Tout le mois de mars, la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) a proposé aux Normands du Sud-Manche de mieux connaître les rapaces nocturnes à travers la 15e édition de la "Nuit de la chouette". Chouette hulotte, hibou moyen-duc, effraie des clochers… Cinq espèces sont présentes dans la région.
La Nuit de la chouette, ce n’est pas terminé ! Pour les curieux et amateurs de ces petites bêtes nocturnes, rendez-vous ce 24 mars à 18h45 à la pointe du Grouin Sud à Vains (Manche). Sébastien Provost, guide ornithologue-naturaliste, propose quant à lui, ce samedi 25 mars à 18h45 au Jardin des plantes d’Avranches, une animation pour mieux découvrir ces animaux. A noter que les deux sorties sont gratuites, et sans réservation !
Trois questions à Richard Grège, ornithologue, animateur bénévole et trésorier à la Ligue de Protection des Oiseaux Normandie.
France 3 Normandie : Quel type de chouettes peut-on observer en Normandie ?
Richard Grège : Il y a, dans le désordre quantitatif, la chouette hulotte, l’effraie des clochers, la chevêche d’Athéna, le hibou moyen-duc… Un hibou grand-duc, présent il y a deux ans, tente de recoloniser la Normandie. En hiver, on peut également voir le hibou des marais, mais il ne se reproduit pas chez nous.
Avec la LPO, on fait des inventaires réguliers. Les effectifs de chouettes hulottes sont stables, car elle vit dans les arbres. Ceux des chouettes effraies baissent légèrement [on compte 4 500 couples, ndlr]. La Normandie fait partie des bastions français pour la chevêche d’Athéna, elle y est bien représentée, 3 600 couples.
La chevêche d'Athéna est petite, avec des yeux d’or… Elle ne supporte pas qu’on la regarde dans les yeux. C’est passionnant !
Richard Grègeà France 3 Normandie
La chevêche d’Athéna a besoin d’arbres creux dans lesquels se reproduire, ainsi que de zones où l’herbe est rase pour qu’elle puisse apercevoir ses proies au sol. Les bocages, les pâturages et les vergers lui sont donc favorables. Je la suis depuis trente ans : c’est le seul rapace nocturne que l’on peut parfois voir de jour. Elle est très présente dans le Roumois [nord de l’Eure, ndlr]. Elle est petite, avec des yeux d’or… Elle ne supporte pas qu’on la regarde dans les yeux. C’est passionnant !
On dit que les chouettes sont importantes pour l’équilibre de la biodiversité. Sont-elles menacées ?
Elles jouent un rôle extrêmement important dans les écosystèmes : ces animaux régulent les micromammifères, voire les rats, qui peuvent poser des problèmes aux cultures. Dans un corps de ferme ou une écurie, sans prédateur, il y aurait rapidement profusion de rats et de souris.
Les rapaces s’en nourrissent. Mais ils payent parfois un lourd tribut : dans la bande herbeuse, non traitée, située entre les zones agricoles et les autoroutes, des micromammifères se développent. Les chouettes se font faucher par les voitures en y chassant. C’est pour cela que l’on trouve énormément de chouettes écrasées sur les bords de route : chaque année, une effraie meurt par tronçon de trois kilomètres.
Globalement, les chouettes font face à plusieurs menaces : les routes, les municipalités qui grillagent les clochers d’église – où elles ont l’habitude de nicher – sans nous consulter, mais aussi l’intoxication par les produits chimiques mortels. C’est une contamination indirecte : les rapaces vont manger les rats tués par des raticides, les agriculteurs traitent leurs terres contre les campagnols… Les produits perturbent la fertilité des chouettes et les effectifs peuvent baisser.
Pourquoi sont-elles si fascinantes, pour vous ? Auriez-vous quelques informations insolites à partager ?
Je suis ornithologue autodidacte… Et c’est mon antidépresseur ! On vit dans la nature, on en fait partie. Dans la nature, il n’y a ni enjeux de pouvoir, ni d’argent. Ça fait un bien immense sur notre santé physique et mentale. Et scientifiquement parlant, c’est passionnant : par exemple, grâce à une vertèbre supplémentaire, les chouettes ont la capacité de tourner la tête à 170 degrés. Cela leur permet d’être posées sur une branche et de parcourir tout ce qui se trouve autour d’elles sans se retourner.
Il y a 15 jours, lors d’une animation sur la "Nuit de la chouette", j’ai fait écouter aux participants le cri de la chevêche d’Athéna dont ils ignoraient l’existence. Elle a un chant similaire à "oh oui, oh oui" ! J’écoute, et j’ai un frisson quand je l’entends chanter. Je me balade seul la nuit en forêt pour l’écouter.
Si vous en voyez une de jour, sur un pommier par exemple, sachez qu’elle vous a vu avant vous. Si vous l’approchez en la regardant dans les yeux, elle va s’envoler. Si vous marchez en diagonale, sans la regarder, elle ne s’envolera pas tout de suite.
Les oiseaux nocturnes ont toujours fasciné, le Moyen-Âge les a diabolisés. Autrefois, on vivait avec des bougies et des lanternes, on ne les allumait que rarement puisque ça coûtait cher. Quand on le faisait, c’était notamment pour veiller les morts. J’imagine qu’il y a eu une association entre la mort et les effraies des clochers. Quant à la chevêche d'Athéna, on la trouve sur des pièces romaines. Les Grecs la vénéraient. C’est important de faire découvrir la richesse, totalement ignorée, de la nature ordinaire.