Ils sont étudiants ou actifs, des salles de cours aux soirées, ils se croisent, se séduisent ou se draguent. Mais 4 ans après #MeToo, les règles du jeu ont changé. Reportage à Cherbourg.
"Il faut faire comme eux en fait, faut pas se laisser marcher dessus ou quoi que ce soit. Parler aussi fort qu'eux, faire autant qu'eux tout le temps."
Louise a 21 ans. Elle fait partie des 7 étudiantes de deuxième année de l'ESIX, l'école d'ingénieur de Cherbourg et de Caen. 7 étudiantes pour 69 étudiants. Dans cette école qui délivre trois diplômes d'ingénieur, en agroalimentaire, en systèmes embarqués et en génie des systèmes industriels, il n'y a que 10 % de filles : " Oui, ça endurcit un peu, reconnait-elle, il faut montrer les crocs pour se ne pas se faire marcher dessus."
Il faut montrer les crocs pour se ne pas se faire marcher dessus.
Son voisin de droite opine du chef, "En soirée, moi j'hésite pas à aller voir les filles, le tout dans la gentillesse, je suis pas un mec lourd. Si la fille vous dit non, il faut pas continuer, c'est mort." L'un de ses copains reconnaît que "c'est compliqué de savoir où est la limite à atteindre."
Une limite que n'hésitera pas à leur signifier Louise et son amie Wassila. Aujourd'hui, quand les garçons sont trop insistants, trop lourds, elles n'hésitent plus à les remettre à leur place. "C'est à eux d'apprendre qu'on a aussi une légitimité à ne pas vouloir. Il faut qu'ils apprennent les bonnes manières au final, c'est pas à nous de changer." explique Louise.
Quelques secondes plus tard, un garçon depose un baiser sur la tête. Sa copine ira le voir et lui expliquer qu'il n'a pas le droit de faire ça.
Le reportage à Cherbourg de Pauline Comte et Marie Saint-Jours
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Avoir le choix, savoir dire non et le faire entendre, c'est donc le combat de la jeune génération car comme l'explique Marion Charpenel, maîtresse de conférence en sociologie à l'Université Rouen-Normandie "ce mouvement #MeeToo a été approprié par des jeunes femmes qui ont exprimé leur ras-le-bol de ce rôle féminin qui est leur a été attribué et qu'elles se devaient d'incarner. Ce qui est assez frappant c'est de voir qu'il y a eu un renouvellement des militantes féministes du point de vue générationnel."
Et les hommes dans tout ça ?
Les jeunes filles veulent sortir de ce shéma et en demandant plus d'égalité, cela implique une perte de pouvoir pour certains. "Ce n'est pas anodin, cela veut dire que les hommes perdront un peu de leur position et de leur pouvoir, explique Marion Charpenel. Il peut y avoir des résistances mais il y a aussi des hommes qui souffrent des rôles qui leur ont été attribués et qui voient qu'ils ont tout à gagner avec l'égalité. D'ailleurs certains hommes s'engagent dans des mouvements féministes."
Et pour aller plus loin, ne manquez pas Enquêtes de région "Hommes femmes, mode d'emploi" sur France 3 Normandie, Angèle De Vecchi reçoit :
-Marion Charpenel, maîtresse de conférence en Sociologie à l'Université de Rouen Normandie, docteure en science politique.
-Laura Slimani, adjointe au maire de Rouen, en charge de la démocratie locale et participative, de l'égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations.
-Maryline Cotton, conseillère conjugale et familiale
Avec des reportages sur les conquêtes féministes, les lieux réservés aux femmes et l'identité masculine aujourd'hui, avec des témoignages d' hommes qui se sont émancipés des stéréotypes masculins.