Nos confrères de France Inter produisent des échanges de lettres qui confirment qu'EDF et Areva "avaient été alertées dès 2005 des dysfonctionnements" de l'usine du Creusot où a été fabriquée la cuve qui équipe le réacteur de l'EPR de Flamanville.
Depuis le 7 avril 2015, de sérieux doutes pèsent sur l'avenir du pharaonique chantier de Flamanville. Ce jour-là, l'Autorité de Sûreté Nucléaire indique qu'Areva lui a signalé une "anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve" du réacteur, une anomalie qualifiée de "très sérieuse" par un des responsables du gendarmes nucléaires.
Quelques semaines plus tard, nos confrères du Canard Enchaîné révèlent que ces anomalies étaient connues "de longue date". L'industriel aurait procédé à des tests sur l'acier destiné à la fabrication du fond et du couvercle de la cuve en 2006. Ces tests auraient révélé une concentration trop importante de carbone dans l'acier, une concentration susceptible d'affecter la résistance de la cuve de l'EPR de Flamanville.
Voici le récit qu'en faisait Alexandra Huctin le 8 juillet 2015
Défaut de la cuve de l'EPR: Areva savait depuis 2006 selon le Canard enchaîné
France Inter accable EDF et Areva
Dans une enquête dont la version radiophonique sera diffusée ce samedi 1er avril dans l'émission Secrets d'Info, nos confrères de France Inter parlent d'une "incroyable négligeance". Ils publient sur leur site internet des échanges de courriers qui datent de 2005 et 2006. L'ASN avertit déjà EDF des doutes que lui inspire la forge du Creusot.
Et nos confrères de France Inter de s'interroger : "Pourquoi avoir confié la réalisation de la cuve de l'EPR à un site industriel aussi éloigné des standards habituels du nucléaire ?"
Un responsable de Greenpeace avance cette hypothèse : "Peut-être que l'utilité de construire cet EPR aurait été questionnée à nouveau. On n'était pas en mesure d'avoir un industriel français capable de fournir des pièces, et peut-être que l'intérêt de l'EPR qui visait à avoir un produit français aurait été remis en cause." Des propos qui résonnent étrangement "avec cette explication qu'EDF nous a livrée", souligne France Inter : "le gouvernement français et EDF partageaient en 2006 l’intérêt de garder la filière française opérationnelle en France. Avec le renouveau du nucléaire qui se profilait à ce moment-là, EDF a souhaité renforcer des moyens de production en France pour mieux maîtriser sa capacité de réalisation de projets industriels"
Sylvain Tronchet, journaliste à France Inter, auteur de l'enquête pour Secrets d'Info :
EPR de Flamanville : les dessous de notre enquête par franceinter
Démarrage du réacteur EPR prévu en 2018... si la cuve est jugée conforme
Au mois de novembre 2016, à l'occasion d'une visite du chantier à Flamanville, EDF a confirmé une mise en service des installations à la fin de l'année 2018.Un programme d'essais était alors en cours afin de démontrer la résistance du couvercle et du fond de la cuve de l'EPR, dont l'acier présente une concentration excessive en carbone susceptible d'amoindrir sa résistance. "Aujourd'hui, 90% des résultats sont conformes et les 10% restants de toute manière sont dans des zones où la concentration en carbone était beaucoup plus faible, et sont aussi tous conformes", assurait Laurent Thieffry, directeur du projet Flamanville 3.
L'Autorité de Sûreté Nucléaire (qui a publié la liste des anomalies sur son site internet) devrait se prononcer dans le courant de l'année sur la conformité de cette pièce essentielle qui contient le combustible nucléaire. Interrogé sur France Inter, son directeur, Pierre-Franck Chevret ne le cachait pas : "les pressions sont fortes"...
Pierre-Franck Chevet répond aux questions d... par franceinter