Une étude réalisée en 2018 révèle que le site sidérurgique a été autorisé à rejeter des métaux lourds au-delà des normes autorisées. Des parents d'enfants atteints de cancers pédiatriques s'interrogent sur leurs conséquences.
Coralie Jarguel, maman d'un petit garçon atteint d'un cancer rare s'interroge...Est-ce qu'on peut attraper un cancer en étant fortement exposé au nickel ou au chrome ?
La mère de famille, qui est aussi co-fondatrice de l'association "Cancers, la vérité pour nos enfants" se bat avec d'autres parents pour connaître les raisons d'un nombre anormalement élevé de cancers pédiatriques dans le secteur d'Igoville et de Pont de l'Arche.
En février 2022, un nouveau cas de thyroïde a été décelé chez un enfant, 11 au total ont été comptabilisés ces dernières années.
Des rejets de métaux lourds excessifs
Déjà il y a quelques semaines, des traces de plomb ont été retrouvés dans les cheveux de 9 enfants malades sur 11 : "après ces résultats, l'Agence Régionale de Santé nous a répondu qu'on n'attrapait pas de cancer avec du plomb, mais est-ce qu'on peut attraper un cancer avec un taux de nickel 47 fois au-dessus de la norme et un taux de chrome bien au-dessus des normes aussi ?" s'insurge Coralie Jarguel.
Ces métaux sont rejetés dans l'air par le site de Manoir Industries, implanté à Pitres (Eure) et le collectif de parents soupçonnent que l'activité de l'industriel soit à l'origine de la maladie de leur enfant.
En effet, nos confrères de Mediapart se sont procurés des documents de la préfecture qui révèlent que le site sidérurgique a été autorisé à rejeter toute une série de polluants : "pour le chrome, en 2011, la valeur limite de rejet a été fixée à 5 grammes par heure par l'Etat. Or en 2018, Manoir Industries en rejetait presque 10 fois plus, avec 47,9 g / h. Pour le nickel, la limite fixée par l'Etat est de 0,73 g / h. En 2018, l'usine en a émis 50 fois plus, autour de 35 g / h."
Selon cette enquête, depuis 2016, l'usine a fait l'objet de sanctions administratives : deux arrêtés préfectoraux fixant des astreintes financières de 472 euros et 1482 euros par jour, pour des rejets excessifs dans l'air et dans les eaux mais aussi des arrêtés de mise en demeure et de consignation, pour des montants de 112 000 et 240 000 euros.
Familles et élus réclament de la transparence
De son côté, Richard Jacquet, le maire de Pont-de-l'Arche l'une des communes où vit un enfant malade, se dit déçu de ne pas avoir eu connaissance de ces études. "A partir du moment où on a une piste de rejets anormaux, ce qui avait été pointé par l'étude de Santé Publique France et de l'Agence Régionale de Santé, qui nous avait promis d'ailleurs des mesures de contrôle et de surveillance, il faut qu'on puisse avoir des retours" .
Le vice-président de la communauté d'agglomération Seine-Eure réclame aussi un recensement précis du nombre de cas de cancers pédiatriques sur le secteur identifié. "Combien d'enfants sont impactés depuis l'identification du cluster ? Il faut qu'on sache si ça se poursuit ou si les cas constatés sont 'normaux' par rapport à la population", explique Richard Jacquet. L'élu souhaite la mise en place d'un observatoire de la qualité de l'air et de l'eau afin de donner des informations claires et efficaces aux familles, à la population, pour qu'on soit sûr dit-il, que nos enfants grandissent sur un territoire sain.