Des charpentiers et menuisiers d'une entreprise de l'Eure ont le privilège de façonner du bois d'exception pour la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris. Compas, hache à clapet et doloires, ces artisans maitrisent les techniques des bâtisseurs du XIIIe siècle.
Dans cet atelier, les charpentiers sont aux anges : "C'est un honneur, c'est une fierté, c'est l'amour du bois et remettre toutes ces techniques en œuvre. C'est génial" explique Théo, un de ses collègues, Antoine, ajoute : "C'est le plaisir de retrouver comment nos ancêtres ont réfléchi. Calculer la charpente, cela nous aide à progresser aussi aujourd'hui".
Depuis quelques mois, dans l’Eure, près de Brionne, les artisans ont commencé à rebâtir dans la discrétion, une partie de la charpente de Notre-Dame-de-Paris.
Le directeur d’une petite entreprise de menuiserie-charpenterie "les Ateliers Desmonts " a choisi parmi les plus beaux arbres de France, dans 20 massifs forestiers, dont celui de Bellême dans l’Orne
Grâce au GPS, nos descendants sauront d'où venait chaque chêne de la charpente de Notre-Dame
800 grumes ( tronc sans ses branches mais avec son écorce) vont être transformés en poutres d'une qualité exceptionnelle. L'entreprise de l'Eure est chargée de la charpente de la nef. 800 autres grumes sont partis près d'Angers, une autre entreprise travaille sur le choeur et les absides.
Les 2000 chênes qui vont constituer "la forêt" (charpente) de Notre-Dame-de-Paris devaient avoir "la rectitude, le bon diamètre, pas de nœuds et une écorce très propre", explique le fondateur de l'atelier eurois.
C'est "du bois dur, mais travaillé vert" précise François Calame de l'Association Charpentiers sans Frontières.
Les forestiers et charpentiers ont eu une attention pour les prochaines générations d'artisans qui oeuvreront dans les toits de Notre-Dame-de-Paris, la traçabilité de chaque arbre coupé.
On a fait un point GPS à chaque fois qu'on sélectionnait un arbre avant de le couper, et l'on va avoir cette traçabilité jusque dans la charpente"
Rémy Desmonts, charpentier, créateur de l'atelier Desmonts
Le compas, la hache à clapet, la doloire, comme au Moyen-Age
Si ces ateliers normands ont gagné l’appel d’offres, c’est qu’ils étaient les seuls ou presque à maitriser les techniques à l’ancienne.
Grâce à la hache à clapet, les charpentiers retirent la matière pour obtenir une poutre. Correspondant au cœur du bois.
Pour respecter les méthodes du XIIIe siècle, l’équarrissage (pour façonner le tronc circulaire en forme rectangulaire) est terminé à la doloire, une hache de charpente : cela permet de respecter les fibres du bois.
Un charpentier américain venu du Massachusetts
Notre-Dame-de-Paris, c'est un nom qui résonne dans le monde entier. Hank Silver, charpentier n'a pas voulu manquer cette chance et honneur de faire partie des artisans de la renaissance du monument.
"Je n'avais jamais rêvé que je pourrais un jour travailler sur la charpente de Notre-Dame-de-Paris. Notre travail va perdurer pendant peut-être 1000 ans"
Ces charpentiers s'inscrivent dans une tradition presque millénaire. Ils réalisent les poutres avec les techniques de l'épure et du trait de charpente. (source : ministère de la culture)
Le trait de charpente regroupe les moyens graphiques en usages depuis le XIIIe siècle en France permettant d’exprimer par le dessin et avec la plus grande précision la réalité des volumes d’un édifice, de leur pénétrations ainsi que les caractéristiques des pièces de bois qui permettent de les composer."
"Rebâtir Notre-Dame-de-Paris"
Un grand chapiteau a été monté dans l'entreprise de Perriers-la-Campagne, les artisans y feront un montage à blanc de la charpente de la nef à la fin de l'année.
"Un montage à blanc est réalisé en atelier afin de s’assurer que les tailles ont été bien faites et que les emboitements des pièces sont compatibles. Cela permet d’anticiper toutes les adaptations qui seraient susceptibles d’apparaitre lors du montage final sur les hauteurs de la cathédrale. " (Rebâtir Notre-Dame-de-Paris)
La charpente de la nef s'étendra sur 40 mètres de longueur, elle sera haute de 10 mètres. Une prouesse qui témoignera pour les siècles des siècles de la virtuosité des artisans normands.