La gare maritime de Cherbourg fête son 90e anniversaire ce week-end. Inaugurée le 30 juillet 1933, elle est un des symboles de la ville, témoin de son passé glorieux au temps des grandes traversées entre la France et l'Amérique.
C'est un immense joyau art déco qui a vu défiler le monde entier : des passagers anonymes en partance pour l'Amérique, mais aussi des stars de Hollywood, venues visiter la France et l'Europe.
Construite en 1933 pour fonctionner pendant 1000 ans, dixit ses concepteurs, la gare maritime a connu ses heures de gloire et ses heures tourmentées.
Récits de vie d'une vieille dame de 90 ans, tout en dentelle de béton armé.
Cherbourg, un port tourné vers l'Amérique dès 1858 avec sa rade construite par Vauban
Avant 1933, Cherbourg est déjà un port transatlantique qui a notamment vu passer le Titanic. Mais le petit pavillon de briques rouges sur le port ne suffit plus à accueillir les bureaux des compagnies maritimes et les contrôles sanitaires des émigrants à destination des Amériques.
C'est l'architecte René Levavasseur qui va avoir la charge de construire la nouvelle gare maritime, capable d'accueillir plus de 175 000 passagers et 900 paquebots par an. Ce nouveau bâtiment doit permettre aux passagers d'arriver par route ou par chemin de fer. Et quatre voies ferrées sont prévues dans le hall des trains pour relier Cherbourg à Paris en à peine 4h.
Les années 30 : l'âge d'or des traversées transatlantiques
30 juillet 1933. Le président de la République, Albert Lebrun, vient inaugurer la nouvelle gare maritime de Cherbourg. Son autorail Bugatti arrive dans le hall des trains. Il n'a plus qu'à monter l'escalier monumental pour accéder à la salle des pas perdus, où trônent fauteuils en cuir et boiseries en acajou. Les spectateurs sont venus nombreux pour un tel évènement ! Même les Normands en costume folklorique sont de la partie.
Avec cette nouvelle gare maritime, Cherbourg a les capacités d'accueillir le monde entier. Et de nombreux paquebots vont se succéder sur ses quais : Bremen, Europa, Queen Mary, Normandie...
Premières ombres au tableau
Dès les années 20, Cherbourg est la porte d'entrée de l'Amérique depuis l'Europe.
Mais devant l'afflux d'émigrants, les États-Unis imposent un quota et le nombre d'arrivants est divisé par deux.
Le Krach boursier n'arrange rien, et les 175 000 passagers annuels espérés ne seront finalement que 60 000 jusqu'à la fin des années 30.
En 1940, La France et l'Angleterre entrent en guerre contre l'Allemagne, et s'en est fini des traversées. La gare maritime sera même en grande partie détruite en 1944 lors de la bataille de Cherbourg, les Allemands qui l'occupaient ayant décidé de la dynamiter avant de fuir.
Le glamour revient à Cherbourg
En 1948, quand le Queen Mary fait son retour à Cherbourg, la gare maritime n'est que partiellement réhabilitée. Qu'importe, les traversées reprennent enfin ! Jusqu'à neuf par jour sur la ligne Paris New-York. Et va revenir sur les quais du Cotentin le paquebot mythique du Queen Elizabeth, avec à son bord des stars hollywoodiennes.
Gregory Peck, Anthony Quinn, Richard Burton, Rita Hayworth, Liz Taylor, Charlie Chaplin sont passés par Cherbourg.
Les deux bateaux mythiques vont donner son surnom à la gare maritime : Notre-Dame des Queens.
L'avion, le pire ennemi des paquebots
En 1976, le Concorde permet de relier Paris à Rio-de-Janeiro, et en 1977, les États-Unis autorisent son vol sur leur sol, jugé auparavant trop polluant.
New-York n'est plus qu'à 3h30 de Paris contre plusieurs jours en paquebot.
Petit à petit, la gare maritime est laissée à l'abandon. Elle a même failli disparaître dans les années 80. Elle ne doit son sauvetage qu'à son inscription à l’inventaire des monuments historiques en 1989. Mais les fonds manquent pour sa restauration.
Sauvée par le projet de la Cité de la Mer
En 1990, Bernard Cauvin, président de la Communauté Urbaine de Cherbourg, propose un projet de réhabilitation des lieux en y créant la Cité de La Mer, un site touristique familial dédié à l'aventure de l'Homme et de la Mer.
Le Redoutable est placé juste à côté, sauvant ainsi le sous-marin cherbourgeois, lui aussi, de l'oubli.
"Notre-Dame des Queens" retrouve les paquebots
En 2004, le Queen Mary II fait escale sur le quai de la cité maritime.
C'est le plus grand paquebot du Monde et son escale à Cherbourg attire plus de 50 000 curieux. L'engouement pour les liaisons transatlantiques est toujours là.
Depuis, les géants des mers accostent régulièrement sur le quai de France. Les derniers en date étant le Disney Dream, le 23 juillet, et le Deutschland, petit paquebot de luxe allemand, forcé d'accoster dans le Cotentin, plutôt qu'à Jersey rendu inaccessible par ce mauvais temps du 27 juillet.
Cherbourg n'en a pas fini de son histoire avec les bateaux de luxe, et sa gare maritime est la dernière dans le Monde à dater des années 30. Mais qu'il est loin le temps des liaisons transatlantiques et du brouhaha des voyageurs dans la salle des pas perdus.