Un moine de l'abbaye du Bec-Hellouin accusé d'agressions sexuelles par au moins deux femmes

Deux femmes accusent un frère de l'abbaye du Bec-Hellouin, dans l'Eure, de les avoir agressées sexuellement dans les années 90. Au terme d'une enquête canonique de deux ans, le signalement a été transmis au procureur d'Evreux qui a confié l'enquête à la gendarmerie de Bernay. D'autres victimes potentielles sont recherchées.

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En juillet 2020, une femme se manifeste auprès de l'abbé de l'abbaye Notre-Dame du Bec, au Bec-Hellouin, dans l'Eure. Elle accuse un des moines de cette congrégation bénédictine de l'avoir agressée sexuellement dans les années 90 alors qu'elle était âgée d'un trentaine d'années.

Peu après, une seconde femme rapporte avoir elle aussi été agressée sexuellement par ce même moine. Les faits présumés se seraient produits également dans les années 90 alors qu'elle avait une quarantaine d'années.

Dom Mark-Ephrem Nolan, l'abbé-commissaire de l'abbaye, qui se trouve en Irlande du Nord, a pu être joint par téléphone mercredi 4 janvier. Il assure à France 3 qu'à la réception du premier signalement, la Congrégation bénédictine de Sainte-Marie-du-Mont-Olivet (dont fait partie l'abbaye) a immédiatement "pris des mesures conservatoires à l'encontre du moine" accusé.

Elle lui aurait notamment interdit la confession, l'accompagnement spirituel, la prédication ou encore la célébration de l'Eucharistie hors de l'abbaye. Dom Mark-Ephrem Nolan nous assure avoir "demandé l'ouverture d'une enquête canonique" peu après la réception des signalements. "Je veux que l'Église soit une maison sûre pour tout le monde", insiste-t-il.

"Pas toutes majeures au moment des faits"

En parallèle, la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a reçu plusieurs témoignages ces derniers mois. "Moins de dix" selon Antoine Garapon, président de la CRR et magistrat honoraire joint par France 3 mercredi. Ils "concernent pour beaucoup le frère [accusé par les deux femmes]" et des moines de cette abbaye "en cours d'identification", explique-t-il. Le président de la CRR précise également que les victimes potentielles "n'étaient pas toutes majeures au moment des faits".

Créée à l'automne 2021 après la publication du rapport Sauvé, la CRR a vocation à recevoir et examiner les demandes des personnes victimes de violences sexuelles commises par un religieux ou une religieuse.

Dom Mark-Ephrem Nolan a pris contact avec la CRR mais "préférait attendre le retour de l'enquête canonique pour prendre des mesures", ajoute Antoine Garapon. Ce dernier assure cependant ne pas avoir eu accès au rapport de cette enquête interne, qui aurait pris fin en novembre 2022.

Une enquête préliminaire ouverte début janvier

Le 27 décembre 2022, dans un communiqué diffusé sur Twitter puis sur le site de la CORREF et co-signé par Antoine Garapon, Dom Mark-Ephrem Nolan rapporte "l'accusation de faits graves d'agression sexuelle concernant" un moine de l'abbaye. "Ce frère est éloigné de l'Abbaye depuis le 18 décembre 2022", écrit-il. Au téléphone, il nous assure que le moine accusé "n'a plus aucune fonction ni dans l'abbaye, ni dans l'Eglise" et qu'il n'a "plus aucun contact avec les fidèles".

Au niveau du parquet, nous avons été saisis d'un signalement le 28 décembre 2022, transmis par l'abbé.

Rémi Coutin, procureur de la République d'Evreux

"Un signalement a été fait au Procureur de la République d'Evreux" au terme de l'enquête canonique, peut-on également lire dans le communiqué. Une information confirmée à France 3 mercredi par Rémi Coutin, le procureur de la République d'Evreux. "Au niveau du parquet, nous avons été saisis d'un signalement le 28 décembre 2022, transmis par l'abbé". Un document "volumineux d'une centaine de pages", précise-t-il. Une enquête préliminaire pour des faits d'agression sexuelle a été ouverte par la brigade de recherche de la gendarmerie du Bernay début janvier.

"Des faits d'agression sexuelle ou peut-être de viol"

Le procureur de la République regrette cependant que l'abbaye ait mis deux ans pour alerter la justice de ces accusations. "Je trouve cela un peu dommageable car les faits sont très anciens. Nous avons donc perdu deux années supplémentaires", estime-t-il. 

Les deux femmes qui accusent le moine de "faits d'agression sexuelle ou peut-être de viol" - l'enquête s'attachera à qualifier la nature des faits - "fréquentaient l'abbaye", ajoute Rémi Coutin. Pour l'instant, aucune plainte formelle n'a été déposée. 

Les faits sont probablement prescrits. Les deux femmes "étaient déjà adultes au moment des faits donc ne bénéficient pas des délais de prescription particuliers pour les victimes mineures", observe Rémi Coutin. Mais, même s'il n'y a pas poursuite, "il est important de faire émerger la vérité et que les victimes aient été entendues", insiste-t-il. 

Appel à témoignages 

Dans son communiqué, l'abbé-commissaire lance également un appel à témoignages. "Dans un souci de protection et de justice à l'égard des personnes ayant fréquenté l'Abbaye et de vérité à l'égard de mes frères, il est de mon devoir de m'assurer qu'il n'y a pas d'autres victimes", écrit-il. Il demande ainsi à "toute personne ayant eu connaissance de faits condamnables" commis par ce moine, "y compris il y a fort longtemps" de les lui rapporter par mail ou en contactant la CRR. 

Les victimes qui nous ont contactés avaient à cœur qu'on fasse tout notre possible pour savoir s'il y a eu d'autres victimes. Notre souci principal est de libérer la parole.

Antoine Garapon, président de la CRR

Une démarche, là encore, qui étonne le procureur de la République. "Si des personnes voient l'appel à témoins et se sentent concernées, je les invite à se signaler auprès du parquet et de la gendarmerie, vers les personnes habilitées à mener l'enquête [...] Les faits relèvent de la justice judiciaire et non de la justice ecclésiastique", souligne-t-il. 

L'abbé Dom Mark-Ephrem Nolan explique mercredi avoir lancé cet appel à témoignages "pour que les potentielles victimes soient écoutées" et pour "les aider". "C'est un acte interne envoyé à un public ciblé de gens qui ont fréquenté l'abbaye. [...] Les victimes qui nous ont contactés avaient à cœur qu'on fasse tout notre possible pour savoir s'il y a eu d'autres victimes. Notre souci principal est de libérer la parole", abonde Antoine Garapon.

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