Savez-vous combien chacun d'entre nous produit de déchets chaque année ? Quelle part en est réellement recyclée et combien cette gestion nous coûte-t-elle ? Notre équipe a suivi le trajet de nos poubelles. Reportage.
Vous êtes-vous déjà demandé comment finissaient nos déchets ? Nous sommes de plus en plus attentifs à la réduction de nos déchets pour moins polluer, mais aussi pour moins dépenser.
En Normandie, le coût de la gestion des déchets s'élève à 123 euros par an et par habitant. Un coût en constante augmentation. Alors comment les communes s'organisent-elles pour les gérer ? Comment limiter leur production ?
Le compost, troisième déchet ménager
Il y a d'abord les déchets dont le traitement ne pose pas vraiment de problème. À Martainville, dans l'Eure, arrivent les déchets de 180.000 habitants des communes alentour. Tailles de haies et tontes de gazon produisent en se dégradant un engrais naturel.
C'est le troisième déchet que nous produisons le plus. Le compost fait partie de ceux que l'on peut valoriser. "Ce produit-là va repartir chez les agriculteurs et sera répandu sur le sol. Il n'y aura pas de déchet ultime", explique Pierre Legros, vice-président du Syndicat de Destruction des Ordures Ménagères de l'Ouest du Département de l'Eure (Sdomode) en charge des plateformes bois, gravats et déchets verts.
Ce compost est vendu 7 euros la tonne. Un peu plus loin, des gravats seront proposés aux entreprises du BTP. À côté, du bois servira à alimenter des chaudières. Autant de sources de revenus pour le syndicat qui gère ces déchets et permet de réduire la facture des habitants.
70% des poubelles incinérées
Mais surtout, il y a notre poubelle quotidienne, le premier déchet en quantité. Elle est incinérée dans 70% des cas ou enfouie dans des casiers et recouverte d'un mètre de terre. C'est le cas sur le site Cetraval à Malleville-sur-le-Bec (Eure).
"Ce casier a une capacité de 50.000 tonnes, ce qui équivaut à un an et demi de remplissage", nous montre Sébastien Fabre, responsable du site Cetraval.
Ici, plus question de centre de valorisation. Ce centre d'enfouissement des déchets existe depuis 1973 et garde les traces tenaces de nos consommations passées.
"La matière organique va se dégrader pendant quinze ans. À vingt ans, il est complètement dégradé et considéré comme inerte. Dans les années 70-80, il y avait encore les sacs-poubelle bleus de nos grand-mères en PVC. On en retrouve énormément", poursuit Sébastien Fabre. "On retrouve également de la matière première comme des métaux, car à l'époque le tri sélectif n'existait pas."
Comme on aime le rappeler ici, le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas. En attendant, il faut continuer à améliorer le tri et la valorisation.
Dans la poubelle grise, il y a 30% de biodéchets alimentaires, d'épluchures de légumes, de restes de repas, etc. Tout ça, on va permettre aux habitants de le mettre dans des colonnes d'apport volontaires?
Jean-Pierre Delaporte, président du Syndicat de Destruction des Ordures Ménagères de l'Ouest du Département de l'Eure (Sdomode).
Un pas de plus pour les habitants de ce secteur vers un meilleur traitement de leurs déchets. La loi de transition énergétique et croissance verte prévoit leur réduction de 30% d'ici à 2030.
Déchets : les chiffres en Normandie
Chaque normand produit 718 kilos de déchets chaque année. Contre 568 kilos en moyenne pour l'ensemble des régions. Nos déchets verts expliquent en partie ce surplus. Le climat est ici particulièrement favorable à la pousse des végétaux.
Les ordures ménagères résiduelles, la poubelle noire, représentent la plus grande part de nos déchets (33,8%). Elles sont suivies par les déchets occasionnels (30,8%), comme les meubles, l'électroménager, les gravats, puis les déchets verts (21,1%). Enfin, la collecte sélective, la fameuse poubelle jaune pour les déchets en plastique (12,7%).
Depuis plusieurs années, le coût de leur traitement est en forte progression parce que nous trions davantage, nous jetons plus souvent en déchetterie, mais aussi parce que notre production de déchets augmente. Plus de 6% entre 2015 et 2021 alors qu'il devra baisser à l'avenir.
Des coûts en forte augmentation
Direction Caen (Calvados), chez Biomasse Normandie. Le bâtiment abrite l'observatoire des déchets, de la ressource et de l'économie circulaire de Normandie.
On valorise environ 45% des déchets. Il y a environ 20-25% de valorisation agronomique, c'est-à-dire les déchets verts que l'on va envoyer vers du compostage. Il va y avoir approximativement 20% de recyclage.
Alexandre Farcy, responsable du pôle déchets et coordinateur de l’observatoire Biomasse Normandie
"Tous les déchets qu'on ne trie pas, toutes les poubelles noires et les encombrants que l'on va mettre en déchetterie vont vers des filières d'élimination. Ces coûts d'élimination sont en forte augmentation."
La tarification au poids, une mesure efficace pour réduire les déchets
En dix ans, les mairies ont vu leurs dépenses liées au tri des déchets bondir de 50%. D'où l'idée d'inciter les particuliers à limiter leurs déchets non recyclables : plus ils remplissent de poubelles, plus ils paient. Plus de 7 millions de personnes sont soumises à ce tarif progressif.
"C'est plutôt une bonne initiative, c'est assez efficace. Les gens comprennent tout de suite qu'en payant les quantités de poubelles noires qu'ils vont produisent, il y a un intérêt à trier davantage et infine à préserver nos ressources", poursuit Alexandre Farcy.
Beaucoup reste à faire pour continuer de réduire nos déchets. Les deux tiers de ce que nous mettons dans la poubelle noire pourrait être recyclé, composté ou réemployé.