Près de 200 000 femmes seraient porteuses en France du dispositif de contraception Essure. Pour un certain nombre d'entre elles, l'implant a occasionné de nombreux problèmes de santé et nécessité son explantation. Deux normandes témoignent, à l'heure où ce scandale refait surface.
C'est un peu comme une grippe, mais sans la fièvre. Une grippe qui ne laisserait jamais une journée de répit. La vie de la seinomarine Virginie Martin a changé depuis quelques mois, et se résume à tenter de comprendre d'où proviennnent ces symptômes qui l'invalident au quotidien : fatigue très lourde, jambes coupées, ou troubles musculo-squelettiques. Consultations médicales, analyses et radios s'enchainent. Sa vie est rythmée par les rendez-vous médicaux qui ne lui apportent pourtant aucune réponse satisfaisante. "Je viens de faire un IRM parce que j'ai mal aux vertèbres dans le dos, des douleurs qui s'ajoutent à toutes les autres. Mais rien ne les expliquent" nous confie t-elle en nous montrant son imposant dossier médical. La jeune femme a perdu 20 kilos quand son état de santé s'est aggravé. Après une longue errance de diagnostique, Virginie Martin trouve sur internet des témoignages sur ses symptômes, et leur possible lien avec ses implants de stérilisation Essure posés en 2010. Virginie a finalement choisi l'explantation du dispositif, avec l'espoir de reprendre un jour possession de son corps, et de retrouver une vie normale.
Dispositif de stérilisation définitive
Le dispositif de stérilisation définitive Essure a été commercialisé entre 2002 et 2013 par la société Conceptus, puis par Bayer Pharma jusqu'en août 2017. Après de nombreux signalements, l'ANSM l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, a mis en place une surveillance renforcée, pour finalement arrêter la commercialisation du dispositif en septembre 2017. Depuis fin 2018, il n'est plus commercialisé dans aucun pays.
Cet implant était prescrit aux femmes qui ne voulaient pas ou plus avoir d'enfant, et souhaitaient une stérilisation définitive. Les implants étaient alors placés au niveau des trompes de Fallope par un gynécologue, sans nécessiter d'opération.
Beaucoup d'effets indésirables
Comme Virginie Martin, de nombreuses femmes implantées ont fait état d'effets indésirables : douleurs gynécologiques, fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, règles hémorragiques, céphalées, sècheresse de la peau et des muqueuses, perte de cheveux, problèmes de poids... La liste est longue.
Les victimes de ces effets sont recensées par l'association R.E.S.I.S.T, agréée par le ministère des Solidarités et de la Santé. 3000 femmes sur les 200 000 femmes implantées en France connaitraient ces symptômes invalidants. 11% de ces femmes ont choisi d'être explantées.
C'est la composition du dispositif, en contact avec les muqueuses, qui pourrait expliquer les problèmes de santé qu'il a généré. L'implant est composé de nickel, titane, chrome, fer, étain, argent, platine, iridium, ainsi que de fibres de polyéthylène de téréphtalate PET.
Michel Vincent est médecin-chercheur à Lyon, et spécialiste des métaux lourds. Pour lui, l'étain contenu dans les implants est toxique pour l'organisme, et provoque ces effets délétères.
Avec le temps, des processus chimiques peuvent se passer, et pourraient favoriser cette transformation en organoétain. C'est un neuro toxique, et les symptômes que présentent ces patientes sont très similaires à la toxicité chronique de l'organoétain
Alerter les femmes porteuses du dispositif
Ce scandale sanitaire refait surface à la faveur de l'action de 113 députés, qui ont écrit une lettre -à retrouver ici dans son intégralité- le 13 avril dernier au ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, pour lui rappeler les enjeux de l'affaire, et les mesures à prendre d'urgence. Ils y demandent notamment d'alerter au plus vite toutes les femmes porteuses de ce dispositif de ses effets préjudiciables. Les députés souhaitent également que les professionnels de santé soient informés de ces symptômes pour mieux les reconnaitre chez leurs patientes. Enfin l'assurance maladie doit prendre en charge l'ensemble des dépenses de santé générées par les effets secondaires imputables à ces implants. Notamment l'explantation du dispositif, que beaucoup de femmes choisissent pour cesser de souffrir.
Quelle vie après l'explantation ?
Séverine Lemoine est aussi une victime des implants Essure, qu'elle s'est fait enlever en septembre dernier. "Pour moi c'est un soulagement, une petite victoire. Après je suis dans l'attente que les effets secondaires disparaissent dans leur globalité. Mais on m'a effectivement expliqué qu'il fallait être patient puisque les métaux doivent être naturellement évacués par le corps, et ça prend du temps".
Parfois l'explantation a eu des conséquences dramatiques. Selon les informations communiquées par les députés au ministre de la santé, 51 femmes sont mortes après l'intervention, et 30% des opérées souffrent de séquelles post-opératoires. 22 000 femmes ont aussi été contraintes de subir l'ablation de leurs trompes ou de leur utérus pour cesser de souffrir.
L'association R.E.S.I.S.T a toujours milité pour que l'assurance maladie informe les femmes concernées des possibles effets secondaires de ces implants.
Tant qu'on aura pas un état des lieux, on ne saura pas comment vont les femmes qui portent les implants Essure, et du coup on ne saura pas si c'est grave ou pas.
Ainsi ce sont des milliers de femmes qui souffrent de symptômes invalidants, sans savoir que ce sont peut-être les implants qu'elles portent qui en sont responsables.
Des centaines de plaintes déposées
L'association R.E.S.I.S.T et plusieurs centaines de patientes ont déposé une action de groupe le 24 mars 2018, pour attaquer Bayer sur la défectusité de ses implants Essure. Le cabinet Dante qui les représente met en avant une étude d'un médecin de Brest qui montre l'amélioration de l'état de santé des femmes après explantation, preuve de la toxicité du dispositif sur l'organisme.
D'autres procédures individuelles sont en cours, concernant 150 autres femmes. Elles concernent des indemnisations au civil, des plaintes contre X -mais visant Bayer- pour "blessures involontaires, mise en danger, et possiblement tromperie aggravée", ainsi que des actions devant le tribunal administratif où les plaignantes attaquent l'Etat et notamment l'ANSM, pour sa responsabilité dans ce dossier.
Aux Etats Unis, ce sont 39000 plaignantes qui ont porté plainte contre Bayer. Dans 90% des cas, le géant allemand a choisi de clore les procédures en...payant.