, décrocheront les petits papiers de leurs devantures, froissés par quelques références osées.

Au fil des semaines, clients réguliers et anonymes vont aussi se manifester et marcher dans les pas du mouvement initié par le monde de la culture. A un jet de noyau d’olive du Son du Cor, le Café Perdu de la rue d’Amiens n’est pas en reste. Des post-it par dizaines recouvrent une partie de la vitrine. Et on s’adresse ici et là directement au patron :"Xavier, on est là, on pense à toi", est-il écrit sur un post-it.

Marre de cette fermeture! Marre de faire à manger! Hâte de manger une vraie et bonne galette de qualité! Hâte de retrouver cette ambiance chaleureuse!

Le cri du cœur d'un anonyme affiché sur la vitrine d'une crêperie de Rouen

"C'est un mystère et ça me va comme ça"

Au Socrate, Christian Comont n'en revient toujours pas."J'ignore qui a pu écrire ces mots. Un de mes clients avocats, retraités ou lycéens? Le collectif dont vous venez de me parler? J'aime ne pas savoir. C’est un mystère et ça me va comme ça", explique le gérant qui emploie dix salariés. Plus que des mots d'amour ou d'affection, il attend désormais la parole de l'exécutif pour les jours et les semaines à venir. Son seul horizon reste pour le moment le 17 mai, date de réouverture prévue pour les terrasses.

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