Lubrizol : enquête sur une multinationale florissante

France 3 Normandie a consacré une émission spéciale à la catastrophe industrielle de Lubrizol, et mené son enquête sur le fonctionnement de ce géant de la pétrochimie. Entre culture d'entreprise, sous-traitance et sécurité du site...nous vous proposons quelques éléments de réponse. 

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Vous ne le saviez peut être pas, mais vous utilisez sans doute dans votre quotidien des produits issus de la technologie Lubrizol : shampoing, crème, emballage, huile de moteur !
La moitié des véhicules de la planète dépend également du savoir faire de cette multinationale américaine au chiffre d'affaire colossal :  6,8 milliards de dollars en 2018. 
A la tête de cet empire, Warren Buffett, 89 ans et 4ème fortune mondiale.

       Une entreprise bien connue des rouennais

Cette entreprise implantée à Rouen en 1954,  les seino-marins la connaissent bien. 
Outre la catastrophe du 26 septembre dernier, quatre incidents majeurs ont jalonné l'histoire de cette entreprise pétrochimique qui gère des hydrocarbures et fabrique ici des lubrifiants pour huiles de moteurs : en 1974, 1988 et 89 puis 2013, la capitale normande et ses environs avaient déjà été la proie de pollutions et notamment de fuites de mercaptan.
Pourquoi une telle récurrence ? 
La sécurité est elle la priorité des industriels et de l'état ?

       Culture de la discrétion

Difficile pour notre enquêteur de s'entretenir avec des salariés de l'entreprise ou avec la direction qui maitrise sa communication.
Un sous- traitant a néanmoins accepté de répondre à quelques questions sous couvert d'anonymat.
             
        " Dans le métier, beaucoup de gens surnommaient Lubrizol "la secte", car c'est une société très confinée, très secrète. Ce qui peut se comprendre quand on est un site SEVESO "

Pas de syndicats contestataires non plus dans l'entreprise ni de lanceurs d'alerte qui auraient pu pointer d'éventuels dysfonctionnements.


          La sous-traitance des sites SEVESO en question

Mais les spécialistes de catastrophes industrielles posent la question de la pertinence de la sous-traitance de sites à hauts risques. 
                 
              " On peut penser que l'origine de l'incendie se situe dans un secteur intégralement sous-traité par une entreprise non spécialisée dans les risques chimiques...il est très mal vu pour une entreprise sous-traitante de remonter les problèmes " explique Philippe Saunier, coauteur du livre "AZF/Total, responsable et coupable". 

Selon ce syndicaliste CGT dans la chimie, les industriels n'auraient pas tiré les leçons de la catastrophe d'AZF à Toulouse en 2001.
Les sous-traitants n'auraient pas assez de formation ni de temps pour gérer des activités à hauts risques.

                     " Quand Lubrizol appelle, on y va tout de suite, même si tu as fini ta journée ! 
Aujourd'hui on veut aller plus vite, on veut plus de chiffres, de marges, de business...peut-être quelques fois au détriment de la sécurité
" nous rapporte anonymement un salarié sous traitant. 

La sécurité est elle alors négligée sur les sites à hauts risques ? 
Non à en croire Romuald Fontaine, le secrétaire général de la CFDT pour la branche chimie, syndicat majoritaire chez Lubrizol.
                     " C'est dans la culture d'entreprise, les employeurs ne mettent aucune restriction aux budget de formations "
Et chez les sous-traitants ?
                     " Ah..sauf peut-être chez les sous traitants car ce n'est pas leur coeur de métier la chimie ou la pétrochimie "


         
 Assouplissement des règles environnementales


L'assouplissement des règles environnementales et la simplification administrative des démarches depuis 2009 a permis à Lubrizol d'augmenter sa capacité de stockage sur simple déclaration, sans étude d'impact et de danger. Une réglementation tout à fait assumée par la préfecture et la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement de l'Alimentation et du Logement).

                    " On parle d'assouplissement. Ce qui est important en matière d'environnement c'est de faire des choses proportionnées, et l'appréciation qu'on en a eu, c'est que les 240 conteneurs ne modifiaient pas substantiellement la nature du site et les risques associés " selon Patrick Berg, directeur de la DREAL Normandie.


Selon Philippe Saunier, il y a une entente manifeste entre les industriels et les services de l'état.
                   " On a une complicité, en l'occurence permanente, entre les services de l'état qui devraient être indépendants et les gros industriels. Je dis bien les gros industriels car si c'est une PME les rapports de force ne sont pas les mêmes ".

La règlementation est elle adaptée à l'entreprise mitoyenne de Lubrizol, Normandie Logistique ? 
4151 tonnes de produits y étaient stockés alors que le site n'est pas soumis aux normes SEVESO. 
La question de la conformité des conditions de stokage se pose.

D'après Romuald Fontaine, secrétaire général CFDT Chimie :                 
                " Lubrizol n'est pas le mauvais élève, il y a des incidents dans toutes les entreprises du bassin. Mais cette fois c'est un lieu de stockage a brulé, il y a eu beaucoup de fumée et donc ça se voit ". 

Il semblerait que nous soyons passés ces dernières années à côté de catastrophes équivalentes dans plusieurs entreprises SEVESO de la région.
La catastrophe de l'usine Lubrizol a cependant rappelé aux normands qu'ils vivaient, pour certains, sur une poudrière.
 
Une enquête de Félix Bollez et Bérangère Dunglas
Avec:
- Gérald Le Corre, inspecteur du travail CGT
- Philippe Saunier, auteur du livre "AZF/Total responsable et coupable"
- Romuald Fontaine, secrétaire général de la CFDT branche Chimie
- Patrick Berg, directeur de la DREAL Normandie









 
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