Depuis mercredi 24 janvier, les agriculteurs bloquent l’autoroute A13, dans l’Eure. La préfecture laisse faire. En mai 2023, alors que des écologistes manifestaient sur cette même autoroute, la police était intervenue. Ils dénoncent aujourd'hui un deux poids deux mesures.
Une vingtaine de tracteurs bloquent l’autoroute A13, à hauteur de Saint-Aubin-sur-Gaillon dans l’Eure, depuis mercredi 24 janvier, rejoignant le mouvement national de contestation des agriculteurs. Dans un communiqué publié hier, le préfet de l’Eure indique que la gendarmerie nationale a "sécurisé les lieux" et que "la situation est calme".
Une réponse de la préfecture qui a fait réagir sur les réseaux sociaux, notamment parmi les militants écologistes. "Ravie de lire que le préfet de l’Eure ne considère plus le blocage ponctuel d’une autoroute aux fins de revendication comme une mise en danger de la vie d’autrui", note sur X (ex-Twitter) Chloé Chalot, avocate au barreau de Rouen.
Ravie de lire que le @Prefet27 ne considère plus le blocage ponctuel d'une autoroute aux fins de revendication comme une mise en danger de la vie d'autrui justifiant l'envoi immédiat des CRS et la saisine du Procureur - @Nonalautoroute @lessoulevements https://t.co/MqGBLdiPXF
— Chloé Chalot (@ChalotChloe) January 24, 2024
En octobre dernier, plusieurs de ses clients ont été mis en garde à vue à la suite de la mobilisation du 7 mai 2023, et le barrage de l’autoroute A13, contre le futur contournement Est de Rouen. Une action de "désobéissance civile" menée par le collectif Non à l’A133-A134, le mouvement Les Soulèvements de la Terre et Les Naturalistes des terres.
"On a été traité comme des dangereux criminels"
En mai 2023, le préfet de l’Eure condamnait l’irruption des 200 militants écologistes sur l’autoroute A13 fustigeant une "action irresponsable" et un "trouble grave à l’ordre public", avant de saisir la justice, entraînant la mise en garde à vue de 9 personnes.
Parmi elles, Enora Chopard, militante d’Alternatiba-Rouen. "On a été traités comme des dangereux criminels", s’indigne-t-elle. "Les CRS avaient été envoyés dans les 30 minutes alors que c’était une action non-violente, sans aucune dégradation".
Il s’agissait alors d'une "sur réaction des autorités préfectorales, sécuritaire pour empêcher la manifestation et la sanctionner", estime Nicolas Hervieu. Ce professeur de droit public s’interroge sur cette inégalité de traitement dans la politique de maintien de l’ordre : "Il y a 8 mois, les moyens d’action des manifestants étaient similaires, le lieu était le même mais les réactions préfectorales sont très différentes (…) Quid de l’égalité devant la loi ?"
Il y a 8 mois, le blocage de *la même* autoroute avait suscité une réaction très différente du même préfet...
— Nicolas Hervieu (@N_Hervieu) January 24, 2024
En mai 2023, il avait fustigé une "action irresponsable" des @lessoulevements, saisit le parquet & utilisé des drones (suspendus en justice).
En janvier 2024, rien. https://t.co/rXLn6oJFdg pic.twitter.com/dTylLdmbwZ
"La répression ne devrait exister pour personne"
Pour la préfecture de l’Eure, les militants écologistes avaient à l’époque "envahi l'A13 par surprise (...) en pleine circulation et à une heure de trafic intense", mettant "en danger leurs vies et celle des automobilistes". Les agriculteurs, eux, n'auraient investi l'autoroute qu’après avoir échangé avec la gendarmerie et "la mise en œuvre de mesures de sécurisation et de déviation", a-t-elle ajouté.
Le dispositif déployé par le préfet de l’Eure, mercredi 24 janvier, vis-à-vis de l’action des agriculteurs est jugé "raisonnable et juste" par le collectif Non à l’A133-A134. "La répression [des manifestants, NDLR.] ne devrait exister pour personne", précise Enora Chopard qui dénonce la criminalisation des écologistes "depuis plusieurs mois", rappelant les réactions politiques et pénales aux évènements de Sainte-Soline : "On est très vite qualifiés d’éco-terroristes".
Les militants écologistes disent, par ailleurs, partager des revendications avec les agriculteurs notamment contre l’artificialisation des terres. Ils espèrent "le rétablissement d’une équité de traitement" et donc l’abandon des poursuites contre celles et ceux placés en garde à vue en octobre dernier.