Déguster un gâteau réalisé par une imprimante 3D, c'est possible ! Une start up normande lance un procédé unique au monde.
Cela ressemble à une imprimante 3D classique à une exception près : ce n'est pas un ruban de plastique qui sort de la machine, mais... de la pâte à gâteau ! Et l'objet reproduit n'est pas un objet industriel synthétique, mais une véritable pâtisserie qui peut se manger.
Le principe de cette "imprimante culinaire" est de mélanger la pâte à gâteau liquide avec des poudres alimentaires (neutre ou goût cacao), pour former un biscuit qui se consolide. Ensuite, la tête d'impression de la machine dépose la préparation couche par couche, pour obtenir la forme définie sur un logiciel de conception. L'ordinateur permet d'imaginer des gâteaux aux formes très originales, mais l'imprimante ne fabrique qu'une structure en biscuit. Ce sera ensuite au pâtissier de rajouter à la main tous les éléments gourmands et de décoration, pour compléter sa création : crème, mousses, fruits, etc.
Vidéo explicative ci-dessous :
La machine possède déjà un catalogue préprogrammé de formes et de recettes, qu'il est possible d'enrichir. L'imprimante 3D permettrait également de réaliser des recettes véganes, sans allergènes sans gluten.
Ce procédé unique au monde a été conçu par une start-up normande : La Pâtisserie Numérique, fondée par Marine Coré-Baillais, en 2019. Pour cette diplômée de l'ESSEC, prestigieuse école de commerce : "Le but est de libérer du temps aux pâtissiers pour qu'ils puissent se concentrer sur la créativité, l'assemblage des goûts, des textures, des couleurs pour faire quelque chose de super gourmand". Julien Kistner, ingénieur à la Pâtisserie numérique, ajoute : "Notre objectif n'est pas de remplacer le pâtissier mais de lui permettre d'automatiser ses tâches à faible valeur ajoutée".
"Gain en créativité, coût, goût"
Pour le moment, cette machine révolutionnaire est destinée à un public professionnel (artisans-boulangers, pâtissiers, etc.). Cette technologie brevetée devrait permettre au fabricant "d'augmenter sa rentabilité de près de 26 %, en économisant du temps sur la confection des pâtisseries [...], de réduire les coûts des moules en silicone ou acier", selon la start-up. Une innovation qui séduit également les grands groupes industriels.
"On a d'ailleurs signé un contrat de développement de R&D avec le groupe Jacquet Brossard pour imaginer une pâtisserie imprimée en 3D. C'est possible, peut-être, à terme, d'avoir une version industrielle de cette machine ou une version pour chez soi."
Marine Coré-Baillais, fondatrice de la Pâtisserie numérique
Marine Coré-Baillais, la fondatrice de la start-up, a tenu à suivre un CAP de pâtisserie, pour disposer de l'ensemble des connaissances et compétences nécessaires en ce domaine. Souhaitant s'implanter en Normandie, elle a obtenu les fonds nécessaires grâce à l'appel à projet de Fast Forward Agrifood, lancé par l'Agence de Développement pour la Normandie (ADN). La start-up est implantée au sein de La Pépinière 4.0 Le Hub à Louviers (Eure) et dispose d'un atelier de 200m2.
Qu'en pensent les pâtissiers ?
Nous avons contacté des pâtissiers du département pour savoir s'ils seraient prêts à utiliser cet outil high-tech. Une pâtissière du Havre, qui a déjà entendu parler de cette imprimante alimentaire, semble assez intéressée. "Je trouve ça vraiment bien pour gagner du temps, surtout pour les très grosses pâtisseries parisiennes, cela peut être bien !", explique-t-elle. A la question du risque de tomber dans la cuisine industrielle, elle répond que "cela reste quand même fait maison. Je pense que c'est un gain. Mais à mon échelle, ce n'est pas utile puisque j'ai un petit commerce."
En revanche, pour un pâtissier de Rouen, cette innovation le laisse plutôt dubitatif. "Je ne vois pas l'intérêt d'aller dans ce sens. Techniquement, on pourra aller vers ce genre de machines à l'avenir, mais ça va à l'encontre de l'artisanat", juge-t-il. Un travail de sensibilisation à ce nouvel outil reste donc à faire. C'est un des objectifs de l'ouverture de ce food lab.
Allier technologie et gourmandise
L'atelier de Louviers va permettre à la Pâtisserie numérique de réaliser ses essais et réaliser des démonstrations à destination des pâtissiers et chefs grâce à la ferme d'imprimantes 3D. Le but est aussi de les former à ce nouvel outil. C'est également à cet endroit que sont fabriquées les futures imprimantes. "Les premières machines vont sortir d'ici la fin de l'année. Vingt-cinq sont actuellement en cours de fabrication", explique un ingénieur de la start-up. L'entreprise ne veut pas s'arrêter là.
De belles perspectives
À terme, la start-up souhaiterait louer ses imprimantes 3D à destination des professionnels pour la somme de 500€ par mois. Plusieurs pâtissiers étrangers ont déjà sauté le pas. La Pâtisserie numérique envisage, par la suite, de proposer à la vente au grand public les "consommables" (pâte, poudre).
En 2023/2024, une nouvelle levée de fonds sera initiée pour aménager une ligne d'assemblage d'imprimantes culinaires. La start-up, qui compte actuellement 11 collaborateurs, pourrait employer 75 salariés dans les prochaines années grâce à cette future ligne de production.