Rupture du contrat du siècle : l’Australie avait averti la France dès le mois de juin

Lors d’une visite à Paris le 16 juin, le Premier ministre exprimait son mécontentement. Les dernières propositions de Naval Group étaient jugées "trop coûteuses". La Marine australienne réfléchissait déjà à des alternatives en cas de rupture du contrat prévoyant la fourniture de douze sous-marins.

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L’information était alors un peu passée inaperçue mais l’avertissement avait le mérite d’être clair : lors d’un dîner de travail organisé à l’Élysée le 15 juin, Scott Morisson avait fait part de son "mécontentement" concernant l’exécution du contrat géant portant sur la fourniture d’une douzaine de sous-marins conventionnels.

 

La rupture était en germe depuis le mois de février. Naval-Group présente alors "le design" des submersibles. Le client tique. Au printemps, le Premier ministre australien fait le voyage en France pour rencontrer Emmanuel Macron. Il explique au président de la République que la proposition de Naval Group (la société est détenue par l’Etat…) est bien "trop couteuse", loin des termes du contrat signé en 2016 : "et comme pour tout contrat, je m'attends à ce qu'ils soient en mesure de le respecter". Scott Morrisson donne alors "jusqu’au mois de septembre" à l’entreprise française pour qu’elle révise sa proposition. Nous y sommes.

 

 

"C'est un coup dans le dos"

Scott Morrison songeait-il déjà à un revirement stratégique, préférant finalement investir dans des sous-marins à propulsion nucléaire ? Le dérapage financier n’était-il pas qu’un prétexte pour se dédire ?

Le 14 février 2019, Hervé Guillou, le Pdg de Naval Group, pose devant la maquette d'un sous-marin de type Barracuda identique à ceux qui devaient équiper la Marine australienne. © PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

Depuis que l’Australie a passé sa commande en 2016, les coûts ont été régulièrement réévalués. D'un montant de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) à la signature, la valeur de ce contrat est estimée actuellement à 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d’euros) en raison de dépassement de coûts et d'effets de change.

 

La conception des submersibles occupe environ 500 techniciens et ingénieurs de Naval Group à Cherbourg. Quelques dizaines d'Australiens se sont installés dans le Cotentin. Le groupe français emploie aussi 300 personnes à Adélaïde en Australie. La rupture de ce méga-contrat "est un coup dans le dos" estime, en termes fort peu diplomatiques le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "Nous avions une logique très sûre, un calendrier très strict".

Pourtant dès le mois de mai, la Marine australienne avait admis réfléchir à une solution de rechange. "Il est prudent que la Défense envisage des alternatives si nous n'étions pas en mesure de poursuivre le projet", expliquait Greg Moriarty, le plus haut fonctionnaire en charge du dossier au ministère australien de la Défense qui s’exprimait devant des sénateurs de son pays. Un "Plan B" était à l’étude. Lequel ? Secret-défense. Sans doute ce pacte de sécurité dans la zone indo-pacifique proposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne était-il déjà sur les rails ? L’Australie pourra ainsi se doter de sous-marins à propulsion nucléaire.

 

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