A Caen, la pile de dossiers monte à la brigade des mineurs.Chaque enquêteur travaille sur 120 affaires environ. Si la parole se libère pour dénoncer des cas d'inceste, d'agressions physiques et sexuelles, le chemin reste difficile pour les victimes qui ont besoin de cette étape pour se reconstruire
Dans le couloir de la brigade des mineurs, on trouve des jeux, des peluches et des puzzles. Les victimes, ici, sont des enfants. Dès le plus jeune âge, ils ont été violentés par un membre de la famille, un proche ou un inconnu.
Les enquêteurs rencontrent beaucoup d'adolescents et de jeunes adultes, qui témoignent des années plus tard. Mickaël Nicolas recueille leur parole depuis 11 ans et d'après lui, la nature des faits a évolué.
Il y a plus de violence du fait de cette pornographie qui est présente partout et très facilement accessible sur les réseaux sociaux
Sa collègue et cheffe de brigade, Virginie Frémont, fait le même constat : "En ce moment, ce sont les nudes, des jeunes filles qui envoient des photos d'elles nues et puis aussi les sites de rencontres. C'est devenu un vrai fléau."
Le premier épisode de notre feuilleton s'intéresse aux conséquences de l'exposition de ces images et pose la question du consentement, à travers le témoignage de Camille, victime de viol à 16 ans.
Feuilleton réalisé par Gwenaëlle Louis, Images : Pauline Latrouitte, Stéphanie Lemaire. Son : Clotilde Moschetti, Joss Minfir. Montage Karine Lepainteur
Six enquêteurs travaillent à la brigade des mineurs. Sur chaque bureau, on retrouve la même chose : un clavier et une quantité de dossiers. Frédéric Fresse en gère "160". Depuis plusieurs mois, il s'occupe d'une affaire supposée de viol et d'agressions sexuelles. Plusieurs jeunes femmes mettent en cause un garçon de leur lycée, âgé aujourd'hui d'une vingtaine d'années. Les faits se seraient déroulés il y a quatre ans.
Ce jour-là, il reçoit une jeune fille, brune, renfermée, la tête penchée. Traumatisée, elle ne parvient à s'exprimer que par écrit. Elle raconte qu'elle a été violée dans les toilettes de son établissement. Et refuse toute confrontation, tant la peur la tiraille.
C'est l'épisode deux de notre feuilleton.
L'auteur présumé a été convoqué. Il nie les faits. C'est une course contre la montre. Le brigadier doit faire évoluer l'enquête, avant la fin de la garde à vue. Frédéric Fresse va donc tenter l'option "confrontation". Il appelle les autres plaignantes. L'une d'elles accepte finalement de se retrouver dans la même pièce que le jeune homme.
C'est le troisième épisode de notre feuilleton
Dans ces affaires, avec les mineurs, tout repose sur la confiance explique Mickaël Nicolas " C'est le plus difficile. Il faut vraiment que l'enfant ou l'adolescent, qui se trouve en face de nous, ait confiance, c'est primordial. Je les rassure en leur expliquant qu'il ne faut pas avoir honte surtout, et que ce n'est pas de leur faute".
Avec sa voix, toujours posée, il interroge le grand-père de Manon. La jeune femme, âgée de 19 ans aujourd'hui, a décidé de porter plainte contre lui, son père et son frère.
C'est l'épisode quatre de notre feuilleton.
Une fille sur 5, un garçon sur 13 serait victime d'inceste en France. Seulement 10 % des victimes portent plainte.
En parlant, Manon se trouve sur le chemin de la reconstruction. Mais il s'avère long. Elle a témoigné pour "sauver ses petites soeurs" dit-elle. Toute la cellule familiale a explosé. Elle, qui souhaitait devenir infirmière, va même devoir renoncer à ce métier. Lors d'un stage, elle a réalisé que toucher un patient lui était impossible.
C'est l'épisode 5 de notre feuilleton
La parole peut mettre plusieurs années à se libérer et c'est une difficulté supplémentaire pour les enquêteurs :
Plus les faits sont lointains, plus il sera difficile d'établir et de recueillir des preuves matérielles. Restera l'aveu, la parole de l'un contre la parole de l'autre.
Et c'est toute la complexité de ce type d'affaires. Souvent confrontés à l'absence de preuves, les enquêteurs doivent se baser sur les témoignages, qu'il faut à chaque fois croiser et vérifier. Ce qui explique peut-être que 73 % des affaires sont classées sans suite en France.