Florent Plana, 27 ans, a sillonné les États-Unis durant quatre ans pour rencontrer des vétérans de la seconde guerre mondiale. Il a recueilli leurs témoignages. Une exposition et un premier documentaire sont présentés au public.
"Il n'est jamais trop tard. 74 ans après, il y a toujours des vétérans qui ont besoin de se confier. Il faut juste savoir où ils habitent et les trouver". Jusqu'au 31 août, Florent Plana présente à l'Office du tourisme de Sainte-Mère-Eglise une exposition intitulée "Regards, portraits de vétérans américains". Sur les murs, 33 photographies d'anciens combattants (et parfois de leurs proches) ayant foulé, durant la seconde guerre mondiale, le sol normand. "Ce sont des portraits qui m'ont marqué par le regard, on a l'impression qu'ils ont quelque chose à vous raconter et c'est pour ça que j'ai mis un petit bout d'histoire tiré de leurs interviews", explique le Bayeusain de 27 ans.
Historien de formation et guide touristique dans la vie, Florent Plana a effectué son premier voyage aux Etats-Unis en 2014, l'année du 70e anniversaire du Débarquement. En quatre ans, le jeune Normand a traversé l'Atlantique à cinq reprises, muni de son appareil photo et de sa caméra. Il a recueilli près de 500 témoignages. "C'est une course contre la montre. Rien que pour 2018, j'ai rencontré 107 vétérans, dont plus de 80 n'avaient jamais été interviewés. Chaque jour, on perd des milliers de témoignages". Selon certaines estimations, 6 millions d'anciens combattants américains de la seconde guerre mondiale étaient encore en vie en 2004. En 2018, on en recenserait plus que 400 000.
"Ce sont les petites histoires qui ont fait la grande histoire, c'est ça qui me touche le plus: le ressenti de ces anciens combattants, leur vécu, savoir ce qui s'est passé dans leur tête il y a 74 ans lorsqu'ils ont foulé le sol normand et combattu pour notre liberté", explique Florent Plana.
Partager ces souvenirs ça a été comme une thérapie
Ces petites histoires, beaucoup n'avaient jamais été racontées. La plupart des vétérans rencontrés par le jeune Normand ne sont jamais retournés en Europe et ont longtemps gardé cette page de leur vie au fond d'eux-mêmes. "La fille d'un de ces anciens combattants m'a contacté et m'a dit: c'est quelque chose qu'il a attendu toute sa vie, de pouvoir se confier. On a une interview qui dure à peu près trois heures. Il y a des moments très émouvants, la mort de certains de ses camarades, les circonstances dans lesquelles il a été amené à tuer des gens. C'est dur à raconter. C'est quelque chose qu'il avait en lui depuis 74 ans. Partager ces souvenirs ça a été comme une thérapie."
En parallèle de cette exposition de photographies présentée à Sainte-Mère-Eglise, Florent Plana a récemment sorti un documentaire sur internet. Dans "I was a combat medic on Omaha Beach", Robert Shay raconte, durant une dizaine de minutes, son débarquement à Omaha beach le 6 juin 44: la panique dans le bruit et la fureur des combats, la course pour la survie, ses frères d'armes qui tombent autour de lui sous les balles ou son collègue infirmier dont il tente de soulager les souffrances pour qu'il puisse s'éteindre paisiblement. Le témoignage du vétéran est entrecoupé de reconstitutions qui ont été validées jusqu'au moindre détail par des spécialistes de la seconde guerre mondiale.
1300 heures d'entretiens
Ce documentaire est, son réalisateur l'espère, le premier d'une longue série et le moyen de toucher un autre public. "La vidéo parle aux jeunes générations. On a grandi avec des écrans: la télévision, l'ordinateur, le téléphone. C'est un format intéressant. Il y a beaucoup de jeunes qui ont regardé cette vidéo sur les réseaux sociaux. Elle a été vue plus de 20 000 fois en l'espace de trois-quatre jours." Au cours de ces quatre années passées à sillonner les Etats-Unis pour rencontrer les vétérans, Florent Plana a enregistré en vidéo plus de 1300 heures d'entretiens. Le Normand ne souhaite pas que ce fond exceptionnel reste entreposé sur des disques durs. Il compte produire d'autres documentaires et, à plus long terme, exposer ces témoignages dans un musée.Reportage de Jérôme Raguenau et Claude Leloche
