Le syndicat Force ouvrière alerte sur le trafic de drogue qui aurait lieu à l'intérieur de la maison d'arrêt de Cherbourg, provoquant des tensions entre les détenus et leurs surveillants. La direction de l'établissement affirme que tous les colis faisant l'objet d'une tentative d'introduction sont interceptés mais admet une "situation tendue" et prévoit une opération de police dans l'établissement.
La tension monte derrière les murs de la maison d'arrêt de Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Selon le syndicat Force ouvrière, majoritaire dans l'administration pénitentiaire, les introductions de colis clandestins ont été multipliées ces dernières semaines, au point de susciter des tensions entre les détenus et leurs surveillants.
Des "énormes quantités de stupéfiants" seraient ainsi entrées dans la prison, avance le syndicat. Force ouvrière évoque 400 grammes de cannabis et 30 grammes d'héroïne introduits ces dernières semaines, en plus de téléphones portables. "Le personnel de surveillance se pose des questions quant à sa sécurité au sein de l’établissement, tout comme celle en périmètre du site", lance le syndicat.
Agression verbale
Un incident récent témoigne de cette hausse des tensions, dans cette maison d'arrêt où vivent 56 détenus. Lors d'une mise à l'isolement des pensionnaires "pour endiguer le trafic", l'un d'eux a agressé verbalement un surveillant, affirme Force ouvrière. "Vas-y, rentre avec moi, on va régler ça", aurait-il lancé à un agent pénitentiaire. Le même détenu aurait ensuite été surpris, pendant la nuit, en train de téléphoner depuis un appareil portable, ce qui est interdit dans la prison.
La situation est devenue alarmante, dès lors que ces projections sont devenues nombreuses et récurrentes.
Le syndicat Force ouvrière
Les marchandises – colis de drogue ou téléphones – sont lancées par des complices extérieurs par-dessus les murs d'enceinte, décrit un agent pénitentiaire joint par France 3. Les lancers se font souvent dans la nuit, depuis la rue Collard, qui longe la prison. Les détenus récupèrent les colis, tombés dans les cours intérieures, grâce à des "cannes à pêche" bricolées.
"Situation tendue"
Une pratique assez habituelle, mais "la situation est devenue alarmante, dès lors que ces projections sont devenues nombreuses et récurrentes", note un tract syndical. "Si les surveillants parviennent malgré tout à récupérer quelques colis", explique Force ouvrière, certains colis leur échappent.
Lorsque quelqu'un fume dix joints par jour, et que tout à coup il ne peut plus, c'est tendu.
Un membre de la direction de la maison d'arrêtà France 3 Normandie
Et cette interception de colis n'est pas pour apaiser la situation. "Quand on récupère les colis, forcément, les détenus ne l'ont pas, donc ils ne peuvent pas faire leur trafic à l'intérieur des murs, donc évidemment ils sont sous tension. Quand on récupère le colis, ils perdent de l'argent", décrit Damien Luce, secrétaire régional de Force ouvrière pour le pénitentiaire et surveillant à la prison de Cherbourg.
La direction de la maison d'arrêt de Cherbourg reconnaît une "situation tendue" mais affirme que les tensions sont justement liées à la bonne interception des colis. "On endigue, rien ne passe, on récupère tout", affirme un membre de la direction. "Lorsque quelqu'un fume dix joints par jour, et que tout à coup il ne peut plus, c'est tendu", évoque la même source.
Un détenu retrouvé inconscient
Mais selon Force ouvrière, le 24 avril, un détenu a été retrouvé inconscient dans sa cellule après avoir ingéré des substances illicites. Réveillé mais "les yeux complètement dilatés", le détenu aurait promis de "foutre le bordel et de se faire un surveillant", indique Force ouvrière.
"Là, il y a quand même eu des menaces assez gravissimes sur des collègues", déplore Damien Luce. Il fait aussi mention de "tensions sur la population pénale". "Les caïds mettent la pression sur certains profils de détenus. Et c'est pareil, on peut arriver à une situation explosive", décrit le syndicaliste. Le trafic crée aussi des dettes entre pensionnaires, qui n'arrangent rien, évoque-t-il.
À notre niveau, nous ne pouvons qu’accentuer les patrouilles autour de la prison.
Laurent Damarin, commissaire de Cherbourg
Selon Force ouvrière, "trois détenus bien connus" utilisent "l’art de mettre la pression sur les autres détenus, ce afin de s’assurer de récupérer les colis". Le syndicat réclame leur transfert dans une autre prison, ainsi que l'installation de caméras de surveillance autour du bâtiment et de filets empêchant les marchandises de passer le mur.
Une opération de police à venir
"À notre niveau, nous ne pouvons qu’accentuer les patrouilles autour de la prison", évoque le commissaire de Cherbourg, Laurent Damarin. Il fait part d'une maison d'arrêt qui "pose des contraintes" par sa position géographique, en plein centre-ville : "c’est facile de se balader à pied aux abords de la maison d’arrêt" et "il ne faut pas longtemps à un individu pour lancer un paquet par-dessus le mur d’enceinte", évoque-t-il.
La direction de la maison d'arrêt a indiqué à France 3 que des opérations auront cours prochainement dans la maison d'arrêt de Cherbourg "avec le concours des forces de police".