Les cinq passagers du submersible perdu depuis ce dimanche 18 juin dans l'Atlantique nord, près de l'épave du Titanic, sont morts dans "l'implosion catastrophique" de ce petit sous-marin de tourisme scientifique, ont annoncé jeudi 22 juin les garde-côtes américains et l'entreprise OceanGate, organisatrice de l'expédition.
"Nous estimons à présent que notre patron Stockton Rush, Shahzada Dawood et son fils Suleman, Hamish Harding et Paul-Henri Nargeolet sont malheureusement morts", a déploré dans un communiqué la société américaine OceanGate Expeditions, après quatre jours de recherche.
"Le champ de débris" retrouvé par les robots de recherche près de l'épave mythique, par près de 4 000 mètres de fonds, "est compatible avec une implosion catastrophique" du submersible, a déclaré, de son côté, le contre-amiral John Mauger des garde-côtes américains, lors d'un point de presse à Boston, sur la côte nord-est des Etats-Unis. Il a évoqué une "perte catastrophique" de pression à l'origine de l'accident.
Paul-Henri Nargeolet, figure de Cherbourg
Le Français Paul-Henri Nargeolet, décédé avec l'équipage du submersible Titan porté disparu depuis dimanche dans une visite de l'épave du Titanic, est un ancien sous-marinier devenu spécialiste de la plongée à grande profondeur et passionné d'archéologie maritime.
Originaire de Haute-Savoie, cet explorateur des fonds marins âgé de 77 ans a effectué la première partie de sa carrière comme officier de marine. Commandant du groupe de plongeurs-démineurs de Cherbourg, il devient ensuite pilote de sous-marins au Groupe d'intervention sous la mer, dépendant de la Marine nationale française. De là il passe à l'archéologie maritime, avec la fouille de plusieurs épaves, au sein de l'association du Groupe de recherche d'archéologie navale.
Le véritable tournant de sa carrière intervient en 1986 lorsqu'il devient responsable des sous-marins d'intervention profonde de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. Dès 1987, Paul-Henri Nargeolet côtoie l'épave du Titanic à bord du sous-marin français Nautile. S'ensuivront, au fil des ans, des dizaines de plongées ayant permis notamment de remonter plusieurs centaines d'objets.
Les dernières remontent à l'été 2021, raconte le sous-marinier dans une longue interview publiée sur le site de La Cité de la Mer de Cherbourg, dont il était devenu l'ambassadeur. "Au cours de notre dernière plongée sur la partie avant du Titanic, sans aucun courant ce qui est très rare, nous avons pu observer pour la première fois des parties de l'épave sous un angle différent, ce qui en a fait une plongée particulièrement intéressante", déclarait-il.
Paul-Henri Nargeolet est devenu dès 2007 directeur du programme de recherche de la société RMS Titanic/Phoenix International, qui possède l'épave. Il n'a pas cantonné ses activités à l'étude du navire, en participant à plusieurs campagnes de recherche de navires disparus, et même de celle, en 2010, de l'Airbus A330-203 disparu lors du vol Rio Paris.
Des négligences d'OceanGate ?
A peine le dénouement de cette tragédie connu, le Wall Street Journal a révélé hier soir que l'US Navy avait détecté dès dimanche, peu après la perte de contact avec l'appareil, un signal indiquant la probable implosion du submersible. Le Titan, long d'environ 6,5 mètres, avait plongé dimanche et devait refaire surface sept heures plus tard mais le contact avait été perdu moins de deux heures après son départ. L'engin disposait d'une autonomie théorique de 96 heures d'oxygène.
Au fil des recherches cette semaine, des informations mettant en cause OceanGate ont été dévoilées sur de possibles négligences techniques de l'appareil de tourisme sous-marin. Une plainte au civil aux Etats-Unis en 2018 montre qu'un ex-dirigeant de la compagnie, David Lochridge, avait été licencié après avoir émis de sérieux doutes sur la sûreté du submersible. Selon cet ancien directeur des opérations marines, un grand hublot à l'avant de l'appareil a été conçu pour résister à la pression subie à 1 300 m de profondeur et non à 4 000 m.
Pour 250 000 dollars la place, les passagers s'étaient engagés dans une exploration des restes de ce qui fut l'une des plus grandes catastrophes maritimes du XXe siècle, avec près de 1 500 morts. Depuis la découverte de l'épave en 1985, scientifiques, chercheurs de trésors et riches touristes lui rendent visite, entretenant ainsi le mythe.