Comment la présence de crapauds compromet l'installation d'une entreprise

Regroupés au sein d'un collectif, des défenseurs de la nature et de l'environnement sont mobilisés pour tenter de sauver des espèces protégées, dont des crapauds et des grenouilles, menacées par l'extension -dérogatoire- de la zone artisanale de Pont-Audemer (Eure) sur une zone humide.

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Le collectif s'appelle "Les crapauds de Pontau". Un nom logique pour une histoire qui concerne des batraciens localisés près d'un des cours d'eau de la "petite Venise normande", à Pont-Audemer.

Arrivée d'une entreprise de viande

Depuis le début de l'année 2022, les membres du collectif des "Crapauds de Pontau" sont mobilisés pour sauver des amphibiens, mais aussi d'autres espèces protégées qui vivent sur un terrain situé dans une zone humide labellisée de Pont-Audemer. Mais ce terrain, qui se trouve rue de Saint-Ulfrant, en amont du centre-ville et en bordure de la Risle, a été retenu pour un projet de construction d'un bâtiment.

En agrandissant la zone d'activité sur un terrain encore à l'état naturel, il s'agit d'accueillir à Pont-Audemer les locaux de la SNVC (société normande de viandes et de courtages) qui doit quitter la commune voisine de Toutainville afin de mettre aux normes ses installations de découpe de viandes et pour développer son activité dans de nouveaux locaux de conditionnement et de négoce.

Dérogation préfectorale

En prévision du chantier de construction des bâtiments de l'entreprise spécialisée dans la viande, une étude d'impact a été menée pour évaluer l'impact de l'extension de la zone d'activité sur l'environnement.

Finalement, le 10 février 2022, le préfet de l'Eure signait un arrêté permettant le déménagement de la société SNVC à Pont-Audemer prenant en compte différents critères économiques comme le maintien d'emplois locaux et "la création à terme d'une dizaine d'emplois supplémentaires" mais aussi en considérant "que le projet SNVC peut se prévaloir d'une raison impérative d'intérêt public majeur."

Quant à l'impact environnemental, la biodiversité observée sur le terrain ne pouvant pas "être qualifiée d'exceptionnelle, les espèces protégées n'étant ni rares, ni localement, ni dans le département" l'arrêté préfectoral accorde une dérogation  "autorisant la destruction, altération ou dégradation de sites de reproduction d'espèces protégées et la destruction ou perturbation intentionnelle  de spécimens d'espèces protégées."  

Contestation des associations de défense de l'environnement

Après l'arrêté préfectoral autorisant l'arrivée de SNVC rue Saint-Ulfrant, les membres du collectif "Les crapauds de Pontau" ont dénoncé la menace que ce projet de chantier allait avoir sur la biodiversité locale et lançaient une pétition.

Fin mars 2022, France Nature Environnement (FNE)  apportait son soutien au collectif de Pont-Audemer qui tente d'empêcher "le saccage irréversible d’une zone abritant a minima dix-huit espèces protégées d’amphibiens, reptiles et oiseaux."

Si FNE comprend la nécessité du déménagement de l'entreprise de Tourtainville et l'importance de conserver les emplois dans le secteur local, la fédération normande d’associations de protection de la nature et de l’environnement estime que d'autres solutions locales d'implantation auraient dû être envisagées sur d'autres terrains.

France Nature Environnement Normandie estime en effet est en effet que le site retenu est  situé dans une zone humide et à proximité immédiate d’une zone Natura 2000 entre deux réservoirs de biodiversité. "Au moins dix-huit espèces protégées ont été inventoriées sur le site, dont quatre pour lesquelles l’habitat serait fortement impacté. La quantité d’espèces observées en seulement une journée d’inventaire démontre une réelle richesse et l’absolue nécessité de préserver ce lieu."

FNE Normandie regrette par ailleurs que "ces données, pourtant identifiées par le Parc Naturel Régional Boucles de la Seine Normande (PNRBSN) et l’étude d’impact fournie par le pétitionnaire, n’aient pas pesé plus lourd dans la décision du Préfet de l’Eure. Bien que des mesures de compensation soient proposées, leur mise en œuvre et leur effectivité semblent incertaines. Par ailleurs, des opérations de fauchage auraient déjà eu lieu début mars, en pleine période de migration des batraciens, et ce, en dehors des prescriptions préfectorales."

Un recours contre l'arrêté préfectoral

Début avril 2022, dans un communiqué, France Nature Environnement Normandie (qui regroupe 52 associations) annonçait avoir déposé un recours  devant le Tribunal administratif de Rouen :

"Celui-ci a été déposé contre l'arrêté par lequel le Préfet de l'Eure a accordé une Dérogation espèces protégées à la SNCV. Cette dérogation autorise la destruction, l'altération et la dégradation de sites de reproduction d'espèces protégées, et la destruction et la perturbation intentionnelle d'espèces protégées - notamment plusieurs espèces d'amphibiens, de reptiles et d'oiseaux."

En attendant les suites de ce recours, à Pont-Audemer, les militants du collectif "Les crapauds de Pontau" ont été reçus par les élus locaux. Un début de dialogue qui devrait permettre, que le projet se fasse ou non rue de Saint-Ulfrant, de trouver des solutions concrètes pour mieux préserver la biodiversité locale.

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